L’acte
unilatéral est en quelque sorte le mode d’action normal de l’activité
administrative. Pour autant, ce n’est pas un instrument juridique banal
car cela reste quand même une prérogative
exceptionnelle qui consiste par
la seule manifestation de sa volonté de produire des effets de droit qui vont
s’imposer au tiers. Et qui vont parfois même modifier la situation juridique des particuliers. Cela relève
d’une prérogative de puissance
publique. C’est en quelque sorte la
traduction juridique de la force politique et institutionnelle du pouvoir de
l’Etat.
L’exercice de
ce pouvoir de décision unilatérale pose un certain nombre de questions :
Tout d’abord, vérifier quelle est la nature de ce pouvoir qui consiste à décider, sachant que la
décision unilatérale ne couvre pas l’ensemble de tous les actes unilatéraux.
Ne pourra être contesté devant le
juge que la décision unilatérale.
De plus, c’est assez particulier de décider seul. Dès
lors il faut concevoir des modes
d’élaboration des décisions qui font que ce pouvoir unilatéral ne soit pas un
pouvoir arbitraire. L’administration ne doit pas faire n’importe quoi.
Notamment, il va falloir créer, organiser le processus de décision.
Enfin, la question des effets juridiques de la décision. A partir de quand une décision,
entre en vigueur ou cesse de recevoir application ? Que se passe-t-il si
un administré ne se soumet pas à une décision unilatérale ?
section
1 : LA decision unilaterale
Le principe de
la décision administrative est de prendre un acte juridique dont les effets
vont s’imposer immédiatement par le simple fait de l’acte aux
destinataires de l’acte, sans autre titre juridique.
C’est une très grande différence avec le droit
privé : Il ne suffit pas
d’avoir un contrat pour exiger l’obligation, il faut l’intervention du juge. L’administration n’a pas besoin d’aller
devant le juge. C’est que Hauriou
appelait le privilège du préalable.
èLa décision de l’acte administratif va au-delà des
seules autorités administratives (arrêts Magnier et Montpeurt).
èTout acte unilatéral n’est pas décision unilatérale. La décision est l’acte qui a un effet décisoire.
paragraphe 1 : l’effet decisoire des actes
administratifs
L’effet
décisoire veut dire que la décision contient toujours une norme juridique. La norme
c’est ce qui a pour effet de modifier l’ordonnancement juridique soit en
ajoutant des dispositions nouvelles, soit en supprimant des dispositions
existantes.
èSe
pose le problème des décisions de refus : le refus
est il une décision ?
Si oui, possibilité contestation devant JA.
Dans quelles
mesures le refus est-il une norme ? C’est une norme
car par le refus l’administration refuse l’ordonnancement juridique et de ce
fait, cela peut avoir des implications pour les administrés. Ex :
administré dépose une demande de permis de construire que l’administration lui
refuse. Il peut passer outre donc décision.
èMais une décision peut se formaliser de manière
différente. On pense quand on
parle de décision à un papier.
Mais dans la réalité, la décision peut s’agir d’une décision verbale, mais aussi gestuelle ou encore mécanique
ou encore des décisions implicites,
c'est-à-dire des décisions qui n’ont
jamais été rendues mais le droit fait comme si elles avaient existé. Le
mécanisme découle d’une règle posé par une loi du 12 avril 2000
selon laquelle le silence gardé par
l’administration sur la demande d’un administré vaut décision de refus de cette
demande au bout de deux mois. C’est important car pour saisir le
juge, il faut une décision. Or, si l’administration ne répond pas, il n’y
aurait pas de décision. On a alors admis le mécanisme de la décision implicite. Dans certains cas, le mécanisme est
inversé, la loi peut prévoir que le
silence gardé par l’administration vaut d’acceptation : autorisation tacite ou décision
implicite d’acceptation (ex :
permis de construire).
A) La distinction entre acte administratif et
décision administrative
Tous
les actes administratifs ne sont pas des décisions administratives. Donc tout
acte unilatéral n’a pas d’effet décisoire.
Il est des actes qui sont donc non décisoires. Ils sont généralement non décisoires car ils sont en amont dans le processus de décision.
L’intérêt,
c’est que ces actes non décisoires ne peuvent pas être contestés devant le
juge.
1) Les actes
non décisoires
Il y a deux grandes catégories d’actes non
décisoires : les actes
préparatoires et les actes internes à l’administration :
a)
Les actes préparatoires
Ce sont des actes
qui préparent des décisions à venir et qui n’ont pas un véritable contenu
normatif. Il peut s’agir de
recommandations, des vœux… Ces actes ne peuvent pas être contestés devant le JA.
Parfois, cependant, les choses sont plus compliquées. En effet, un
acte sans décider peut quand même avoir des répercussions sur ces
destinataires. Du coup, le juge
va être tenté d’admettre que les intéressés puissent contester cet acte.
Deux exemples :
èLes avis rendus par un organisme consultatif qui peuvent avoir pour effet de bloquer ou de paralyser l’exercice d’une compétence. C’est
généralement le cas quand la loi prévoit une procédure d’avis conforme :
>
CE, 9 décembre
1999, ville de Toulouse, à propos d’un avis rendu par un conseil de
discipline qui proposait de remplacer la sanction décidée par le maire par une
mesure d’exclusion temporaire de la fonction publique. Selon les textes, le
maire ne peut pas aller au-delà de ce que propose le conseil de discipline. Le
CE a admis dans cette affaire que la
commune est fondée à contester devant lui l’avis du conseil de discipline.
>
Arrêt de 1984,
organisme de gestion des écoles catholiques de Couëron, ici procédure
de tutelle budgétaire. Une commune avait refusé d’inscrire à son budget une
dépense que la loi qualifie d’obligatoire. L’école privée avait actionné un
mécanisme prévu par la loi qui est de saisir le préfet pour que celui-ci
inscrive d’office la dépense au budget de la commune. La seule difficulté
est d’ordre procédural, puisque le préfet ne peut inscrire qu’après avis de
la chambre régionale des comptes. Cette chambre avait estimé qu’en l’état
il ne s’agissait pas d’une dépense obligatoire et donc la procédure s’arrêtait
là, le préfet ne pouvait pas l’inscrire d’office. Le CE a admis que l’organisme de gestion de l’école était fondé à
contester l’avis rendu par la Chambre régionale.
èArrêt de région
Limousin à propos de subventions financières accordées par
l’Union Européenne. L’UE accorde le financement au vu d’un avis rendu
par l’Etat français. Dans cette
affaire, le ministère de l’aménagement du territoire n’avait pas souhaité
profiter au financement européen, un projet défendu par la région limousin. Le CE a admis que la région limousin était
fondée à contester la mesure préparatoire rendue par le gouvernement français
dans la mesure où la décision finale n’était pas susceptible d’être contestée
devant lui.
b)
Les actes internes
Ce sont l’ensemble
des documents produits pas les services de l’administration en vue d’assurer le
bon fonctionnement du service public. Ce
peut être une circulaire, une note de service, une instruction ministérielle … On
les appelle des ordres internes ou mesures d’ordre interne :
actes qui intéressent principalement le fonctionnement interne des services
èsoit parce qu’ils relèvent du pouvoir hiérarchique (pouvoir
d’instruction)
èsoit qu’ils relèvent du pouvoir d’organisation interne
à tous les chefs de service au titre de la jurisprudence Jamart.
Certaines
de ces mesures internes n’ont à l’évidence aucun effet décisoire. D’autres actes internes sont authentiquement des décisions administratives (décision Jamart) que
les intéressés peuvent contester.
§ La
question des circulaires administratives
Il y a des actes dont le statut juridique est ambigu. Ce sont notamment les actes par lesquels le ministre ou le chef
de service livre à l’attention de ses subordonnés une interprétation de la loi.
On avait alors une distinction entre circulaires interprétatives qui
ne font qu’expliquer la loi et les circulaires
réglementaires qui ajoutent au texte, créent du droit, glissent des
dispositions nouvelles, ce sont alors d’authentiques décisions susceptibles
d’être contestées devant le JA.
èEnfin on a aussi
les circulaires impératives
c'est-à-dire celles par lesquelles le ministre indique à ses subordonnés
d’interpréter un texte qui ne serait plus
en accord avec le droit communautaire ou plus valable. Ces circulaires posent un problème de compétence de leur auteur. Tout l’effort
du CE a été d’identifier ces circulaires impératives pour qu’on puisse les
contester devant lui.
L’une des difficultés de cette jurisprudence « Duvignière » de 2002 est de voir à quoi on reconnait qu’une circulaire
est impérative ou qu’elle ne l’est pas. La notion même de circulaire
impérative n’est pas claire. Qu’est-ce
qu’une acte impératif ? L’impératif est, dans un sens premier, ce qui contient un ordre. Mais comment voit-on qu’un texte contient un
ordre ? Cela dépend-il du style, du temps utilisé ?
>
Le problème essentiel est donc celui du diagnostique de
ce qui est impératif ou simplement interprétatif. L’analyse de la jurisprudence montre qu’il y a une très forte part de subjectivité
voire d’opportunité dans l’analyse du juge. C’est en réalité le juge
qui a la clef, sauf dans les cas les plus flagrants. Du coup, il suffit pour
les chefs de service de faire des circulaires
équivoques, de suggérer sans ordonner, de proposer sans exiger.
>
Le second problème est de savoir à propos de ces circulaires si les administrés qui, en principe ne
peuvent pas les attaquer devant le juge (sauf si elles sont réglementaires),
peuvent au moins les invoquer à l’appui d’un recours contre une décision qui
serait prise sur la base de celle-ci. La deuxième question qui se pose est la suivante : quand une
autorité compétente prend une décision en faisant application de la loi,
peuvent-ils au moins les invoquer ? Les circulaires
interprétatives sont normalement publiées,
or si elles ne sont pas publiées, elles sont considérées comme non utilisables. Donc les administrés
qui prennent connaissance de ces circulaires peuvent être amenés à se fier à
l’interprétation et peuvent être amenés
à appliquer la loi comme l’administration l’a décidé. La jurisprudence administrative a toujours refusé cette possibilité
d’invocabilité des circulaires, et ce car cela pose le problème d’une
sorte d’inversion de la hiérarchie
des normes. En effet, dans ce cas là, l’interprétation que l’administration fait de la loi prévaut sur la loi
elle-même. C’est pour cette raison que la CE dit non alors même qu’est en
cause la sécurité juridique.
Mais le CE ne le refuse pas dans toutes les matières, et
notamment il l’autorise en droit fiscal car
il y a une disposition de loi qui est l’article L80 du
livre des procédures fiscales « la doctrine fiscale s’impose à l’administration et les
contribuables sont fondées à s’appuyer sur cette doctrine fiscale ».
S’agissant de l’invocabilité des circulaires, le décret du 28 novembre 1983
l’avait prévue or, le CE a toujours
refusé de mettre en œuvre ce décret.
§ La
question des directives administratives
Dans les autres actes internes, on a les directives administratives. C’est la
jurisprudence du CE, 1970 « Crédit foncier de
France ».
La directive est parfois appelée par l’administration, circulaire, alors qu’au sens du droit
administratif ce n’est pas une circulaire.
Une directive
est un acte par lequel l’administration, et notamment le ministre, cherche à
orienter l’action de ses subordonnés dans la mesure où les autorités
déconcentrées (les préfets) peuvent être investis de compétences décisionnelles
propres à travers lesquelles ils disposent d’un pouvoir discrétionnaire. Le risque est alors que ce pouvoir discrétionnaire
soit appliqué de manière variable selon les départements. Ainsi, afin de
s’assurer d’une certaine cohérence, les
ministres produisent des documents qui définissent la ligne de conduite, qui
expliquent aux préfets comment ils doivent utiliser leur pouvoir discrétionnaire.
La seule subtilité est qu’au final l’autorité compétente doit être libre de sa
décision, la directive ne doit pas
lier le préfet, elle doit le laisser libre d’écarter les critères fixés par le
ministre au vu des éléments particuliers du dossier. Le préfet a
donc le pouvoir de déroger à la directive. Ce n’est qu’à cette condition que la directive est légale. En effet si elle était obligatoire dans
tous ses éléments alors ce serait un acte réglementaire. Or le ministre
n’a pas de pouvoir réglementaire sauf si la loi lui confère explicitement.
ð Les directives ne sont donc pas de véritables décisions
mais elles ont un effet décisoire partiel.
Cet effet
décisoire partiel se manifeste dans
le régime juridique de la directive
dans la mesure où comme c’est un acte
non décisoire, les administrés ne peuvent pas contester devant le juge une
directive administrative.
Cependant, le juge estime que les directives sont opposables à l’administration et aux
administrés :
>
Cela veut dire qu’en cas de contentieux devant le juge de l’excès de pouvoir, l’administration peut se fonder sur les dispositions d’une
directive pour justifier la décision qu’elle a prise.
>
A l’inverse un administré
peut se fonder sur une disposition d’une
directive pour contester une décision de l’administration qui ne lui serait pas
favorable. Exemple : un
administré pensait avoir droit à une subvention au vu de l’analyse qu’il
faisait de la directive ministérielle, or en réalité on lui répond qu’il n’en a
pas droit. Et là devant le juge il pourra dire que si, il rentre dans les
critères fixés par la directive.
B) la distinction des actes
réglementaires et non réglementaires
C’est
une distinction qui est fondamentale parce que le régime entre l’acte réglementaire
et l’acte non réglementaire est très différent.
>
Ce sont deux régimes quasiment
antagonistes dans la mesure où la procédure
d’élaboration des décisions n’est pas la même, il existe une série de
garanties procédurales dans le cadre de l’élaboration des actes individuels que
l’on ne retrouve pas pour les actes réglementaires.
>
Les modalités de publicité des décisions ne sont pas les
mêmes (Publication pour les actes réglementaires / notification pour actes non réglementaires)
>
Les délais de recours contre un acte administratif ne sont pas les mêmes selon que l’on a à faire à un acte
individuel ou réglementaire
>
Les possibilités d’abrogation ou de retrait ne sont pas les mêmes non plus
>
La possibilité de soulever une exception d’illégalité à l’encontre
d’un acte n’existe que s’il est
réglementaire et n’existe pas si c’est un acte individuel ou non réglementaire.
L’essentiel du
régime des décisions administratives dépend de cette distinction. Or, cette distinction fondamentale est une distinction
assortie d’un fort coefficient
d’incertitude. L’identification
de ce qui est réglementaire et de ce qui n’est pas réglementaire peut poser un
certain nombre de difficultés.
A priori, il ne devrait pas y avoir d’hésitations. La distinction d’un point de vue
théorique paraît claire. L’acte
réglementaire est l’acte qui suppose une règle de droit c'est-à-dire
générale et abstraite. A l’inverse, l’acte individuel applique la règle à un cas individuel, c’est donc une
mesure d’application de la règle. Le refus d’un permis de construire est un acte individuel, la
nomination d’un fonctionnaire, l’autorisation donnée à un commerçant de
s’installer sur un domaine public….
§ Les
actes intermédiaires
èLe problème, c’est
qu’il existe une catégorie d’acte
intermédiaire qui n’est pas individuel mais qui n’est pas
réglementaire non plus. C’est ce que la jurisprudence appelle les décisions d’espèce ou les actes
particuliers. Ils ne fixent pas une règle abstraite et ne sont pas une
mesure d’interprétation individuelle de la règle. C’est à propos de ces actes
là que se pose la règle de la
qualification. Le juge a une démarche que l’on va qualifier de fonctionnelle ou opportuniste. Il va retenir la qualification juridique
pour un acte particulier en fonction du régime qu’il entend appliquer à cet
acte. Selon le cas, il nous dira que cette décision d’espèce est un
acte réglementaire ou non réglementaire.
Il s’agit donc d’une distinction
ternaire : acte
réglementaire, acte particulier et acte individuel.
>
Sachant que les actes particuliers
sont soumis au régime des actes individuels, ils forment la catégorie
des actes non réglementaires.
>
La difficulté étant alors que pour un certain nombre d’actes particuliers,
ils peuvent passer de l’autre côté de la frontière, et que la jurisprudence les
requalifie en actes réglementaires.
Quelques exemples de décisions d’espèce qui sont
qualifiées par la jurisprudence d’acte non réglementaire :
- Le décret de convocation des électeurs à un scrutin électoral ; pourtant ce n’est pas une décision individuelle. Mais en même temps ce décret ne fixe aucune règle.
- Les actes d’une autorité de tutelle : par exemple la décision d’un ministre d’approuver
la décision ou la délibération d’un organisme de droit privé en charge d’une
mission de service public. Cette mesure d’approbation n’est ni un acte
réglementaire ni un acte individuel.
- Une déclaration d’utilité publique : décision prise par le préfet qui déclare que des travaux
décidés par l’administration sont d’utilité publique et qu’à ce titre les
propriétés sur lesquels les travaux vont être réalisés pourront faire l’objet
d’une expropriation.
- La décision de classer un site en site naturel : cela vise une situation particulière mais pas un acte
individuel et pas non plus un acte réglementaire.
La difficulté est donc que pour ces actes, il y a matière
à hésiter et la jurisprudence peut varier. La doctrine a parfois proposé de
créer une catégorie particulière.
Mais la jurisprudence ne s’est jamais ralliée à cette
proposition : elle ne nie
pas la réalité de ces actes mais elle les range dans un ensemble qui est un
ensemble d’actes non-réglementaires. Parfois cela peut être la
conséquence ou l’occasion d’un certain nombre de difficultés contentieuses.
paragraphe 2 : la competence comme fondement de
l’effet decisoire
N’importe quel agent administratif n’est pas investi du
pouvoir de prendre des décisions. Sont investis d’un pouvoir de décision ceux
qui détiennent une compétence qui est une habilitation donnée par un
texte à une autorité pour décider au nom de la personne publique.
èSur la notion de compétence :
La compétence
des autorités administratives est différente de la notion de capacité
juridique. Mais elle n’exclue pas la
capacité juridique.
De la même manière, la notion de compétence est une sorte
de faux amis parce que c’est une notion qui peut avoir une double signification :
>
On parle des compétences de la
collectivité publique (par exemple des compétences de la commune par
rapport à l’Etat, aux départements et à la région)
>
Et en même temps on parle des compétences
du maire ou du conseil municipal dans le cadre de l’organisation communale.
La compétence
qui nous intéresse est la compétence de l’autorité administrative, celle qui va
agir au nom de l’institution. Par
exemple en matière d’urbanisme, la compétence appartient à la commune. Pour
autant au sein de la commune, ce n’est pas la même autorité qui décide pour les
questions d’urbanisme : le maire est compétent pour délivrer permis de
construire ; par contre conseil municipal pour adopter les plans locaux
d’urbanisme.
Une fois que l’on a admis ce qu’est la théorie de la
compétence, se posent deux questions distinctes.
A) Les exceptions à la théorie de la
compétence
Il peut y avoir dans certains cas des autorités qui prennent une décision sans
investiture légale à cet effet. Or, le juge va nous dire que cette
décision est légale, elle n’a pas
été prise par une autorité incompétente. Ce sont des exceptions car le principe de la compétence est une règle
fondamentale.
èLa jurisprudence
administrative est très vigilante avec le vice
d’incompétence qui est un
moyen d’ordre public : en
cas de contentieux d’une décision administrative, si le requérant ne soulève
pas ce moyen d’incompétence, le juge a le pouvoir de le soulever d’office, ce
qui est contraire à l’office du juge.
Il existe des exceptions c’est-à-dire des cas où le juge
ne va pas annuler la décision alors même qu’elle a été prise par une autorité
qui n’est pas habilitée à la prendre :
§ La déclinaison de la théorie des circonstances
exceptionnelles
Cette théorie veut dire que l’administration doit être placée en situation d’urgence face à des
circonstances hors norme qui l’obligent à agir alors même qu’elle n’est pas
habilitée à agir
èCf Arrêt Heyriès
èArrêt de 1944, Lecoq, où en pleine
débâcle, alors que le parlement avait quitté Paris, un maire avait décidé de
lever un impôt pour faire tourner les services communaux. Le CE avait estimé
que le maire avait été mis dans un état de nécessité, confronté à une situation
d’urgence et donc pouvait pallier la carence de la loi.
§ La théorie des fonctionnaires de fait
Elle peut être illustrée par un arrêt du CE,
Marion, dans cette
affaire, des habitants d’une commune avaient décidé de se constituer en comité
de salut public pour faire office de conseil municipal. Les mesures prises par
ce comité municipal étaient-elles légales ? CE statue par rapport à la
théorie des fonctionnaires de fait, par rapport aux circonstances
exceptionnelles, les habitants avait agi en lieu et place des autorités
administratives et il faut tenir comme légitimes et licites les décisions
qu’ils ont prises.
èOn retrouve dans
cette théorie, la théorie de
l’apparence l’apparence. Illustrée dans la jurisprudence de la Cour de cassation. Le contentieux des actes
d’état civil relève du juge judiciaire. Or, la Cour de cassation dans l’affaire des mariés de Montrouge a utilisé la théorie de l’apparence pour
valider des mariages qui avaient été célébrés par un conseiller municipal qui
ne pouvait pas exercer les fonctions d’officier d’état civil. Fallait-il tenir
ces mariages pour nuls et non avenus ? Elle avait fait jouer la théorie de
l’apparence. Ils ont cru avoir à faire à une autorité légitime =>mariages
légaux.
èCette théorie peut
parfois au contraire servir les intérêts de l’administration : c’est ce qui ressort d’un arrêt du CE, 2001, préfet de police de Paris/Mtimet : le préfet du police de Paris avait été
maintenu en fonction après qu’il ait atteint l’âge d’admission à la retraite.
Toutes les décisions qu’avait prises le préfet de police de Paris étaient
susceptibles d’entacher d’illégalité puisque prise par une personne susceptible
de ne plus être en fonction. C’est dans cette brêche qu’un étranger qui avait
fait l’objet d’un arrêté de conduite à la frontière a invoqué le CE. Le CE a
estimé qu’il n’avait pas à annulé ce type de décision, faisant valoir qu’un
fonctionnaire irrégulièrement nommé aux fonctions qu’il occupe doit être
regardé comme légalement investi de cette fonction tant que sa nomination n’a
pas été annulée. Théorie de l’apparence joue ici aux profits de
l’administration.
B) Les modalités d’exercice de la
compétence administrative
Deux types de problème se posent :
èTout d’abord,
l’idée que l’autorité administrative
qui est compétente est tenue d’exercer directement et entièrement sa compétence.
Elle doit épuiser sa compétence. Ce qui peut être illustré par l’arrêt Préfet de Leure, 1913. Cet arrêt nous dit que quand
l’administration a le pouvoir de prendre une décision, elle ne peut pas saisir
le juge pour lui demander de prendre à sa place des mesures que la situation
exige. C’est ce qu’on traduit par l’idée qu’il n’y a pas de question préjudicielle devant l’administration.
Mais
aussi lorsque la question qu’elle a à traiter pose une question juridique
sérieuse. Cela peut être
le cas quand la difficulté juridique est une question de droit privé. Ex : le permis de construire nous dit
la loi est délivré sous réserve des droits des tiers. L’administration n’a pas
à vérifier la question de la réalité ou de la validité juridique du titre de
propriétaire qui est produite devant elle. Ex 2 : De la même manière,
question de savoir si un mariage est légal ou pas : l’administration n’a
pas à saisir le juge pour savoir si c’est véritablement un vrai mariage ou pas.
Il ne faut pas que la décision
administrative soit sans cesse retardée, paralysée par des questions de droit.
è2ème
problème : le problème de l’aménagement
des compétences dans la mesure où les textes qui déterminent la
compétence ne sont pas toujours suffisamment précis. Il est des situations
qui leur échappent. La jurisprudence a été amenée à préciser un certain
nombre de questions :
>
Le parallélisme des compétences : l’idée que, est compétent pour prendre un acte
contraire, l’autorité qui a pris la décision initiale. Voir
Arrêt CE, 1953, arrêt Tessier.
>
La vacance du pouvoir ou de l’absence momentanée de
l’autorité compétence :
§ Sur la vacance du pouvoir, la jurisprudence a développé la théorie que le gouvernement expédie les affaires courantes :
1952, CE, Syndicat des quotidiens d’Algérie. En l’espèce, dans cette affaire, le décret
du président du Conseil avait été annulé parce qu’il allait au-delà du réglement
des affaires courantes puisqu’il instituait un nouveau régime de contrôle de la
presse en Algérie.
§ Sur l’absence : en cas d’absence de l’autorité compétente, dans ces cas
là, la jurisprudence administrative a dégagé la théorie de l’intérim qui se distingue de la suppléance :
la suppléance est toujours organisée par les textes.
L’intérim c’est ce qui se passe quand les textes n’ont
rien prévu et la jurisprudence a dégagé
une théorie de l’intérim qui autorise l’autorité supérieure de
l’autorité compétente à confier la compétence qu’elle détient à une autre
autorité. Par exemple, en cas
d’absence du 1er ministre, le président peut confier l’intérim à un
ministre. Et d’autre part, l’intérim
permet à l’autorité intérimaire d’exercer l’intégralité des pouvoirs attachés à
la fonction.
èProblème des délégations de compétence : c’est la possibilité
pour l’autorité compétente de transférer à d’autres agents de rang inférieur
les compétences que la loi lui attribue. Cette idée donne lieu en pratique
à des illustrations extrêmement nombreuses, en raison même du principe de centralisation de
l’administration qui veut que le ministre exerce la plupart des compétences
attachées à son département ministériel. Il y a deux types de délégations de
compétence :
§ La délégation de pouvoir : constitue un véritable
transfert de compétence au profit de l’échelon intérieur administratif.
C’est une mesure de déconcentration.
La délégation de pouvoir entraîne le dessaisissement total du ministre. Il ne peut plus décider sur les matières
qu’il a décidées sauf au titre de son pouvoir hiérarchique (instruction,
annulation, révocation).
§ La délégation de signature : c’est davantage un déchargement provisoire de fonction. Le ministre va désigner un
agent pour signer à sa place un certain nombre d’actes. Cette délégation de
signature n’est que provisoire,
elle n’est pas attachée à la fonction. Elle est attachée à l’agent. Quand
l’agent s’en va, la délégation de signature tombe. C’était
la règle jusqu’en 2005.
Or depuis 2005, la délégation
de signature survit au départ de l’agent donc elle reste attachée par mesure de
simplification à la fonction.
èLa différence
essentielle, c’est que dans le cadre de la délégation
de signature, il n’est jamais
dessaisi de l’affaire et peut à tout moment évoquer le dossier.
èLes délégations de signature ou de pouvoir doivent toujours
être publiées. Le juge fait un contrôle
sur ce type de question.
section
2 : l’elaboration des decisions administratives
La question est la suivante : y a-t-il
des règles qui entourent l’élaboration des décisions administratives ?
L’administration est elle tenue à un certain nombre de règles
procédurales ? Ces obligations
de forme sont une manière d’aider
l’administration à décider, on l’oblige à justifier son choix, mais aussi
ce sont des garanties pour les administrés.
Pendant longtemps, le système français a eu une conception très restrictive à
l’égard de ce type de problématique. On a longtemps considéré que la procédure était plutôt l’affaire de la
juridiction au sens que ce sont les décisions de justice qui doivent faire
l’objet d’un cadre procédural. L’administration ne rend pas des décisions de
justice mais rend des décisions administratives et à ce titre elle n’a pas à
être soumise à des obligations de procédure. La protection des administrés se passait du côté des tribunaux administratifs.
Les garanties offertes aux administrés étaient donc offertes en aval de la décision (donc après
l’administré).
Cette situation se distingue de la situation dans d’autres systèmes juridiques. On a au contraire fait porter l’accent sur les garanties préalables. C’est le cas dans les systèmes socialistes mais aussi d’inspiration libérale. Comme par
exemple en Allemagne, où il
existe une loi sur la procédure administrative qui définit les étapes de
l’élaboration d’une décision.
Ce type de texte n’existe pas en droit français
car nous avons insisté nous sur les garanties
juridictionnelles, au point où lorsque ces garanties existent, la
doctrine pour qualifier ces règles de procédure parle de la procédure administrative non contentieuse
comme si par définition la procédure
administrative était d’abord contentieuse. Il y a historiquement,
culturellement, en France, une sorte de méfiance
à l’égard de la procédure administrative non contentieuse. C’est une méfiance qui vient à
plusieurs considérations :
>
Notre administration est une administration
centralisée donc l’administré a peu de place pour s’exprimer
>
L’administration française est d’une
très forte expertise (elle a le savoir et est la seule à pouvoir définir
l’IG), pourquoi alors donner la parole aux administrés ?
>
L’administré est un gêneur, ils vont
venir perturber le bon fonctionnement des services
>
Il y a le juge donc s’ils ne sont
pas satisfaits, ils peuvent aller voir le juge.
A
partir des années 70, notamment
sous le septennat de VGE, modernité
avec dans son programme le rapprochement
entre l’administration et les citoyens en s’inspirant de ce qui se fait
ailleurs. Les années 70 vont être un grand virage procédural de
l’administration française avec une série de textes plus importants les uns que
les autres et qui vont introduire des garanties qui pèsent sur le processus de
décision des autorités administratives.
èLa loi de 1973 : Elle institue le
médiateur (qui deviendra le médiateur de la république). C’est une
institution qui s’inspire d’un modèle
scandinave ou anglo-saxon qui est le modèle ombudsman au sens où il est là pour régler les cas de mauvaises administrations. Mal administration : hypothèse où
notamment l’application de la loi à des situations personnelles donne lieu à
des solutions aberrantes, injustes, inéquitables et pourtant fondées en droit.
Dans ce cadre là, le médiateur peut être saisi pour traiter ce dossier avec
l’administration compétente, pour voir s’il y a un certain nombre de solutions
à apporter. Le cas échéant, le médiateur a la possibilité de faire des recommandations, recommandant à
l’administration de prendre des décisions fondées sur l’équité.
èLoi du 6 janvier
1978 : Elle institue la CNIL : permet notamment aux
administrés de pouvoir consulter les
fichiers informatiques et manuels que l’administration tient à son sujet.
Possibilité d’obtenir la rectification à
sa demande d’un certain nombre d’info.
èLoi du 17 juillet
1978 : Elle institue notamment
la CADA : Commission d’Accès
aux Documents Administratifs : possible de saisir la CADA dès lors
qu’ayant demandé un document administratif à l’administration, celle-ci a
refusé de délivrer ce document. La CADA regarde si peut donner document ou pas.
La CADA rend un avis que
l’administration est libre de suivre ou pas. =>Si l’administration ne le
suit pas, on peut contester la question devant le juge. Droit à la transparence administrative
mais qui n’influe pas sur les décisions de l’administration puisqu’elle n’intéresse pas la légalité d’une
décision administrative.
èD’autres textes
vont au contraire poser un certain nombre de garanties et ces textes sont d’abord une loi du 11
juillet 1979 qui prescrit la motivation obligatoire des décisions individuelles défavorables ou
dérogatoires. Cette loi est une véritable révolution juridique car
jusqu’à présent on considérait que les actes administratifs n’avaient pas à
être motivés. Avec la loi de 1979, on neutralise le principe de non motivation puisqu’on pose la règle de motivation des actes.
èC’est là aussi une
véritable révolution culturelle qui va être complétée par un décret du 28 novembre 1983 qui va poser
pour règle l’examen contradictoire
des décisions devant être motivées au titre de la loi du 11 juillet 1979.
En 1980, le psdt Mitterrand avait annoncé une grande loi sur la protection des
droits des administrés à l’identique de ce qui se faisait en Allemagne. Cette
loi n’a jamais pu être adoptée. Ce qui devait être une grande loi est devenue
un petit décret. La seule disposition vraiment importante du décret est
l’examen contradictoire des décisions.
èCet effort a été
repris dans les années 2000 avec la loi du 12 avril 2000,
loi portant sur les droits des citoyens
dans leurs relations avec l’administration. On s’attendait à un grand
texte. Or texte pauvre, seul intérêt
est qu’il élargit à l’ensemble des
administrations publiques c'est-à-dire aux collectivités territoriales les
dispositions du décret de 1983.
SECTION
3 : L’execution des decisions administratives
La décision administrative est parfois qualifiée de décision exécutoire (cf. Maurice Hauriou). Cette expression
repose sur un amalgame qui est abusif car le
caractère exécutoire d’un acte unilatéral n’entre pas dans la définition de ce
qu’est une décision.
- Il y a des
décisions qui ne sont jamais exécutoires comme par exemple les décisions de
refus et notamment quand elle est implicite.
- De la même manière des décisions existent juridiquement
alors qu’elles ne sont pas encore exécutoires. Il suffit que la décision soit signée pour être exécutoire.
Le CE a admis qu’un requérant peut
contester une décision non entrée en vigueur uniquement parce qu’il sait
qu’elle existe. La signature de
la décision suffit à son existence juridique.
Cette notion traduit une certaine réalité : elle met
en valeur l’idée que ce qu’il y a de plus manifeste, de plus frappant dans la
théorie des actes et des décisions administratives, c’est principalement sa force exécutoire. Cette force
exécutoire manifeste de la manière la plus forte qu’il soit le caractère de PPP.
Pour autant, cette force exécutoire suppose que la
décision soit en vigueur.
SOUS-SECTION
1 : L’APPlication dans le temps des decisions administratives
La question
est de savoir quand est ce qu’une décision administrative s’applique ?
Cela revient à poser deux types de question : à partir de quel moment une
décision administrative prend-elle effet ? Comment prennent fin les effets
d’un acte administratif ?
paragraphe 1 : l’entree en vigueur des actes administratifs
Cette entrée en vigueur est conditionnée par
l’accomplissement de mesures de publicité.
Il faut qu’elle soit portée à la connaissance de ses destinataires. En
outre, cette décision ne produit d’effets qu’à partir du moment où ces mesures
de publicité ont lieu. Elle ne peut s’appliquer qu’à des situations à
venir : l’acte administratif
ne peut pas entrer en vigueur de manière rétroactive.
A) La publicité des actes administratifs
Cette
publicité conditionne leur entrée en vigueur. Il faut ici distinguer selon la nature de l’acte administratif :
selon qu’il s’agit d’un acte
réglementaire ou d’un acte non
réglementaire et plus particulièrement d’un acte individuel :
>
Pour les actes réglementaires, l’entrée en
vigueur est conditionnée par leur publication. Il peut s’agir soit d’une publication dans un recueil officiel (décrets…),
par voie d’affichage au niveau local.
Le CE a d’ailleurs jugé dans un arrêt de 2003 « Syndicat des commissaires et hauts
fonctionnaires de la police nationale » que l’autorité
administrative était tenue de publier
les règlements qu’elle édicte de manière à ce qu’ils entrent en vigueur. Si
elle ne le fait pas, elle commet une faute.
En l’espèce, un décret avait été pris
mais n’avait jamais été publié donc n’était jamais entré en vigueur.
>
Pour les actes individuels, la situation est plus complexe : d’abord parce que
les actes individuels font l’objet non pas d’une publication mais d’une notification aux intéressés.
èMais la jurisprudence considère que
dans certains cas ce n’est pas la date de notification qui est la date
d’entrée en vigueur mais la date de signature de la décision.
Cette différence de traitement dépend des effets de la décision à l’égard de son
destinataire :
§ Si la décision est défavorable à son destinataire, c’est la date de notification de la
décision qui est pris en compte
§ Si la décision est favorable, c’est la date de
la signature qui est pris en compte.
C’est
pour trouver la solution la plus favorable
aux administrés puisque l’administration peut retirer une décision individuelle que sous condition de délai. Donc faire partir le délai de retrait
des décisions favorables de la date de leur signature est une solution plus
protectrice pour les administrés que de le faire partir de la date de la
décision : arrêt CE 1952, Demoiselle Mathéi,
Demoiselle Mathéi nommée dans la
fonction publique par arrêté qui ne lui avait pas été notifié. Or sa
nomination était illégale. L’autorité administrative décide plusieurs mois
après de lui retirer l’acte de nomination (plus de 6 mois après la date de sa
nomination, de signature de sa nomination). Le CE avait deux options :
soit comme la décision ne lui avait pas été notifiée, l’administration pouvait
retirer cette nomination à tout moment ou dès lors qu’il y avait une signature,
l’administration ne pouvait la retirer que dans un délai de 2 mois. La
deuxième solution a été choisie par le CE car c’était favorable à l’administré.
èHormis ce cas, un acte individuel entre en vigueur dès sa
notification.
Cela dit, l’entrée en vigueur ne doit pas être confondue
avec d’autres dates qui sont proches qui ne sont pas exactement celles de
l’entrée en vigueur :
La date de
déclenchement du délai de recours contre la décision
Cette date va correspondre le plus souvent à la date
de notification mais dans certains cas c’est une autre date que l’on va
retenir. Il en va ainsi dans deux cas de figure :
§ D’abord quand l’acte individuel est susceptible
d’intéresser des tiers et qu’à ce titre la loi impose la publication de l’acte
individuel. Dans ce cas là, le délai de recours par les tiers commence
à courir à compter de la publication et non pas à compter de la
notification de l’acte. Le délai de recours et la notification de la
décision ne correspondent pas forcément.
§ Deuxième cas relatif qui tient à une obligation posée par
la loi du 12 avril 2000, à l’occasion de la notification de la décision à l’intéressé, l’administration
doit faire figurer un certain nombre de mentions obligations notamment les
voies de recours et les délais de recours. Si cette mention ne
figure pas, la loi prévoit que le délai de recours ne court pas.
La
date d’existence juridique de la décision
Un acte
administratif existe dès lors qu’il est signé. Comment cela se traduit ?
§ Ca se traduit d’abord par le fait qu’un requérant peut former un recours en annulation contre un acte non
entré en vigueur, dès lors qu’il est signé, CE Daunizeau.
§ Mais surtout, la
légalité d’un acte administratif est toujours appréciée au jour de sa signature
et jamais de son entrée en vigueur : arrêt 1913,
Syndicat national des chemins de fer. Dans cette affaire, le CE a jugé qu’était légal un arrêté ministériel
pris sur la base d’un décret non encore publié mais que l’arrêté ministériel ne
pourrait produire d’effets qu’à partir du moment où le décret sera lui-même
publié. En l’espèce c’était un décret qui permettait au ministre des chemins de
fer de réquisitionner des cheminots. Et pourtant le ministre des chemins de fer
avait pris des mesures de réquisition. Le CE dit que les mesures sont valables
mais ne pourront prendre effet que le jour où le décret sera publié.
Autre arrêt de 2003, Gemtrot,
le ministre de l’agriculture supprime par
arrêté ministériel une procédure consultative qui avait été prévue sur la base
d’un texte précédent. Ayant supprimé cette procédure consultative, il prend une
décision de fond sans avoir à respecter l’ancienne procédure. Le problème est que le ministre assure la
publication de ces deux arrêtés le même jour. Le CE va estimer que le 2nd
arrêté est illégal parce qu’il a été pris à une date où le 1er
arrêté n’étant pas encore en vigueur, la procédure consultative exigée
par le texte précédent était toujours obligatoire.
B) Le principe de non-rétroactivité des
actes administratifs
Il s’agit ici d’un PGD
consacré par un arrêt du 25 juin 1948, société
du journal l’Aurore. Selon ce principe qui découle de l’article 2 du code civil
notamment, les autorités administratives ne peuvent légalement fixer l’entrée en
vigueur de leur décision à une date antérieure soit à la publication soit à la
signature de l’acte. Les faits de
cette affaire : le ministre de l’économie avait décidé d’augmenter les
tarifs de l’électricité. Mais il avait prévu que l’augmentation des tarifs
s’appliqueraient à tous les usagers dont les compteurs seraient relevés à
partir du 1er janvier 1946. Les compteurs constatent une
consommation antérieure au relevé. Cela conduisait donc à appliquer le tarif à
des périodes de consommation antérieure à l’entrée en vigueur du texte, donc
rétroactivité du texte.
Le
Conseil constitutionnel a reconnu que
ce principe de non rétroactivité était un principe
constitutionnel seulement en matière pénale, donc la loi peut y déroger dans les autres
domaines.
Ce
principe n’a pas une valeur absolue en droit administratif :
>
L’application immédiate d’une nouvelle réglementation à
une situation en cours est possible :
Ex : au cours des années d’étude de
licence, le CA de l’université décide de modifier pour l’année à venir le
règlement d’examen de la 3ème année de licence. Au nom d’une
application stricte de non rétroactivité, on pourrait dire que le règlement de
la 3ème année était le suivant et qu’on ne peut le changer. Le CE admet en 1994 dans « association générale des étudiants en
science politique » que la nouvelle réglementation peut s’appliquer aux étudiants déjà
scolarisés à la date d’entrée en vigueur du texte. Ce que l’on ne peut
pas faire c’est changer les règles de l’année en cours.
Cependant, cela est possible sous réserve que l’intérêt général attaché à
la sécurité juridique des
administrés n’impose pas à l’administration de prendre ce que l’on appelle des mesures transitoires qui consistent
alors à reporter dans le temps
l’application de la réglementation nouvelle. C’est ce qu’à juger le CE
dans un arrêt du 24 mars 2006 « KPMG ».
Le CE a jugé que dans certains cas l’administration peut être tenue de reporter
dans le temps l’entrée en vigueur d’un règlement.
>
La date de la rétroactivité : l’hypothèse dans laquelle l’administration doit prendre des mesures qui viennent réparer
ou qui viennent tirer des conséquences d’une annulation par le juge
administratif d’une décision. Ex : CE, 1925,
« Rodières », à
propos d’un agent de la fonction publique qui avait été révoqué par l’autorité
supérieure. Le juge annule cette révocation avec obligation pour
l’administration de réintégrer l’agent dans le service et obligation de
reconstituer sa carrière. Donc reconstituer de manière rétroactive sa
carrière pour faire comme s’il n’avait jamais été révoqué.
>
La jurisprudence admet que l’on puisse retirer
une décision administrative : c'est-à-dire
la faire disparaitre en considérant qu’elle n’a jamais existé.
paragraphe 2 : la remise en cause par
l’administration des actes administratifs
Qu’est ce qui
fait qu’un acte administratif cesse de produire ses effets ? Il y a plusieurs
réponses envisageables :
- Il cesse de produire ses effets parce qu’il est annulé par le juge.
- Parfois les textes
peuvent organiser la cessation d’effets
ou la disparition des effets juridiques
d’un acte. Ex : en
urbanisme, mécanisme de caducité : le
permis de construire n’autorise la construction que dans la mesure où les
travaux commencent dans un délai de deux ans, et à défaut de travaux dans
les délais de 2 ans, le permis de construire n’est plus valable et est
frappé de caducité.
- Pour le reste c’est l’administration
elle-même qui peut remettre en cause les actes qu’elle a adopté (l’autorité compétente mais aussi son supérieur hiérarchique (pourvoir
d’annulation et de réformation).
L’annulation c’est faire
disparaître un acte avec des effets rétroactifs et cela correspond à la
technique du retrait de
l’acte administratif.
La
réformation c’est en changer le contenu pour l’avenir (abrogation). Juridiquement,
cela correspond à deux opérations distinctes que l’on va faire simultanément
qui consistent à abroger les
dispositions que l’on veut changer et les remplacer par des dispositions nouvelles de sorte que ce
pouvoir de réformation ne pose pas de problèmes particuliers ou plutôt il pose
les mêmes problèmes que le pouvoir d’abrogation qui est la possibilité pour l’administration de mettre fin pour l’avenir aux
effets d’un acte administratif.
L’administration, qu’il s’agisse de l’autorité
compétente, ou de l’autorité supérieure compétente dispose d’une double prérogative portant en
elles un certain nombre de problèmes de sécurité
juridique puisqu’elles portent atteinte à la sécurité juridique
remettant en cause des situations juridiques qui se sont constituées sur la
base de l’acte retiré, ou abrogé. Or la sécurité juridique est un principe
essentiel dans tout système juridique : pas d’ordre juridique sans sécurité juridique. C’est un
principe qui est consacré par la plupart des systèmes juridiques
étrangers :
èC’est le cas de la CJUE qui consacre un principe encore plus
précis : tout d’abord la prévisibilité
des règles de droit et surtout également le principe de confiance légitime. Le droit doit
protéger ceux qui font confiance à la règle de droit et ceux qui sur fondement
de cette règle ont pu développé une activité économique (posé par un arrêt de 1997, CJUE, De Compte / Parlement Européen).
èLa sécurité
juridique est aussi une préoccupation de la jurisprudence
administrative qui est illustrée classiquement par le principe de non rétroactivité des actes
administratifs.
èLa sécurité
juridique est aujourd’hui aussi un PGD
posé par un arrêt de 2006 « KPMG ».
La question
qui se pose est : est ce que la force de ce principe doit conduire à
interdire totalement de remettre en cause les décisions qu’elle prend ? Il faut permettre à l’administration de faire évoluer les règles.
Prendre des règles nouvelles c’est abroger les règles anciennes, il y a donc un
pouvoir d’abrogation.
De plus, des considérations tirées du respect du principe de la légalité peut
aller à l’encontre de la sécurité
juridique : la sécurité
impose-t-elle de maintenir un acte illégal ? Il y a un certain
nombre d’exigences contradictoires que la jurisprudence cherche à concilier par
des solutions assez peu systématiques qui sont plutôt sur le sur-mesure.
La jurisprudence conduit à distinguer selon l’acte
administratif qui est en cause. Selon qu’il s’agit d’un acte réglementaire ou un acte individuel. La remise
en cause des actes individuels sera plus difficile que les actes réglementaires
puisque remettre en cause un acte
individuel est remettre en cause directement une situation juridique
personnelle et donc porter atteinte directement à la sécurité juridique des
administrés.
A) La remise en cause des actes
réglementaires
Les règles qui gouvernent le retrait et l’abrogation sont
soumises à des principes totalement divergeants.
èLe pouvoir de retrait est strictement
encadré car retirer c’est annuler de manière rétroactive et s’agissant d’un
acte réglementaire c’est porter
violemment atteinte à la sécurité juridique. Ce retrait ne peut valoir que pour les règlements illégaux.
èA l’inverse, l’abrogation des actes
réglementaires est beaucoup plus libre
vu que l’abrogation n’a d’effets que pour l’avenir : abroger c’est permettre à l’administration de faire évoluer sa
réglementation.
1) Le retrait des actes
réglementaires : un pouvoir strictement limité
Le principe de
non rétroactivité interdit de retirer les actes réglementaires légaux.
En conséquence, ce sont seulement les règlements illégaux qui peuvent être
retirés. Pour autant la jurisprudence a fixé une règle : on ne peut pas retirer un acte illégal
n’importe quand :
Le juge a posé
pour règle qu’un acte réglementaire peut être retiré tant qu’il peut être
encore annulé par le juge :
§ L’acte réglementaire illégal peut alors être retiré dans
un délai de 2 mois après sa publication
dés lors qu’aucun recours n’a été
introduit.
§ Si un recours est introduit, l’administration
peut retirer un règlement tant que le juge n’a pas statué.
2) L’abrogation des actes réglementaires
Le pouvoir d’abrogation est soumis à deux principes qui
jouent de manières différentes :
- L’administration est toujours libre d’abroger les règlements
administratifs même légaux.
- L’administration peut être tenue, obligée d’abroger les règlements
administratifs illégaux.
a)
L’administration a la faculté d’abroger les règlements (même légaux)
C’est
la conséquence du principe de mutabilité des actes réglementaires exprimé par le juge dans la formule de l’arrêt Vanier, 1961 « Nul
n’a de droit acquis au maintien d’un règlement ». C’est la
conséquence du souci de permettre à l’administration
d’adapter les textes et faire évoluer ses missions à l’évolution des
besoins sociaux.
Le CE va même plus loin : il a considéré alors même que le règlement prévoit sa
durée d’application, l’administration peut quand même abroger le règlement.
C’est ce qu’a jugé le CE en 1954, Syndicat général de
la Meunerie à seigle. Cette jurisprudence n’est pas directement compatible au principe
de confiance légitime tel qu’il est dégagé par la CJUE (si le texte
prévoit une durée d’application, on ne peut pas l’abroger de manière
immédiate). Il faut protéger la confiance que les citoyens placent dans les
textes. Cette absence de compatibilité met le CE dans une situation
schizophrénique :
§ Le CE est amené à appliquer
la jurisprudence de la Cour de justice quand les actes de
l’administration sont pris dans le cadre d’une politique communautaire
§ Mais le CE refuse d’appliquer ce principe aux actes de
la même administration française quand ils ne sont pas pris dans le cadre d’une action communautaire.
C’est ce qu’illustre un arrêt du CE du
9 mai 2001 « Entreprise de transport Freymuth ». Dans cette affaire, le tribunal
administratif de Strasbourg avait décidé d’appliquer pleinement la
jurisprudence de la cour de justice et donc de ne pas appliquer la
jurisprudence du CE. Il avait admis le recours d’une entreprise qui se
plaignait d’un changement immédiat de la réglementation et qui avait estimé que
l’administration française aurait dû prévoir des mesures transitoires et que
n’ayant pas prévu de mesures transitoires, elle engageait la responsabilité de
l’Etat. Cette solution était en tout point conforme à l’interprétation de la
CJUE. Le CE en 2001, va annuler ce jugement refusant la responsabilité de
l’Etat engagée. Il y a là une vrai divergence entre la cour de justice
et le CE. èDivergence que ne comble pas la jurisprudence du 24 mars 2006, l’arrêt KPMG où le CE
consacre le principe de sécurité
juridique mais le CE consacre ce principe pour ne pas avoir à consacrer
le principe de confiance légitime.
Hormis cette question de l’abrogation anticipée d’un acte
administratif, le principe est celui de
la liberté de l’abrogation, que l’acte soit légal ou pas.
b)
L’obligation d’abroger à la demande des administrés les actes réglementaires
illégaux
Cette obligation résulte d’un arrêt du CE du
3 février 1989 qui est l’arrêt « compagnie
Alitalia »
qui consacre l’obligation pour l’administration de faire droit à toute époque à une demande d’abrogation d’un règlement
illégal quelque soit l’origine de l’illégalité.
èL’obligation
n’existe qu’à la condition que l’administration soit saisie d’une demande. L’administration n’a donc pas
l’obligation permanente de vérifier que ses actes réglementaires sont légaux.
èLa demande peut
être adressée à toute époque
c'est-à-dire sans conditions de délai. Un règlement peut devenir illégal en cours de route.
àL’administration peut abroger un règlement illégal quelque soit l’origine de son illégalité :
C’est l’innovation de l’arrêt Alitalia.
Avant, le CE avait jugé en 1930 dans
un arrêt « Despujol », que
l’administration avait l’obligation d’abroger
les règlements devenus illégaux à la suite d’un changement de circonstances
qu’il s’agisse de circonstances de droit ou de fait (ex d’un arrêté de police). La jurisprudence Despujol avait donné
lieu à très peu d’applications. D’abord parce qu’il y a eu peu de contentieux sur le changement des circonstances de droit
et surtout parce que le juge
était très réticent à admettre l’existence d’un changement de circonstances de
fait (hormis en matière de police). Pour le reste, la jurisprudence exigeait non pas un changement de la réglementation
mais un bouleversement complet de la conjoncture économique. On
cite traditionnellement deux arrêts qui illustrent ces difficultés : CE, 1964, Syndicat des cadres de bibliothèques
(circonstance de droit) ; CE, 1964, Simonet/Ministre de
l’intérieur (circonstance de fait).
La nouveauté de l’arrêt Alitalia est d’obliger l’administration à abroger les
règlements illégaux au jour de leur signature (illégalités ab initio). C’est en quelque sorte révolutionnaire
puisque la demande peut s’exercer à
toute époque (pas dans les 2 mois qui suivent l’entrée en vigueur, c’est
une possibilité de rattrapage offerte aux administrés). L’abrogation change de
nature puisque sa fonction n’est plus d’adapter
aux évolutions de société mais
fonction de nettoyage des illégalités
car en effet, il faut comprendre que la jurisprudence Alitalia permet in fine de saisir le juge. L’administré adresse au premier ministre une
demande d’abrogation d’un règlement lui expliquant qu’il est devenu illégal ou
illégal dès sa signature. L’administration va écarter la demande d’abrogation. Et
c’est ce refus de faire droit qui alors peut être attaqué devant le juge
administratif (dans le délai de 2 mois suivant le rejet de la demande).
L’affaire revient devant le juge, plusieurs années après l’adoption du
règlement. Le juge, si le règlement est illégal, annule le refus d’abroger
opposé par l’administration et ensuite il enjoint grâce à son pouvoir
d’injonction à l’administration d’abroger le règlement (l’injonction peut
être accompagnée d’astreintes).
B) La remise en cause des actes non
réglementaires
1) Le retrait des actes individuels
Historiquement,
la jurisprudence a jugé à la fin du 19ème/début 20ème
que le retrait des actes individuels était impossible. On considérait qu’il y avait un principe d’intangibilité des droits acquis. Or, un droit individuel crée des droits, et
remettre en cause un acte individuel c’est remettre en cause ces droits acquis.
A
partir des années 20, la
jurisprudence a considéré qu’il était possible de porter atteinte au principe
d’intangibilité des droits acquis notamment pour tenir compte des exigences du principe de légalité et ce souci
de conciliation entre le respect de la légalité et le principe d’intangibilité
des droits acquis va s’exprimer dans l’arrêt de 1922
« Dame Cachet ». Mme
Cachet était propriétaire d’un immeuble qui louait des appartements et elle
avait eu une perte financière de loyer, le législateur ayant encadré les
loyers. Elle avait alors demandé à l’administration une indemnité
compensatrice. Celle-ci lui est accordée mais la Dame Cachet en voudrait
plus : elle fait un recours auprès du 1er ministre pour
augmenter l’indemnité. Le ministre considère que l’indemnité qui lui a accordé
ne correspond pas à la loi et au lieu de lui accorder une augmentation, il lui retire
l’indemnité. C’est cette décision de retrait que la Dame Cachet conteste
devant le CE. Le CE annule la mesure de retrait en expliquant qu’alors même que la
décision initiale serait illégale, cette décision illégale a créé des droits au
profit de l’intéressée et que dés lors puisqu’elle a créé des droits, il n’est
pas possible au ministre de la retirer n’importe quand mais uniquement dans un
délai bref qui est le délai du recours contentieux.
L’arrêt Dame Cachet avait une certaine cohérence en
admettant que l’administration peut
retirer les actes illégaux et il
appartient au principe de sécurité juridique de s’effacer.
Mais le délai
de retrait qui est ouvert est calqué sur le délai de recours c'est-à-dire
que le ministre peut retirer une décision illégale tant que le juge est
susceptible d’être saisi (principe de légalité vient déroger au principe
d’intangibilité des droits acquis mais seulement pour éviter des recours
inutiles devant le juge).
Le
problème c’est que la cohérence de la jurisprudence de Dame cachet va
progressivement s’effriter au contact de la diversité des situations
individuelles :
=>D’abord parce que la jurisprudence Dame Cachet
laisse entière la question des actes
individuels non créateur de droits.
=>Le couplage
du délai de retrait et du délai de recours peut aboutir à des conséquences
contestables dès lors qu’il existe des hypothèses où le délai de recours peut
ne pas courir. L’administration peut retirer l’acte n’importe quand,
plusieurs années après donc.
Cette jurisprudence est donc assez contestée par la
doctrine et un état du droit qui n’est pas satisfaisant.
Le CE a tenté de régler le problème du délai de retrait
dans un arrêt de 2001, Ternon, qui vient
précisément casser le couplage entre
le délai de recours et le délai de retrait. Le délai de retrait n’est pas calqué sur le délai de recours au juge,
il est de 4 mois. L’arrêt Ternon
casse la cohérence de la jurisprudence Dame Cachet mais pour chercher à régler
des inconvénients de cette jurisprudence. Pour le reste, l’état du droit est
assez difficile à comprendre.
Les auteurs retiennent la présentation suivante qui tient
en trois points :
- Le retrait est dominé par la distinction des actes individuels créateurs de droits et
non créateurs de droits.
- Seul le retrait des actes créateurs de droits est limité (soumis à une condition d’illégalité et une condition de
délai)
- Le retrait des actes non créateurs de droits est illimité, c'est-à-dire qu’il peut intervenir sans cause déterminée, c'est-à-dire aussi bien pour illégalité que pour absence d’opportunité. Et il
pourrait également intervenir à toute
époque, sans délai.
Cette présentation est assez largement artificielle. Dans la plupart des cas, le retrait de tous
les actes individuels, a une fonction essentiellement de nettoyage juridique,
de régularisation juridique,
c'est-à-dire que sous réserve de
solutions particulières, le retrait vise toujours des actes illégaux.
Seulement il y a des actes entachés d’une illégalité tellement manifeste
qu’on considère qu’il ne crée pas de droits et c’est pour cette raison que l’on
peut les retirer à toute époque.
a)
Le retrait des actes créateurs de droits
En principe,
tous les actes individuels créent des droits au profit de leur bénéficiaire. Egalement les
mesures défavorables peuvent créer des droits (licenciement des salariés protégés : représentants syndicaux.., ne
peuvent être licenciés qu’après autorisation. C’est donc une mesure qui crée
des droits pas pour le salarié mais pour l’employeur). Les décisions de refus peuvent créer des droits. Les sanctions disciplinaires créent
aussi des droits : elles créent des droits à ce que l’administration ne
prenne pas une sanction plus grave. Les
décisions individuelles sont donc créatrices de droits.
C’est pour
cette raison que la jurisprudence Dame Cachet limite le retrait des décisions
individuelles à la limite de leur illégalité. Mais il faut un délai (délai de 2 mois posé par la jurisprudence Dame
Cachet, avec un alignement sur recours).
Cette alignement va poser de réelles difficultés et va
aboutir à des solutions très contestables :
>
arrêt de 1967,
Ville de Bagneux, à propos d’un permis de construire qui n’avait pas fait
l’objet de publicité à l’égard des tiers puisque l’administration ne l’avait
pas affiché en mairie. Au bout de plus d’un an, l’administration se rend compte
qu’il est illégal. Ils ne l’ont pas affiché donc pas de
délai de recours donc pas de délai de retrait, donc l’administration le retire.
>
Autre exemple : Mme Marabouto, 1988,
une candidate à un concours de la
fonction publique est reçue et nommée alors qu’elle a un âge qui est supérieur
à la limite légale pour passer un concours administratif. Alors qu’elle est
nommée, l’administration s’en rend compte et décide de retirer sa nomination
prenant prétexte que la décision qui fixe la liste des candidats admis à
concourir n’avait pas été publiée. Le CE fait droit à ce retrait jugeant
qu’on peut retirer nomination.
>
Il y a un problème de l’articulation
de la jurisprudence Dame Cachet avec la règle qui veut que la notification
d’une décision individuelle soit accompagnée d’un certain nombre de mentions et
notamment la mention des voies et des délais de recours. Cette
règle a pour but de protéger les
administrés, de leur donner des informations supplémentaires. La règle prévoit que si les mentions ne
figurent pas au moment de la notification de l’acte, le délai de recours ne
court pas. C’est sur ce point de droit que l’administration a
voulu s’appuyer dans l’affaire de 1997
De Laubier. L’administration expliquait que plusieurs mois après sa notification,
une décision créatrice de droits était encore retirable parce que la
notification n’avait pas été accompagnée des mentions obligatoires.
Raisonnement immoral. Le CE a
choisi de ne pas faire droit à l’argumentation de l’administration et a estimé
alors même que les mentions étaient absentes, il n’était pas possible de
retirer l’acte, même illégal. Le
CE découple alors le délai de retrait et de recours.
>
Arrêt Ternon, 2001, le délai est
fixé à 4 mois qui court à compter de
la signature de l’acte.
C’est une simplification
limitée car il y a un certain nombre d’exceptions :
§ Le retrait des décisions implicites d’acceptation est de deux mois en vertu de la loi du 12 avril 2000.
§ En outre, la
jurisprudence Ternon ne trouve à s’appliquer que si un texte particulier ne dit
pas le contraire (ex : code
de l’urbanisme qui prévoit que le retrait d’un permis de construire est de 3
mois).
§ Il reste une autre question : est-ce-que ce délai de retrait peut être prolongé ?
C’est ce qu’admettait la jurisprudence Dame cachet qui permettait aux supérieurs
hiérarchiques, en cas de recours
administratif, de bénéficier de la prolongation du délai de recours (car
l’exercice d’un recours administratif prolonge le délai de recours
contentieux).
Est-ce que
c’est encore possible aujourd’hui ? Le CE distingue aujourd’hui selon que le recours administratif est
organisé par les textes.
èSi
le recours administratif est organisé par les textes, le délai de
retrait est prolongé jusqu’à la date où le supérieur hiérarchique peut prendre
sa décision. Quelle est cette
date ? L’administré dispose de deux mois pour exercer un recours
hiérarchique et le ministre dispose de 4 mois pour prendre une décision
implicite de rejet. Cela veut dire qu’en
cas de recours hiérarchique, l’administration dispose d’un délai de 6 mois.
èEn
revanche, si le recours n’est pas organisé par les textes, le délai Ternon s’applique mécaniquement (4
mois).
§ Reste une dernière question : ce délai de 4 mois, comment est-il décompté ?
La première borne est la signature de la décision.
Mais la
deuxième borne est la date où
est signée la décision de retrait ? ou est ce que c’est la date où doit
être notifiée la décision de retrait ? Si c’est la signature,
la notification peut intervenir plus tard, et l’intéressé pourra penser qu’il a
acquis les droits de l’acte. Le CE a jugé en 2007
que ce qui doit être pris en compte n’est pas la notification de la décision de
retrait mais la signature de la
décision de retrait. La
décision de retrait doit être signée dans le délai de 4 mois mais
pas obligé qu’elle soit notifiée dans ce délai (ce qui peut poser des
problèmes).
b)
Le retrait des actes non créateurs de droits
Un acte
individuel est normalement créateur de droits au profit de son bénéficiaire. Mais parfois le juge va considérer que cet acte n’est
pas créateur de droits, et généralement il en décide ainsi parce que l’acte est entaché d’une illégalité
manifeste ou il a un vice tel qu’on ne peut pas imaginer qu’il crée des droits.
v L’intérêt de cette qualification juridique est de
permettre le retrait à toute époque.
>
Il y a d’abord ceux qui sont entachés
d’une illégalité aggravée : ce sont les actes inexistants, obtenus par fraude, ou les actes
qui méconnaissent l’autorité de la chose jugée.
èDécision autorisant le réengagement d’un militaire
au-delà de la limite d’âge : arrêt, 1956 « De Fontbonne ».
èDe la même manière pour les actes frauduleux on peut citer l’arrêt du CE, 1955, Silberstein : à propos d’un étudiant étranger qui sur la
base d’un certificat frauduleux est autorisé à s’inscrire dans une autorité française.
Le CE reconnaît le pouvoir de retirer l’acte à toute époque.
La jurisprudence qualifie ces actes de nul et non avenu.
Mais èCE, 2002, assistance publique
hôpitaux de Marseille : il s’agit d’un médecin étranger qui sur la
base de diplômes frauduleux, se fait engager par un hôpital public. Le médecin
demande un congé longue maladie et on s’aperçoit que le diplôme était
frauduleux. L’administration dit que pas de congés longue maladie vu que
diplôme frauduleux. CE annule ce refus au motif que tant qu’un acte n’a pas été retiré, l’administration est tenue de
l’appliquer.
>
Les décisions conditionnelles : les
décisions dont la validité est soumise à une condition.
§ Si la condition se réalise, elle n’est plus conditionnelle.
§ L’hypothèse qui nous intéresse c’est lorsque la condition ne se réalise pas :
la décision ne remplit plus les
conditions de sa validité : c’est un acte non créateur de droits.
C’est ce qu’a jugé le CE en 1979 dans un arrêt
Secrétaire d’état aux universités de Bordeaux 2. Il s’agit d’un financement accordé par le
ministère de bordeaux 2 en vue de la réalisation d’un programme de recherche.
Le programme de recherche n’est pas mis en œuvre. Au vue de la non réalisation
de cette condition, le ministre demande alors le remboursement du financement.
Le CE admet que cela peut se faire à toute époque, puisqu’il s’agit d’une
décision non créatrice de droits.
>
La nomination d’un candidat à la fonction publique est
soumise à une condition résolutoire :
c’est l’acceptation par le candidat de sa nomination.
§ Si le candidat refuse la
nomination, l’administration peut la retirer à toute époque.
>
On retrouve une problématique du même ordre à propos des décisions recognitives, celles qui viennent reconnaître une situation
de fait. Par exemple, l’octroi de
la carte du combattant. De la même manière, l’attestation du diplôme ne fait
qu’attester que nous avons été déclaré reçu par le jury d’examen. Si non, cette
décision recognitive peut et doit être retirée à toute époque.
>
L’une des difficultés concerne ce que l’on appelle les décisions pécuniaires, c'est-à-dire celles qui concentrent un avantage financier. Quelle est la nature de ces décisions pécuniaires ? Sont-elles
purement recognitives et donc non créatrices de droit ou seulement recognitives
et créatrices de droits ?
La jurisprudence est mouvante : jusqu’à l’arrêt Soulier, le CE décidait que les décisions pécuniaires étaient des actes
non créateurs de droits sauf dans l’hypothèse où l’autorité compétente
disposait d’un pouvoir discrétionnaire.
Le raisonnement du juge était le suivant :
-L’administration
a une compétence liée pour attribuer une prime. Dans ce cas, la
décision doit se conformer en tous points au texte supérieur. On a alors une décision purement recognitive. Si
elle n’est pas conforme au texte supérieur, l’administration peut demander le
retrait de la décision.
-L’administration
a un pouvoir discrétionnaire dans l’octroi de la prime : l’autorité
compétente peut apprécier librement si l’on remplit les conditions. Dans ce cas
là, le juge estimait que cette décision financière découlant d’une liberté
d’appréciation de l’autorité compétente était une décision créatrice de droit.
Cette jurisprudence était trop sévère et trop subtile :
-La liste des
décisions pécuniaires soumises à des conditions légales précises est
extrêmement longue (lorsqu’un agent public recevait un avantage
financier => acte non créateur de droits que l’administration pouvait
reprendre à tout moment, donc la sécurité
juridique n’était pas assurée).
-Et surtout c’était une jurisprudence trop subtile car dans bien des cas il y
avait matière à hésiter sur le degré
de compétence liée ou de pouvoir discrétionnaire de l’autorité.
-Une
jurisprudence qui était aussi contraire à l’équité : les
avantages financiers qui étaient réglementés par la loi étaient moins bien
protégés que les pures mesures de faveur décidées par l’administration.
C’est ce qu’avait fait valoir le commissaire du gouvernement Labetoulle en 1976 dans
l’arrêt « Bussière », qui avait estimé que toutes les décisions accordant un avantage
financier méritent d’être protégées. La jurisprudence du CE était alors trop sévère. Il invitait le CE à
annuler cette jurisprudence, mais le CE
avait refusé de modifier sa jurisprudence et maintenu la distinction selon
qu’elles découlaient d’une compétence liée ou pouvoir discrétionnaire de
l’administration.
èCe n’est qu’en 2002 que le CE va revenir
sur cette jurisprudence et sur les conclusions de Labetoulle. Dans l’arrêt Soubier en 2002,
le CE va mettre fin à la distinction entre les décisions financières
purement recognitives et celles attributives. De sorte qu’il juge qu’en application de la jurisprudence
Ternon, l’administration ne peut plus retirer une décision accordant un
avantage financier au-delà du délai de 4 mois parce que c’est un acte créateur
de droits. En l’espèce, un agent
public avait reçu à tort une bonification indiciaire. On avait augmenté
son point d’indice pour aucune raison. Se rendant compte de l’erreur,
l’administration lui avait demandé le remboursement du trop perçu depuis la
date du jour où il avait eu la bonification d’indice. Le CE juge que ce n’est
pas possible, c’est un acte créateur de droit, donc on ne peut pas au-delà du
délai de 4 mois, retirer cet acte.
Cela dit, l’arrêt soulier souligne deux réserves :
§ S’agissant des décisions
pécuniaires, si le retrait au-delà de 4 mois n’est pas possible, l’abrogation pour l’avenir est possible.
§ Il faut distinguer entre les décisions pécuniaires et les simples
mesures de liquidation d’une créance. Une mesure de
liquidation : un problème informatique survient et le logiciel de paie se
trompe (erreur de liquidation parce-que pas de décision). Pour les erreurs de liquidation, le CE
dit que les mesures de liquidation peuvent être retirées à tout moment.
èActes non créateur
de droits : actes illégalité manifeste ou vice.
c)
Des solutions particulières où l’administration a le droit de retirer des actes
individuels légaux
Trois
situations :
§ Le retrait à la demande du bénéficiaire de la décision : ex : une sanction (acte créateur de droits)
mais si l’administration veut donner une sanction moins sévère c’est possible
(elle retire donc la première sanction).
§ Le retrait à la suite d’un recours hiérarchique
obligatoire : dans
certains cas, la loi oblige les administrés avant de saisir le juge d’essayer
de trouver un règlement amiable
auprès de l’administration et peuvent donc faire obligation au requérant de
saisir d’abord le ministre (supérieur hiérarchique). La jurisprudence
considère que quand le ministre est saisi d’une décision, il peut évoquer
complètement le dossier de sorte qu’il pourra retirer pour inopportunité une décision parfaitement légale. Cette question se
pose souvent dans les questions triangulaires (intéressent
l’administration, le bénéficiaire de l’acte et un tiers ; c’est souvent le
tiers qui fait un recours). Ex : un
directeur départemental du travail qui refuse une autorisation de licenciement
d’un salarié protégé. Ce refus est une décision créatrice de droits pour le
salarié, le salarié peut faire un recours devant le ministre et le ministre
peut retirer le refus de licenciement et donc accorder le licenciement.
§ Les décisions de refus : le
retrait des décisions de refus est généralement possible et à toute époque.
Mais cela tient à la nature particulière
de la décision de refus. La décision de refus n’est pas vraiment une
décision : prendre une décision de refus est refuser de décider et donc retirer
une décision de refus c’est donc accepter de prendre une décision nouvelle.
èCela ne vaut pas pour toutes les décisions de refus car
certaines décisions de refus sont qualifiées d’actes créateurs de droits. Mais en général, ces décisions ne sont pas créatrices
de droits. Ex : le refus de permis
de construire ne crée pas de droits pour les voisins. Le pétitionnaire peut
refaire une demande ; Mais le refus d’assurer la promotion d’un
fonctionnaire est une décision créatrice de droits pour les autres membres du
corps.
2) L’abrogation des actes individuels
L’abrogation
ne vaut que pour l’avenir. L’abrogation
d’un acte individuel pourrait alors être beaucoup
plus facile que le retrait.
La transposition avec les actes réglementaires n’est pas
possible. En particulier lorsqu’on s’intéresse aux actes individuels.
La première
idée est que généralement, la remise en cause pour l’avenir d’un acte
individuel n’est pas possible.
La jurisprudence a rappelé dans un arrêt de 2009, l’arrêt Coulibaly
que l’abrogation est soumise aux
mêmes règles que le retrait c'est-à-dire qu’on ne peut pas abroger un acte
individuel plus de 4 mois après sa signature alors même qu’elle serait
illégale, sous réserve de la jurisprudence Soulier (inverse pour les décisions
pécuniaires). Monsieur Coulibaly
dentiste d’origine ivoirienne. Il avait été diplômé de l’université d’Abidjan.
S’installant en France, il avait inscrit au tableau de l’ordre des chirurgiens
dentiste. En 2006, Monsieur Coulibaly souhaite déménager. Il demande le
transfert de son inscription à un nouveau conseil et à ce moment là, l’ordre
des chirurgiens dentiste s’avise que son diplôme n’est pas valable, et décide
de le radier. C’est cette décision de radiation que conteste Monsieur Coulibaly
et il saisit le CE. Le CE annule
la décision de radiation en expliquant que l’inscription au tableau de l’ordre
est créatrice de droit. Dans ces conditions, s’il n’y a pas de
changement de circonstances nouvelles,
l’ordre ne peut pas décider de la radiation plus de 4 mois après l’inscription car cela serait méconnaître les droits
acquis par monsieur Coulibaly. Le CE
souligne qu’en l’espèce il n’y avait pas fraude (sinon décision aurait
été de le radier). On applique la jurisprudence Ternon. Conséquences pour Monsieur Coulibaly : il est en quelque sorte
assigné en résidence. Le nouveau conseil de l’ordre ne peut pas le radier mais
ne veut pas l’inscrire à l’ordre des chirurgiens dentiste.
On ne peut
plus alors plus tenir compte d’évolutions de la situation ? On ne peut pas
remettre en cause une décision administrative ? Or, on peut les remettre en cause mais pas par le
mécanisme de l’abrogation mais par le mécanisme
de l’acte contraire (acte qui va mettre fin aux effets de l’acte initial). L’acte
contraire est prévu par les textes et soumis à certaines conditions. Ex : nomination d’un fonctionnaire
ne peut pas faire l’objet d’une abrogation alors même que la nomination est
illégale. Par contre, il n’est pas interdit à l’administration de mettre fin
aux fonctions d’un fonctionnaire mais ne peut le faire que par les moyens
prévus par la loi : radiation par exemple.
Cela dit, il y a un
certain nombre d’actes qui ne créent pas de droits acquis à leur maintien
(ils ne sont pas protégés par l’abrogation). Ils sont protégés contre le retrait mais pas contre l’abrogation. Ce sont notamment les autorisations de
police ou d’occupation du domaine public. De la même manière,
l’administration a des emplois fonctionnels à la discrétion du gouvernement,
ce sont des emplois auxquelles l’administration peut mettre fin à tout moment.
Sous-section 2 : la force executoire des decisions
administratives
Cette force exécutoire s’explique par la présomption de légalité dont bénéficie
les décisions administratives. Cela veut dire que les décisions
administratives sont réputées légales dès leur signature et entre en vigueur
sans qu’il y ait lieu de s’interroger sur leur régularité juridique.
Maurice Hauriou parlait d’autorité de chose décidée. Cette autorité de chose décidée se manifeste
d’une double manière :
- d’abord, en ce que les
recours exercés contre les décisions administratives n’ont pas d’effet
suspensif, même contestées devant le juge, la décision continue de
s’appliquer
- Et les administrés
sont tenus de se plier aux décisions administratives. Ils sont tenus
d’avoir le comportement que peut exiger de la décision administrative. C’est
une sorte de privilège d’exécution
d’office.
paragraphe 1 : les recours exerces contre les
decisions administratives n’ont pas d’effet suspensif
La saisine du
juge administratif n’a pas de conséquence immédiate sur la force exécutoire de
l’acte administratif attaqué. Tant qu’il n’est pas annulé par le juge,
l’acte administratif continue de bénéficier de cette présomption de légalité
qui justifie que l’administration continue de procéder à son exécution.
C’est là une règle essentielle qui a une explication
pratique : si on avait posé la
règle contraire qui consiste à dire que quand on a un doute sur la légalité d’un acte
administratif, celui-ci cesse d’avoir force exécutoire tant que le juge n’a pas
jugé, on aboutirait à la paralysie des
SP. Le CE a même expliqué dans un arrêt Huglo du 2 juillet 1980,
que le caractère exécutoire des actes
administratifs est la règle fondamentale du droit public.
Cela dit, il peut y avoir des exceptions. Certains
textes peuvent prévoir dans telle ou telle hypothèse que le recours sera
suspensif et il y a aujourd’hui de plus
en plus de textes qui peuvent organiser des recours suspensif : le recours contre les arrêtés
préfectoraux de reconduite à la frontière sont suspensifs (étranger peut
pas être reconduit à la frontière tant que le juge n’a pas statué). Ex 2 :
retrait des autorisations de fréquence prononcées par le CSA. Compte
tenu de la gravité de cette mesure, le législateur a organisé un recours
suspensif. En pratique, cela n’est jamais arrivé.
Dans
ce cadre, l’effet suspensif reste l’exception. Cela ne va pas
sans poser de problèmes graves dans la mesure où les administrés ont tout à craindre de l’exécution d’une décision
qui serait illégale et qui pourrait porter gravement atteinte à leurs droits. Il
y a certes la possibilité de recours
au juge mais les délais sont très longs.
Il peut y avoir des circonstances qui portent atteinte
aux droits des administrés de sorte que notre droit a été obligé
d’organiser des procédures
particulières d’urgence qui permettent de saisir le juge en urgence
pour lui demander de suspendre au plus
vite l’exécution d’un acte dont on suspecte l’illégalité et que s’il est
exécuté aura des conséquences irrémédiables. Ces procédures d’urgence ont
pris la forme de la procédure du
sursis à exécution qui a été institué devant le CE dés 1806. La
procédure du sursis permettait au juge de surseoir à l’exécution de l’acte administratif
en attendant d’instruire au fond l’affaire pour vérifier si cet acte est
illégal ou pas. Si l’acte est en vérité légal, le juge rejette le recours et la
procédure cesse et l’acte reprend sa vie juridique.
Le problème c’est que cette procédure a mal fonctionné car la jurisprudence du CE illustrée par un arrêt de 1938 « Syndicat
des fabricants de moteur d’avions » était extrêmement restrictive. Elle cherchait
à protéger le caractère exécutoire d’un
acte administratif. Elle avait posé deux conditions :
§ Il fallait d’abord que l’acte administratif soit entaché d’une illégalité sérieuse
§ Il fallait que le requérant fasse valoir un préjudice irréparable si la décision avait
été exécutée.
Ces
conditions n’étaient pratiquement jamais remplies et le sursis à exécution ne jouait pas son rôle. Beaucoup de professionnels s’en sont rendus compte et
ont préféré s’adresser au juge
judiciaire en invoquant une théorie
de la voie de fait qui permet au
JJ de connaître des actes les plus graves de l’administration. Cette
théorie de la voie de fait a été utilisée presque systématiquement dans les
années 90 pour une raison simple : elle
permettait au justiciable de saisir le juge civil dans le cadre de la procédure
du référé civil. C’était alors une manière de dire que le JA n’était pas efficace et n’arrivait pas à
protéger effectivement les administrés. Le
CE a considéré qu’il fallait s’inspirer du référé civil et transposer au
contentieux administratif des procédures d’urgence aussi efficaces que celles
organisées par le code civil.
Le
CE a proposé au gouvernement d’adopter un projet de loi qui a été adopté dans
le courant de l’année 2000 (loi du 30 juin 2000) qui met en place deux nouveaux
référés en matière administrative :
- Le référé suspensif qui remplace le sursis à exécution
qui permet de suspendre un acte
administratif qu’on suspecte illégal et qu’on imagine qu’il va créer des
conséquences graves sur la situation des administrés. Le référé suspensif
est soumis à des conditions beaucoup
plus souples que le sursis à exécution :
§ Le requérant doit développer devant le juge un moyen propre à susciter un doute sérieux
sur la légalité de la décision
§ Il suffit d’établir
l’urgence de la situation
Depuis cette date, les tribunaux administratifs ont une pratique quotidienne du référé suspension.
- Le référé liberté : il répond à une situation précise : c’est quand une décision administrative porte atteinte à
une liberté fondamentale, le juge peut être saisi d’urgence et peut dans un
délai bref prononcer toute mesure qu’il joue utile au rétablissement de la
liberté.
paragraphe 2 : le privilege d’execution d’office des
decisions administratives
Un
administré visé par une décision ne peut pas s’abstenir d’exécuter la décision.
Mais il peut y avoir des administrés qui refusent, qui ne
se sentent pas concernés. Dans ce cas
de figure, quelles sont les moyens dont dispose l’administration pour obliger
un administré à se conformer aux décisions qu’elle rend ?
- L’administration peut engager des poursuites pénales à l’encontre de l’administré récalcitrant
(sur la base de l’article R.610 du code pénal qui punit d’amende tous
ceux qui contreviennent à un règlement de police).
Il peut yavoir des
dispositifs spécifiques : en
matière de reconduite à la frontière, la loi prévoit une peine de prison pour tous les étrangers
qui tentent de se soustraire à une mesure de reconduite à la frontière
ou d’expulsion.
- L’autorité administrative peut avoir la possibilité de prononcer elle-même
des sanctions administratives : il faut que la sanction soit prévue
par la loi et celle ni n’est autorisée d’instituer des sanctions que
dans des cas limités et dans des
conditions précises : le pouvoir de sanction normalement appartient
au juge seul et c’est une entorse ici à la séparation des pouvoirs mais le CE
l’a admis et on trouve ces sanctions surtout
en matière économique ou dans le cadre de l’audiovisuel. Ex :
L’autorité de la concurrence peut infliger des sanctions aux entreprises
qui ne respectent pas ces recommandations et qui violent la loi ; CSA
fait un certain nombre de recommandation à l’égard des chaînes de radio. Et si
la radio ne s’y plie pas, elle peut édicter des sanctions.
Elles
ne peuvent cependant pas édicter des peines privatives de liberté (seul le juge pénal peut le faire).
- L’administration peut être amenée à utiliser la contrainte physique pour obliger d’un administré qu’il
adopte le comportement qu’implique la décision.
§ Soit par saisie
du juge administratif pour qu’il autorise l’administration à utiliser la force.
C’est le cas dans les situations
d’occupation du domaine public. Et en particulier d’occupation du domaine public
universitaire.
§ Dans certains cas, l’administration
va être autorisée à recourir elle-même à l’exécution forcée. Quand ?
Il faut prévoir des limites.
Elles peuvent le faire quand un texte de loi les y autorise donc sous le contrôle du Conseil
constitutionnel, et généralement c’est en matière de police spéciale que ces pouvoirs sont prévus. Le Conseil
constitutionnel a même estimé que les décisions prises en matière de police
sont susceptible de faire l’objet d’exécution
forcée. C’est sa décision du 13 août 1993
relative au contrôle de l’immigration. C’est ainsi qu’un étranger qui fait l’objet d’une reconduite à la
frontière peut être arrêté par les forces de l’ordre et le mettre dans l’avion
de force.
Mais le plus
souvent, les textes restent silencieux. Or pourtant,
il faut que parfois, l’administration exécute une décision alors que les textes
n’ont rien prévu. C’est à cette question que répond le TC de 1902 dans
l’arrêt « Société immobilière de Saint-Juste ». Le gouvernement républicain avait pris des lois
qui interdisaient sur le territoire national de congrégation religieuse,
obligeant certaines communes à fermer leurs écoles. On avait affaire à une
congrégation religieuse qui avait refusé de quitter les couvents et les
bâtiments qu’elle occupait alors même qu’elle était dissoute. Le préfet avait
envoyé la troupe pour déloger les religieux. La question qui se posait était de savoir si l’administration
n’avait pas commis une illégalité (droit d’envoyer la troupe ?).
Réponse de Jean Romieux :
il nous dit que c’est possible de
passer à l’exécution forcée sans qu’un texte le prévoit mais à des
conditions
èIl faut que la
décision trouve un fondement précis
dans un texte de loi.
èIl faut aussi que
l’administration se heurte à une résistance
active ou passive des administrés.
A défaut, ce serait une vexation inutile.
èIl faut que l’exécution n’excède pas ce qui est
nécessaire pour obtenir le respect de la loi
èIl faut que la résistance individuelle ne puisse pas
être vaincue pas d’autres moyens.
Dans
l’affaire, le TC va estimer que les conditions étaient remplies dans la mesure
où loi avait omis de prévoir des sanctions ou que celles-ci étaient restées
inefficaces.
MAIS attention, même dans l’hypothèse où ces 4 conditions
ne seraient pas remplies, il reste un cas où on doit permettre à
l’administration de le faire : l’URGENCE,
cas de PERIL IMMINENT, même contre
le gré des administrés. Romieux
a cette image : lorsqu’une maison
brûle, on ne va pas demander au juge l’autorisation d’y envoyer les pompiers.
èSi l’administration
exécute d’office ou de manière forcée un acte administratif alors que les
conditions ne sont pas remplies, elle commet une illégalité d’une gravité particulière. Elle se rend coupable d’une voie de fait et à
ce titre, elle pourra être poursuivie
devant les tribunaux judiciaires.
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