Au début
du XXe siècle, une frange
dominante de la doctrine propose une définition du service public qui apparaît
très harmonieuse. Mais cette conception originelle va être ébranlée, ce qui
donnera matière à ce que certain appelle la crise du service public. Prenant
acte de ses ébranlements, dans les années 1940, certains estiment qu’il n’est
plus possible de définir l’activité de service public. Pourtant, il est
possible aujourd’hui de fournir une définition de l’activité de service public.
Section
1 : La conception originelle et son unité
C’est le
développement des activités de services publics qui conduit la doctrine au
début du XXe siècle à rechercher une définition générale. Cette dernière sera
fourni par un certains nombres d’auteurs regroupés au sein de l’école du
service public. Grands auteurs de l’école du service public à
Léon Dugui (juriste et sociologue), Gaston Jéze, Louis Rolland.
Ces
auteurs forgent une définition qui est à la fois simple et harmonieuse. Selon
eux, le service public est une activité d’intérêt général, prise en charge par
des collectivités publiques, dans le cadre des règles du droit public, et
relevant de la compétence des juridictions administratives en cas de litige.
Cette définition se nourrit de la juxtaposition de quatre éléments : intérêt
général, personne publique, droit public, juge administratif.
Cela
étant, une telle conception du service public est liée à une vision
particulière de la société. C’est l’arrière plan sociologique de la définition
juridique du service public. Pour ces auteurs de l’école du service public,
tout se passe comme si la société était constituée de deux univers clos,
séparés par une frontière étanche. Il y a d’un coté de la frontière, la sphère
de l’intérêt général qui s’identifie elle-même au monde du service public. Dans
ce monde là sont à l’œuvre les personnes publiques, dans cette sphère là
s’applique les règles du droit public. De l’autre coté de la frontière, c’est
la sphère des intérêts particuliers, au sein de laquelle agissent les personnes
privées dans le cadre des règles du droit privé. Cela revient à dire que les
deux univers sont des univers qui sont opposables termes à termes, comme sont
opposables les activités de services publics et les activités privées. à
Vision bipolaire.
Cette
systématisation est sans doute un peu outrancière à l’époque même où sont
formées ces doctrines. Cet excès de systématisation explique qu’au fil du temps
ces thèses de l’école du service public vont être mises à mal. Les mutations
socio-économiques vont contredire la vision bipolaire de la société. Une
interpénétration entre l’univers public et l’univers privé va s’affirmer de
manière progressive, et la jurisprudence fera elle-même écho à ce mouvement (en
contestant les affirmations de l’école du service public).
Section 2 : La
« crise » de la notion de service public
Si crise il y a, c’est très
largement d’une crise de croissance dont il s’agit. La difficulté de
donner une définition du service public va s’accroître au fur et à mesure que
le domaine du service public va s’amplifier. Il ne faut pas oublier que le
facteur essentiel de la « crise » est l’imbrication croissante entre
activité privées et activités publiques. Quels sont alors les échos
jurisprudentiels du développement de cette « crise » ? On
dénombre trois grands échos constitutifs de cette « crise » :
~ Arrêt rendu par le Conseil
d’Etat le 31 juillet 1912, Société des granites des Vosges.
Dans cet arrêt le Conseil d’Etat
adopte une position qui remet en cause le caractère systématique du lien entre
le service public et le régime de droit public. Le Conseil d’Etat affirme en
effet qu’une collectivité publique a le loisir de conclure un contrat de droit
privé alors même qu’elle agit dans le cadre de la gestion d’une activité de
service public. Cela signifie que la gestion du service public n’implique pas à
tout coup l’application du droit public.
è La portée de cet arrêt
est relative. Il prend la forme d’une sorte de rappel à l’ordre de la doctrine.
Il s‘inscrit contre un excès de systématisation. Cet arrêt ne doit pas être
regardé comme un démenti cinglant de l’une des affirmations de l’école du
service public. Il doit être entendu comme ménageant une exception qui ne
contredit pas en l’état se qui peut continuer d’apparaître comme une règle de
base, à savoir l‘application des règles du droit public. La règle de base peut
demeurer intacte, les activités de service public relèvent du droit public,
mais cette soumission aux règles de droit public n’a pas de caractère
systématique. Cette soumission souffre des exceptions. Compte tenu de cet
arrêt, l’application des règes de droit privé au service des activités du droit
public n’est pas exclut. Il y a place pour des îlots de droit privé dans le
régime juridique du service public.
~ Arrêt rendu
par le Tribunal des Conflits le 22 Janvier 1921, Société commerciale de l’ouest
africain. (souvent baptisé « bac Eloka »).
Ce n’est plus
un simple accros aux thèses de l’école du service public, c’est une remise en
cause beaucoup plus profonde. Ici, un service public de bac relie les deux
rives d’un fleuve. Ce bac vient à chavirer et la question se pose de savoir
devant quelle juridiction les victimes doivent se tourner pour engager une
action en réparation du dommage subit. Si on se réfère à la définition de
l’école du service public, on est tenté de se tourner vers les juridictions du
droit public. On est tenté d’affirmer cela parce que l’activité qui est à
l’origine du dommage est une activité de service public. Pourtant la réponse du
Tribunal des Conflits est opposée. Dans cet arrêt le Tribunal des conflits
affirme la compétence des juridictions judiciaires pour se prononcer. Sur quoi
se fonde le Tribunal des Conflits pour retenir une telle solution ? Il
s’appuie sur la similitude de fonctionnement entre le service public concerné
et toutes activités privées équivalentes. Ce service public de bac fonctionne
comme le ferait n’importe quelle activité privée de même nature, c’est cela
l’élément significatif retenu par le Tribunal des Conflits.
è
La portée de cet arrêt est considérable. Il annonce la naissance des services
publics industriels et commerciaux (par opposition aux services publics plus
classiques que sont les services publics administratifs). A partir de là, il
n’est plus possible de s’en tenir à une vision unitaire du service public. Il y
a une faille décisive qui est introduite à l’intérieur même des services
publics. Il y a d’un coté des activités de services publics qui ont vocation à
relever du droit public, ce sont les services publics administratifs
(enseignement, aides sociales etc.). Et de l’autre coté, il y a des activités
de services publics qui sont appelés à relever de manière essentielle des
règles de droit privé. Ces activités de services publics là sont des services
publics industriels (transport de voyageur, fourniture et distribution
d’énergie électrique ou gazière etc.). Jusqu’à lors, il y avait matière à dire
que certains services publics pouvaient relever de manière accessoire du droit
privé. Maintenant, il y a matière à poser que certains services publics
relèvent de façon générale, de manière essentielle, du droit privé. Il y a donc
une gradation considérable entre le contenu de l’arrêt de 1912, et le contenu
de celui de 1921. Avec ce dernier, on est amené à dire que désormais, au sein
de certains services publics, la présence des règles du droit privé est
dominante. Il y a donc une remise en cause ouverte du lien service public ó
droit public. La vision bipolaire se substitue à la vision unitaire que l’on
était fondé à cultiver jusqu’alors.
~ Arrêt rendu
par le Conseil d’Etat le 13 Mai 1938, Caisse primaire, aide et protection.
Nous sommes en
1938, la sécurité sociale n’existe pas encore, mais il existe à l’époque un
certain nombre d’organismes privés. Ceux-ci sont en charge de la gestion de
régime d’assurance maladie. Dans cet arrêt, le Conseil d’Etat affirme que cette
caisse aide et protection se présente comme un organisme privé en charge d’une
mission de service public. Pour l’école du service public, la gestion des
activités de service public incombait, par principe, à des personnes publiques.
A ce principe, il y avait une exception, qui était incarnée par le procédé de
la concession de services publics. C’était un contrat par lequel une personne
publique confiait la gestion d’un service public à une personne privée.
è
Le propre de l’arrêt de 1938 est d’élargir et en même temps de banaliser les
modes de gestion privée du service public. En l’espèce, la caisse primaire
n’est aucunement en charge d’une concession de service public. Pourtant, le
Conseil d’Etat admet que cet organisme privé soit en charge d’une mission de
service public. Cela revient à dire que désormais la concession n’est plus
qu’un procédé parmi d’autres de gestion de service public par une personne
privée. Surtout, cette gestion privée du service public ne doit plus être
perçue comme ayant un caractère exceptionnel.
Confrontation
de ces définitions jurisprudentielles à la doctrine originelle à
On ne peut plus faire référence au régime juridique applicable, ni par la même
à la compétence systématique des juridictions administratives. On ne peut plus
non plus glisser dans la définition que les gestionnaires des services publics
sont par des personnes publiques. Néanmoins, on continu de faire référence à
l’intérêt général pour identifié l’activité de service public. Mais est-il
pertinent de se référer uniquement à l’intérêt général pour définir le service
public ? Toute définition du service public au lendemain de cet arrêt est
hasardeuse, présomptueuse. Pour certains, dans les années 1940-1950, il est
désormais illusoire de prétendre définir le service public. On doit se
contenter de prendre acte de l’existence d’activité de service public, sans
pouvoir en donner une véritable définition. à Attitude défaitiste,
attitude de renoncement intellectuel. Cette attitude sera parfois qualifiée
d’existentialisme juridique.
Faut-il en
rester à une telle vision, ou peut-on au contraire être un peu plus
ambitieux ? Il n’est pas sur qu’en 2006 toute définition du service
publique soit illusoire.
Section
3 : La définition actuelle du service public : une définition ouverte
Les activités
de service public sont des activités d’intérêt général dont la gestion est
assurée par des collectivités publiques ou sous le contrôle de celle-ci. Cette
définition apparaît peut être un peu imprécise. Mais cette faiblesse de la
définition est aussi un atout. Ce caractère ouvert de la définition actuelle
permet au service public d’être réceptif aux évolutions de la société ; et
puis cette ouverture donne toute sa place à la dualité d’un caractère des
services publics (administratif pour les uns, industriels et commerciaux pour
les autres).
A] Les critères de définition
A] Les critères de définition
La définition
actuelle du service public repose sur deux critères : L’intérêt général
d’une part, et sur le lien à une collectivité public d’autre part.
a)
L’intérêt général
La référence à
l’intérêt général confère, inévitablement, au service public un caractère à la
fois subjectif et évolutif. La subjectivité ne peut que se manifester dès lors
que l’intérêt général n’est plus regardé, aujourd’hui, comme radicalement
différent des intérêts particuliers. Cela revient à dire que l’on admet
aujourd’hui que les activités privées contribuent à définir l’intérêt général.
L’intérêt général n’est pas figé.
Exemple
1 : En 1916, un très grand auteur du droit public français (Maurice Hauriou)
rédige une note d’arrêt. Il écrit que les activités théâtrales ne peuvent
aucunement être regardées comme des activités de services public, parce qu’il
s’agit d’activités de simple divertissement.
Exemple
2 : Crise de la vache folle à sa manière provoque l’apparition d’un
nouveau service public, celui de ramassage des cadavres d’animaux de boucherie.
Avant la crise de la vache folle, ramasser les cadavres d’animaux de boucherie
n’était pas une activité de service public. C’était des services privés qui
s’occupaient de ces services.
b)
Le lien avec une collectivité
publique
Toute activité
de service public entretient un lien avec une collectivité publique. Quelle est
la nature et l’étroitesse de ce lien ? Ce lien n’est plus aussi immédiat
que l’avait envisager les auteur de l’école du service public. Il y a deux cas
de figures qui peuvent se présenter aujourd’hui : Selon qu’il y a gestion
publique ou gestion privé du service publique
~ Gestion
publique : Cette hypothèse peut elle même se subdiviser. Il y a gestion
publique lorsqu’une collectivité publique assure directement la gestion d’un
service public.
Exemple :
le service public de la justice qui est directement gérer par l’Etat.
Il y a
également gestion publique quand une collectivité publique créée, pour gérer un
service public, un organisme public qui lui est directement rattaché. Exemple : Les universités qui sont des
établissements publics, des entités publiques, propres qui relèvent de l’Etat.
Ce dernier se remet à une personne publique qu’il crée spécifiquement
~ Gestion
privée : Elle s’est largement banalisée via la jurisprudence. Lorsqu’il y
a gestion privée du service public, y a t il encore un lien avec une
collectivité publique ? L’activité de service public est gérée par une
personne privée, mais celle-ci se trouve soumise à des contrôles de la part
d’une collectivité publique. Par conséquent, même lorsque la gestion d’un
service public est confiée à une personne privée, il y a un lien indirect, mais
il y a un lien tout de même. L’attribution d’une mission de service public à
une personne privée s’accompagne, le plus souvent, de l’exercice par la
personne privée de prérogatives de puissance publique, qui contribuent
elles-mêmes à l’identification du service public (exemple : obligation
d’adhésion). Ces prérogatives de puissance publique sont alors un véritable
troisième critère d’identification du service public.
Lorsque le
service public est géré par une personne publique, il y a deux critères
d’identification. Lorsque le service public est géré par une personne privée,
il y a trois critères en règles générales.
Exemple :
Arrêt du Conseil d’Etat du 22 Mars 2000, Epoux Lasaulce à Le Conseil d’Etat doit
se déterminer sur le fait que si le dépannage sur autoroute constitue une
activité de service public. Ce sont des garagistes qui sont en charge de ces
activités de dépannage et de remorquages. Le Conseil d’Etat commence par
remarquer que ce sont des activités d’intérêt général. Ensuite, le Conseil
d’Etat, fait remarquer que ces activités sont effectuées sous le contrôle de la
puissance publique, avec possibilité pour l’Etat d’opérer une inspection
annuelle des véhicules, par exemple. Puis le Conseil d’Etat relève que les
entreprises de remorquage dispose dans
sa zone d’un monopole d’intervention, et une telle situation de monopole est
constitutive de prérogatives de puissance publique aux yeux du Conseil d’Etat.
Conclusion : Les activités concernées sont bel et bien des activités de
service public.
La recherche
est plus délicate quand l’activité qu’il s’agit d’identifier est gérée par une
personne privée, et non pas par une personne publique.
En règle
générale, trois critères sont requis pour qu’une activité gérée par une
personne privée soit considérée comme une activité de service public. Mais il
arrive que le juge administratif soit moins exigeant. Il arrive qu’en pareil
cas, le juge se satisfasse de l’existence des deux critères de base. è
Arrêt du Conseil d’Etat du 20 Juillet 1990, ville de Melun à
Le Conseil d’Etat reconnaît le caractère d’activité de service publique à une
association, alors même que l’exercice des missions concernées ne comporte pas
une mise en œuvre de prérogative de puissance publique.
En règle
générale, lorsqu’il s’agit d’identifier une activité gérée par une personne
privée, on se fonde sur trois critères. Mais il arrive que le juge
administratif soit moins exigeant.
B] Le
caractère des activités de services publics
Le caractère
actuel du service public s’abstient de se référer à un régime juridique qui serait
uniformément applicable. Les auteurs de l’école du service public établissaient
un lien directe entre activité de service public et régime de droit public,
mais ce n’est plus le cas aujourd’hui, depuis cette rupture jurisprudentiel de
1921 ( à
Société commerciale de l’Ouest africain).
Cette
définition accorde toute leur place aux services publics, et aux services
publics industriels et commerciaux. Le propre des services publics
administratifs (enseignement, justice, aide sociale etc.) est de relever de
façon quasi-exclusive des règles du droit public. A l’inverse, les services
publics industriels et commerciaux sont soumis essentiellement aux règles du
droit privé. A quel signe faut-il s’en remettre pour distinguer les services
administratifs des services industriels et commerciaux ?
Nous savons
que l’existence des services publics industriels et commerciaux tient
fondamentalement à leur similitude avec des activités privées de même nature.
Ce faisant, la jurisprudence s’est attachée à définir les éléments qui
permettent d’établir cette parenté. L’arrêt de référence est un arrêt du
Conseil d’Etat rendu le 16 Novembre 1956, Union des industries aéronautiques.
Au vu de cet arrêt, trois éléments cumulatifs sont à retenir :
~ Une activité
de service public ne peut avoir le caractère industriel et commercial que si
elle a un objet identique à celui d’entreprises privées (c'est-à-dire, la
production, et la vente de biens ou de services).
~ Il convient
de se référer à l’origine des ressources du service public. Les ressources d’un
service public industriel et commercial doivent provenir, pour une large part,
de redevances versées par les usagers du service. A contrario, lorsque tel
service public tire l’essentiel de ses ressources de subventions versées par une
collectivité public (Etat, commune, département etc.), ce service public ne
peut avoir le caractère industriel et commercial, il sera considéré comme
service public administratif.
~ Les
conditions d’organisation et de fonctionnement du service doivent être voisine
de celles des entreprises privées, avec notamment, des modalités d’organisation et de
fonctionnement axées sur la recherche de bénéfice.
La SNCF
est-elle une activité de service public administrative, ou bien une activité de
service industriel et commercial?
à
Transporter des voyageurs est une activité de production de service
à
Origine des ressources = elle proviennent du prix que nous payons pour acheter
des billets de train + quelques subvention versées par l’Etat.
à
Modalité d’organisation et de fonctionnement = les mêmes que les autres
entreprise à
recherche de bénéfice.
è
Le service public ferroviaire est donc une activité de service public
industriel et commercial.
S’agissant de
cette identification du service public à diversité puisque les activités de service
public sont le plus souvent gérer par des personnes publiques, mais il n’est
pas rare qu’elles relèvent de personnes privée. Diversité encore puisqu’on
entend tantôt des services publics administratifs, tantôt des services publics
industriels et commerciaux.
La définition
actuelle est donc ouverte puisqu’elle prend en compte ces diversités.
En dépit de
cette diversité, toutes les activités de service public relèvent d’un même
statut juridique. è Élément d’unité, qui vient compenser les facteurs de
diversité que l’on vient de recenser.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire