Il s’agit ici d’opérer une sorte
de dissection de l’acte unilatéral pour éclairer sa substance. De quoi est
constitué un acte administratif unilatéral ? Et lorsque l’on se pose
pareille question, on est amené à distinguer deux types d’éléments. Il y a d’une
part, ce que l’on peut appeler les éléments externes de l’acte (qui se
rapportent en quelque sorte à l’enveloppe extérieure de l’acte), et puis, il y
a d’autre part, les éléments internes (qui se rapportent au contenu de l’acte).
Section 1 : Les éléments
externes de l’acte
Ces éléments externes sont de
trois sortes : la compétence, la procédure et les formes.
A] La compétence
Par compétence, on entend
l’aptitude juridique de l’auteur d’un acte à prendre sa décision. Sur ce
terrain, il y a deux interrogations : Tout d’abord, existe-t-il, à
l’intérieur de l’administration, une répartition stricte des compétences entre
les autorités administratives ? Par
ailleurs, le procédé de l’acte administratif unilatéral appartient-il en
exclusivité aux personnes publiques ?
a)
Les règles de répartition de
compétence
La jurisprudence administrative
fait preuve d’une grande sévérité, mais cette sévérité n’est pas, et ne peut
pas être, absolue. Elle est, et elle doit être tempérée, par un mécanisme
correcteur, qu’est la technique de la délégation.
1] La sévérité
jurisprudentielle
Les juridictions administratives
sanctionnent avec sévérité toutes les irrégularités susceptibles de porter
atteinte à la répartition des compétences entre autorités administratives. Ces
irrégularités là, ce sont, le plus souvent, des empiétements de compétence
d’une autorité sur une autre. Ces empiétements de compétence peuvent être
eux-mêmes relatifs à la matière traitée, au lieu concerné, ou encore au temps.
Exemple pour la matière
traitée : le ministre de l’agriculture prend une décision qui relève de la
compétence du ministre de l’éducation nationale.
Exemple pour le lieu : Le
Préfet du Val-de-Marne prend une décision qui concerne le territoire des
Yvelines.
Exemple pour le temps : Le
Président de la république qui signe une ordonnance alors même que les délais
d’habilitation pour le faire sont épuisés.
Toutes ces hypothèses
d’incompétence sont sanctionnées avec sévérité par la jurisprudence. La
meilleure illustration de cette sévérité tient dans le statut accordé dans le
contentieux administratif à l’incompétence. Le vice d’incompétence constitue en
effet, dans le jardon juridique, un moyen d’ordre public. C'est-à-dire qu’en
l’espèce, les juridictions administratives s’estiment habilitées à prendre
l’initiative de soulever, d’office, le cas échéant, l’incompétence, en
prononçant, corrélativement l’annulation de l’acte concerné.
Exemple : Recours
administratif, sans rien trouver sur le terrain de l’incompétence. En dépit de
cette carence, s’il y a matière, le juge administratif soulèvera d’office l’incompétence
et prononcera l’annulation de l’acte. Cela signifie qu’ici, le juge ne se
contente pas d’adopter l’attitude qui est ordinairement la sienne. En règle
générale, un juge se contente de répondre aux arguments qui sont développés par
les parties. En l’espèce, pour ce qui est de l’incompétence, parce que cela lui
parait d’une gravité particulière, le juge administratif accepte d’aller au
delà du rôle qu’il tient habituellement. Ce n’est pas si souvent que le juge
administratif accepte de prendre de telles initiatives. S’il le prend sur le
terrain de l’incompétence, c’est parce qu’il a à cœur de sanctionner ces
irrégularités. Les règles de répartition de compétence doivent donc être
respectées scrupuleusement par les autorités administratives.
Néanmoins, cette sévérité
jurisprudentielle ne peut pas être absolue. Il est nécessaire d’avoir recours à
un mécanisme correcteur.
2] Le mécanisme de la
délégation
Si, en matière de répartition de
compétence, la sévérité était absolue, la conséquence inévitable serait une
paralysie de l’administration. Cela donnerait lieu à un étouffement des
échelons supérieurs de l’administration.
Exemple : Un ministre serait
tenu de prendre lui-même, de signer lui-même, toutes les décisions qui relèvent
de sa compétence ; ce ministre là serait inévitablement victime d’un
engorgement impossible à satisfaire. Il se transformerait en machine à signer
24h/24 ! L
Si on laissait cette paralysie
se développer, tout le monde en serait
victime, l’administration, comme les administrés.
Il existe des techniques de
délégations. Il y a d’une part, ce que l’on appelle les délégations de pouvoir,
ou encore de compétence. Et il y a d’autre part, les délégations de signatures.
Les deux modalités obéissent à des conditions de validités communes, mais elles
emportent des effets qui sont sensiblement différents.
·
Les conditions de validité
communes :
En premier lieu, toute délégation
doit être consentie sur la base d’un texte. Il faut un support textuel pour
qu’une autorité puisse opérer une délégation en faveur d’une autre.
En second lieu, les délégations
doivent faire l’objet d’une mesure de publication. Les délégations ne peuvent
pas être consenties dans le secret. Il importe que les administrés soient
informés de pareilles démarches.
En troisième lieu, les
délégations ne peuvent avoir qu’un caractère partiel. Elles ne peuvent pas
aboutir à dépouiller les autorités délégantes de la totalité de leurs
attributions.
Exemple : Un ministre a
choisi de se tenir à l’écart de la compétition présidentielle. Ce ministre
s’offre un voyage et délègue tout à son chef de cabinet. En pareil cas,
l’irrégularité tient ici dans le fait que la délégation n’est pas un simple
mécanisme correcteur, mais elle vient ruiner les règles de répartition de
compétence. L’esprit de la délégation ce n’est pas ça, donc les délégations ne
peuvent avoir qu’un caractère partiel.
·
Des effets sensiblement
différents :
Si l’on veut systématiser les
choses, on est fondé à se dire que la délégation de pouvoir va plus loin que la
délégation de signature. Dans la délégation de pouvoir, le délégataire est en
charge de compétence qu’il exerce en son nom propre et dont il assume la
responsabilité. Dans la délégation de signature, le délégataire apporte une
simple assistance matérielle au déléguant ; délégant auquel les actes
signés continuent d’être imputables. Exemple : le procès Papon -
Papon avait des responsabilités au sein de l’administration préfectorale et il
lui a été reproché d’avoir organisé des déportations d’enfants juifs. L’un des
enjeux du procès : sur quelle base juridique avait-il agit ? Il se
trouve que Papon était à l’époque secrétaire général de la préfecture de Giron,
en tant que tel, il était le collaborateur directe du préfet ; pour sa
défense, Papon disait : les décisions que l’on me reproche, je les ai
prise dans le cadre d’une délégation de signature que m’avait consenti le
préfet et donc ma responsabilité à moi n’a pas
être recherchée. Pour répondre à cela, l’accusation disait à
Papon : pas du tout, les mesures prises n’ont pas été prises dans le cadre
d’une délégation de signature mais de pouvoir et donc vous devez assumer la
responsabilité des décisions que vous avez prises, ce sont des décisions qui
vous incombent personnellement. On le voit : deux types qui emportent des
effets sensiblement différents.
Il existe une répartition
tranchée des compétences, il est souhaitable qu’il en aille ainsi, sur ce
terrain. La jurisprudence fait preuve de
la sévérité qui convient, mais il importe d’apporter un mécanisme
correcteur : délégation.
b) Acte administratif et
personne publique
La question : est-ce que les
personnes publiques sont les seules à pouvoir agir par la voie de l’acte
administratif unilatéral ? Les personnes privées peuvent aussi agir par ce
biais ?
Si on regarde du côté de la
jurisprudence, on est amené à observer : jusqu’en 1942, la jurisprudence
adopte une position très rigoureuse, elle se réfère de façon déterminée à un
critère organique, ce qui l’a conduit à poser que l’acte administratif
unilatéral ne peut être édicté que par une personne publique ; [c’est en
accord avec cette vision fortement bipolaire que nous avons évoqué dans
l’introduction générale.] Puis, vient en 1942, avec un arrêt CE,
31 juillet 1942, Monpeurt : ce qui est délicat c’est de déterminer
exactement la portée de cet arrêt, à tout le moins, c’est un arrêt qui marque
un ébranlement des certitudes traditionnelles. Cet arrêt est assez
singulier dans sa postérité, fait souvent l’objet d’interprétation
rétrospective, souvent on détermine la portée de cet arrêt au vu des
orientations jurisprudentielles postérieures. En raisonnant comme cela, on
accorde une place majeure à cet arrêt de 1942, on y voit l’illustration d’un
revirement de jurisprudence, on considère que l’arrêt Monpeurt est le premier
arrêt dans lequel le conseil d’Etat admet la possibilité pour une personne
privée d’agir par la voie de l’acte administratif unilatéral. Alors arrêt de
rupture ou bien ébranlement des certitudes jurisprudentielles ?
Fait de l’espèce : Période
du gouvernement de vichy. Ce dernier entant pratiqué un interventionnisme
économique très marqué. Mais cet interventionnisme économique est de nature
corporatiste. Cela signifie que vichy s’en remet aux professions pour
réglementer l’activité économique. Dans cette perspective là, le gouvernement
de vichy met en place des comités d’organisation économique qui sont dirigés
par des professionnels des secteurs d’activités considérées. L’un de ces
comités d’organisation économique vient à prendre une décision qui fait objet
d’un contentieux dont le Conseil d’Etat vient à connaître en 1942.
Le problème c’est que les textes
créateurs n’ont pas précisé la nature juridique des comités d’organisation
économique. C’est dans le cadre de ce mutisme que dans l’arrêt de 1942, le
Conseil d’Etat vient à reconnaître la possibilité pour un tel comité d’agir par
voie d’acte administratif unilatéral. Ce qui est significatif est bien entendu
l’argumentation du Conseil d’Etat. Ce dernier
produit une argumentation par la négative. Il affirme, en effet, que
bien que n’étant pas des établissements publics les comités d’organisation
peuvent agir par voie d’acte administratif unilatéral.
1er
interprétation : Dès lors, on peut estimer qu’en écartant la qualité
d’établissement public, le Conseil d’Etat à entendu signifier que les comités
d’organisation sont des personnes privées. à L’arrêt constitue
alors un revirement majeur de jurisprudence : une personne privée peut
agir par la voie de l’acte administratif unilatéral. L’arrêt Monpeurt est alors
un « Grand Arrêt ».
2e
interprétation : Si l’on se contente de lire simplement l’arrêt, on peut
penser qu’en écartant la qualité d’établissement public, le Conseil d’Etat a
entendu signifier qu’à ses yeux, les comités d’organisation sont des personnes
publiques d’une nature spécifique. Dès lors, l’arrêt Monpeurt apparaît sans
porté singulière.
Par conséquent, on est amené à
dire que l’arrêt Monpeurt est un arrêt qui soulève plus d’interrogation qu’il
n’apporte de véritable réponse. Il ébranle les certitudes traditionnelles en la
matière.
Par la suite, la jurisprudence va
se montrer plus explicite. Un certain nombre d’arrêt vont alors apporter des
réponses plus nettes à la question de savoir une personne privée peut agir ou
non par la voie d’un acte administratif unilatéral.
Arrêt Magnier rendu
par le Conseil d’Etat du 13 Janvier 1961 : Le Conseil d’Etat
reconnaît à une association le loisir d’agir par la voie de l’acte
administratif unilatéral. Pour le coup, c’est clair parce qu’on sait
pertinemment que les associations sont des personnes privées. Cela signifie
donc qu’une personne privée peut agir par la voie d’acte administratif
unilatéral. Mais toute personne privée peut agir par la voie d’acte
administratif unilatéral ? Non, la jurisprudence exige pour ce faire un
certains nombres de conditions :
~ Il important, tout d’abord, que
la personne privée soit en charge d’une mission de service public.
~ Il convient, par ailleurs, que
cette activité de service public ait un caractère administratif.
~ Il faut que l’acte concerné
soit l’expression de prérogatives de puissance publiques ; c'est-à-dire
des pouvoirs tel que l’obligation d’adhésion, obligation de cotisation imposée,
situation de monopole.
Les deux premières conditions
seront souvent réunies dans les secteurs sociaux, sportif etc.
Exemple : un club de foot
conteste la régularité de l’une des dispositions du championnat de ligue 1. La
nature de ce règlement est un acte administratif unilatéral. Donc le club de
foot devra se tourner vers les juridictions administratives.
De même la Fédération Française
de Football qui inflige une sanction disciplinaire à un footballeur, la
sanction sera un acte administratif unilatéral. Même si la Fédération Française
de Football a le statut d’association, cette association est en charge d’une
mission de service public. La réglementation des compétitions sportive, qui
débouche sur l’attribution d’un titre est considéré comme une activité de
service public. La sanction est une prérogative de puissance publique.
Par la suite, la jurisprudence va
venir à cultiver plus de souplesse encore. L’un des arrêts qui exprime le mieux
cet assouplissement est un arrêt du Tribunal des Conflits du 15 Janvier
1968, Epoux Barbier contre Air France. Le Tribunal des
Conflits doit prendre partie sur le statut du personnel d’Air France :
Acte unilatéral ou acte de droit privé ?
On serait tenté de dire que c’est
un acte de droit privé. Air France est une entreprise publique à l’époque, mais
c’est une entreprise qui à la forme d’une société dont le capital social
appartient très largement à l’Etat. De plus, le statut du personnel en question
est adopté par le conseil d’administration de cette société. Par ailleurs, Air
France est assurément en charge d’une activité de service public, mais cette
activité a un caractère industriel et commercial.
En dépit de cela, le Tribunal des
Conflits affirme que le statut du personnel est un acte administratif
unilatéral. Cela signifie que désormais une personne privée peut user de l’acte
administratif unilatéral alors même qu’elle est en charge d’une mission de
service public industriel et commercial. La limite inscrite dans l’arrêt
Magnier saute. Mais il y a deux conditions posées par la Tribunal des
Conflits :
~ L’acte concerné doit avoir un
caractère réglementaire ; c'est-à-dire qu’il doit s’agir d’un acte à
caractère général et impersonnel.
~ Par ailleurs, cet acte doit
concerner l’organisation du service public.
Lorsque ces conditions sont réunies, alors
peu importe que la mission confier à la personne privée soit de caractère
administrative ou de caractère industriel et commercial. C’est bien souvent
avec ce type d’arrêt que l’on est amené à interpréter l’arrêt Monpeurt.
Cela étant, il faut faire deux observations
complémentaires pour rendre compte de ces évolutions jurisprudentielles :
~ Au plan économique, ces
développements jurisprudentielles apparaissent en phase avec les évolutions de
la société, à savoir une interpénétration, sans cesse croissance, entre univers
public et univers privé. Dans ce contexte là, la jurisprudence fait écho aux
mutations de la société.
~ Il faut conserver une juste
appréciation des choses. Pour l’essentiel, dans le quotidien, les actes
administratifs unilatéraux émanent, et continuent d’émaner, de personnes
publiques. Mais ce mode d’action
n’appartient plus en exclusivité aux personnes publiques. Lorsque certaines
conditions sont réunies des personnes privées peuvent elles aussi agir par ce
biais.
B] La procédure d’édiction
des actes
Par procédure, on entend
certaines manières d’agir, certaines façons de faire, qui s’imposent à
l’occasion de l’édition des actes. Certaine de ces procédures sont relatives au
fonctionnement interne de l’administration. D’autres analyses sont autant de
garantie au bénéfice des administrés, en ceci que ces procédures qui sont
susceptibles d’emporter des conséquences sur le contenu des décisions prises.
Au regard de cela, le juge
administratif est vigilant pour assurer
le respect du second type de procédure. Il y a une opposition entre les vices
substantiels et les vices non substantiels. Par vice substantiel la
jurisprudence entend des actes qui engendrent l’irrégularité de l’acte. En
revanche, les vices non substantiels sont des errements qui n’emportent pas de
conséquence. Il y a trois grands types de vices substantiels de
procédure : Il y a vice substantiel s’agissant d’actes qui sont intervenus
au mépris des exigences consultatives. Il y a également vice substantiel
lorsque le parallélisme des procédures n’a pas été respecté, il y a aussi vice
substantiel lorsqu’aucune place n’a été accordée dans le processus de décision
à la contradiction.
a)
Le respect de la procédure
consultative
Il y a dans notre univers
administratif trois types d’avis que les autorités administratives sont
susceptibles de recueillir.
~ Il y a des avis que les
autorités administratives sont tenues de recueillir et qu’elles sont obligées
de suivre. Cette procédure là est la procédure de l’avis conforme. Telle
décision ne pourra être prise qu’avec l’avis de telle ou telle instance
consultative. En l’espèce la marge de
liberté des autorités administratives est extrêmement réduite. Soit la décision
prise est conforme à l’avis recueilli ; soit les autorités administratives
doivent s’abstenir de statuer. Au plan statistique cette procédure est très
rare dans notre univers administratif.
~ Le second cas de figure est,
quant à lui, beaucoup plus développé. Il s’agit d’avis que les autorités
administratives doivent recueillir sans pour autant être tenu de les suivre.
L’avis doit être recueilli peuvent tenir compte un peu beaucoup ou pas du tout
des avis qui auront été formulés.
Exemple : Une sanction grave
est infligée à un fonctionnaire à révocation d’un fonctionnaire. Une telle sanction ne
peut être infligé que si au préalable l’administration à recueilli l’avis sur
le projet de sanction d’une commission paritaire. Il s’agit bien d’une exigence
consultative qui s’analyse comme une garantie au bénéfice des fonctionnaires.
~ Les autorités administratives
n’ont pas l’obligation de recueillir et ne sont pas contraintes de suivre
certains avis. C’est un type de procédure plus ou moins formalisé.
b)
La règle du parallélisme des
procédures
En apparence, il semble que c’est
une question de pure technique juridique. La question est en fait de savoir si
lorsqu’une autorité entend modifier ou mettre fin à un acte, elle est ou non
tenu de suivre la même procédure que celle qui s’est imposée lors de l’édiction
de l’acte. L’enjeu attaché à cette interrogation est que toutes les exigences
de procédure pourraient être contournées si le parallélisme ne s’imposait pas.
Exemple : Un acte n’a pu
être pris que sur avis conforme du Conseil d’Etat. Demain, la tentation pour
l’autorité administrative de modifier cet acte. Si le parallélisme procédure ne
s’impose pas, alors cet acte pourra être modifié sans avoir l’obligation d‘agir
sur avis confirme du Conseil d’Etat. Donc cela ne servirait à rien d’établir
tous pleins d’exigences procédurales si l’autorité administrative pouvait
modifier l’acte quand elle le voudrait.
Sur ce terrain, la jurisprudence
établit une distinction entre acte réglementaire et acte non réglementaire.
S’agissant des actes réglementaires, le parallélisme procédural s’impose
systématiquement. Cela signifie que lorsqu’il s’agit de modifier un acte
réglementaire, il faut observer les mêmes procédures que celles qui se sont
imposées à l’occasion de l’édiction de l’acte. S’agissant des actes non
réglementaires (acte individuel ou acte collectif) la jurisprudence est plus
souple, puisqu’elle se prononce au cas par cas, en fonction de la nature des
actes considérés. Le parallélisme procédural s’impose si les mêmes enjeux qui
étaient de mise lors de l’édiction de l’acte se retrouvent à l’occasion de la
modification ou de l’extinction de l’acte.
Exemple : Une révocation est
infligée à un fonctionnaire. Cette sanction n’a pu être prise qu’après avis
d’une commission paritaire. Si l’administration veut anéantir cette sanction.
Sera-t-il nécessaire de respecter la même procédure que celle qui aura été
imposée lors de la prise de la sanction. Non, car un certains nombre de
garantie devait être apporté au fonctionnaire lors de la révocation, mais par
la suite, c’est déjà à son avantage, le fonctionnaire est content J
Pour la mise en retraite, faut-il
organiser des concours de départ à la retraite, comme c’est le cas lors des
concours de recrutement ? Bah non, ça serait trop stupide (hihi !).
Pour ce qui est des actes non
règlementaire, la jurisprudence statut donc au cas par cas. Lorsqu’il lui
apparait qu’il n’y a pas lieu d’imposer le parallélisme procédural, elle laisse
couler J
c)
Le respect de la contradiction
Est considéré comme une
irrégularité l’autorité administrative qui prend une décision sans assurer aux
intéressés la possibilité de faire valoir leurs objections à la décision
projetée. Il y a là une exigence imposée à l’administration qui n’a qu’un
caractère relatif.
Les deux textes de référence sont
un décret du 28 Novembre 1983, et la loi du 12 Avril 2000.
Cette dernière donne une consécration législative aux exigences inscrites dans
le décret de 1983. Le principe posé par ces deux textes est que les décisions
individuelles défavorables à leur destinataire ne peuvent être prises qu’après
que leur destinataire ait été mis en mesure de présenter des observations
écrites. L’administration doit préciser à l’intention des destinataires que
telle décision prendra effet d’ici 15 jours par exemple, sauf si, dans
l’intervalle, l’intéressé à présenter des observations écrites. Cela ne
signifie pas pour autant que l’administration devra obligatoirement tenir
compte de ces observations. Mais il y a une obligation pour l’administration
d’observer une démarche de nature contradictoire. C’est dire qu’avec de tels
textes, l’administré à une place dans le processus de décision administrative.
Avant même que la décision le concernant devienne définitive il peut dire
« stop la, je suis pas du tout d’accord avec ce que vous envisager, vous
oublier que… etc. Wesh, j’suis une WaiKail tu me sanctionne pas comme ça,
sinon j’vais bruler ta voiture !»
C] Les formes de l’acte
On entend par forme de l’acte les
éléments qui relève de sa présentation extérieur.
Illustration : La rédaction
de l’acte comporte en principe trois catégories de mentions. Il y a d’abord les visas, qui amènent
l’auteur de l’acte à indiquer les textes législatifs et réglementaires sur la
base desquels la décision est prise. Ensuite, viennent les considérants qui
expriment les éléments matériels en fonction desquels l’acte est pris. Et enfin
vient le dispositif de l’acte où apparaît le contenu de la décision.
Par ailleurs, il y a des actes de
caractère écrit et des actes de caractère non écrit.
Ce que l’on observe c’est que sur
le terrain des formes, la jurisprudence fait preuve d’une très grande
souplesse, qui tranche très nettement avec la sévérité qui est de mise sur le
terrain de la compétence, et avec la vigilance qui s’applique sur le terrain
des procédures. Pour ce qui est des formes, c’est la souplesse qui est
privilégiée.
Il est admis que les actes
administratifs unilatéraux puissent avoir un caractère exprès ou tacite. Les
actes exprès expriment une manifestation positive de volonté ; ils sont
très variés puisque de tels actes peuvent avoir un caractère écrit, mais aussi
un caractère oral. [Exemple : la consigne donné oralement par un supérieur
hiérarchique à un subordonné]. De la même manière, les actes peuvent parfois
résulter d’un simple geste. [Exemple : Le policier qui règle la
circulation des automobiles, s’il lève le bras ou le baisse pour que les
voitures avancent ou s’arrête].
Certains actes ont un caractère
tacite. Il n’y a aucune espèce de manifestation de volonté, il n’y a ni geste,
ni parole, ni écrit il y a du silence. Un tel silence peut être regardé comme
un véritable acte administratif unilatéral. Il en va ainsi lorsqu’une demande
est adressée à l’administration et que cette dernière conserve le silence
pendant une période de 2 mois. A l’issu de cette période de temps, le silence
de l’administration (sauf exception) sera à regarder comme une décision de
rejet. Dès lors que le silence conserver par l’administration est considéré
comme un refus, l’administré à la possibilité, s’il le souhaite, d’engager un recours juridictionnel contre
cette décision là.
En la matière, la jurisprudence
établie une distinction entre les vices substantiels et les vices non
substantiels. Sur le terrain des formes, la jurisprudence rechigne bien souvent
à annuler des actes pour de simple vice de forme. En principe, dans la
rédaction d’un acte, il doit y avoir les visas, les considérants, le dispositif.
Si les visas manquent, ce ne sera pas un vice substantiel de forme qui conduira
à l’annulation ! L’explication de cette souplesse tient dans le fait que
le juge administratif à conscience que sur le terrain des formes, s’il se
montrait trop rigoureux, il y aurait matière à de nombreuses annulations, qui
auraient souvent un caractère un peu vain.
Exemple : Acte annulé par le
Tribunal Administratif pour vice de forme, et uniquement sur ce terrain là. Au
lendemain d’une telle annulation, il est très probable que l’administration
prenne la même décision en respectant à la lettre toutes les formes imposées.
Au bout du compte, l’annulation contentieuse aura eu un simple effet de
retardement.
Section 2 : Les
éléments internes de l’acte
Ce sont les éléments qui se
rapportent au cœur même de l’acte et non plus à son enveloppe extérieure. Il y
a trois éléments internes : Le but, les motifs, et l’objet. Il y a là des
termes que nous utilisons dans notre langage quotidien de manière indifférente.
En droit administratif il n’en va pas ainsi, chacun de ces termes a un sens
spécifique.
A] Le but
C’est l’intention poursuivit par
son auteur. En ce sens, il y a là un élément qui a une dimension psychologique.
Par principe, l’auteur d’un acte administratif unilatéral doit avoir pour
intention constante de satisfaire l’intérêt général. Il convient de façon
positive que les auteurs des actes est constamment en perspective la
satisfaction de l’intérêt général Il y a
dès lors deux types d’irrégularité que l’on qualifie, l’une et l’autre, de
détournement de pouvoir. Il existe deux types de détournement de pouvoir :
Une forme absolue et une forme relative.
Détournement de pouvoir de forme
absolue : Il en va ainsi, lorsque l’auteur de l’acte a agit en vu de
satisfaire un intérêt particulier et non pas l’intérêt général. Exemple :
un maire est en même temps gérant d’un bar de la commune. En tant qu’autorité
de police, le maire prend un arrêté stipulant que tous les bars doivent fermer
à 22h sauf le sien.
Détournement de pouvoir de forme
relative : Il y a détournement de pouvoir lorsqu’une autorité agit en vu
de l’intérêt général, mais en poursuivant un but autre que celui qui lui est
assigné. Exemple : Un maire prend conscience que la voirie communale souffre
beaucoup du fait du passage d’un grand nombre de poids lourds (trous dans la
chaussée). Pour éviter de dépenser avec le budget de la commune, le maire va
prendre un arrêté interdisant la circulation des poids lourd dans sa commune,
en les obligeant à faire un détour par une route nationale. Mais une autorité
de police ne peut autoriser ses pouvoirs à une telle fin. Parmi les buts
assignés à une autorité de police, il n’y a pas « économisé des
sous » il y a donc détournement de pouvoir. L’arrêté sera donc assurément
annulé par le juge administratif en cas de contentieux. Mais les requérants
devront prouver le but qui a bel et bien été poursuivit par l’autorité de
police, et ce sera souvent difficile. à Le maire pourrait
prendre un arrêté d’interdiction mais en alléguant le bruit, les risques pour
les piétons qui veulent traverser la chaussée. Tout cela risque d’effacer les
véritables motivations du maire.
S’agissant de ce détournement de
pouvoir, la difficulté réside très souvent sur le terrain de la preuve. Le
détournement de pouvoir est facile à repérer qu’en cas d’extrême naïveté de la
part d’une autorité administrative. Il est peu fréquent que l’annulation d’un acte
administratif soit prononcée sur le fondement du détournement de pouvoir.
B] Les motifs de l’acte
Qu’entend-on par motif ? Par
motif, on entend les éléments de droit et de fait sur lesquels se fondent
l’auteur d’un acte pour prendre sa décision. A ce stade, il faut faire une
distinction : Tout acte repose sur des motifs de droit et de fait.
a)
Les motifs de droit
Ce sont les différents textes sur
lesquels s’appui l’auteur de l’acte, pour prendre sa décision. Le plus souvent
ces références textuelles sont dans le visa de l’acte. De ce point de vu, on
reconnait deux irrégularités susceptibles d’être commises :
~ L’auteur de l’acte a pu
s’appuyer sur des textes qui n’existent pas ou qui n’existent plus au moment où
l’auteur de l’acte statut. En pareille hypothèse, on dira que l’acte est vicié
par un défaut de base légal.
~ L’erreur de droit apparaît
lorsque l’auteur de l’acte s’est appuyé sur des textes qui existent mais qui on
été mal interprétés.
Exemple : un maire s’est
fondé sur telle loi en considérant qu’elle lui donnait pouvoir pour agir de
telle ou telle manière. Mais le maire a fait un contre sens en lisant le texte
en question.
b)
Les motifs de faits
Par motif de fait, on désigne les
données matérielles sur lesquelles s’est appuyé l’auteur de l’acte pour
statuer. Si on se réfère à la présentation de l’acte, on en déduit que ces
motifs de fait se feront dans les considérants de l’acte. Trois exigences
s’imposent à l’auteur d’un acte :
~ L’auteur de l’acte doit se
référer à des faits qui ont bel et bien existé, sinon l’acte sera irrégulier
sur le terrain de la matérialité des faits.
~ L’auteur de l’acte doit opérer
une bonne qualification juridique des faits. C'est-à-dire que l’auteur de
l’acte doit fonctionner en termes de catégorie juridique pour se demander si
tels ou tels faits rentrent ou non dans telles ou telles catégories.
Exemple : le fait de boxer ses collègue entre-t-il dans la catégorie
« faute disciplinaire » ?
~ Il importe que l’auteur de
l’acte apprécie correctement les faits, sinon il y aura irrégularité sur le
terrain de l’appréciation des faits.
Exemple : Mesure de
révocation prise à l’encontre de Mr Dupont. Cette sanction ne sera régulière
que si les faits sur lesquels s’est appuyé l’acte. « Considérant que Mr
Dupont est un méchant qui tape tout le monde … » la première question est
de savoir si c’est vrai ou non. La seconde question sera de savoir si dans les
faits, boxer ses collègues de travail, est constitutif d’une faute
disciplinaire. La troisième question est de savoir si la sanction correspond à
la faute commise.
Exemple 2 : Melle X a retenu
l’identification du service public comme sujet d’examen. Seulement l’un des
correcteurs s’aperçoit que c’est presque la même chose que la correction d’une
annal des années antérieures. Le correcteur estime qu’il faut lui mettre 0.
Est-ce que pareil comportement justifie
une sanction disciplinaire ?
S’agissant du contrôle
juridictionnel des motifs de fait, le juge administratif fait preuve d’audace
lorsque l’acte examiné est intervenu au titre d’une compétence liée. Au
contraire, le juge administratif fait, en règle générale, preuve d’une certaine
réserve lorsqu’il contrôle un acte édicté au titre d’une compétence
discrétionnaire.
Il y a compétence liée lorsque
l’auteur de l’acte ne dispose d’aucune marge de liberté dans la conduite à
tenir. Exemple : Le dossier de Mr Dupont est 12/20, il a donc validé son
semestre, le jury n’a rien de plus à dire, la compétence est liée ; il n’y
a aucune marge de liberté. Mr Durand a 9,999/20, le jury a le loisir de laisser
Durand avec cette moyenne, ou d’arrondir à 10 sa moyenne pour qu’il valide son
année.
Au regard de cette identification
des deux notions, en règle générale pour ce qui est des motifs de fait prudence
du juge lorsque la décision a été prise dans le cadre d’une compétence
discrétionnaire ; en revanche audace du juge lorsque la décision a été
prise dans le cadre d’une compétence liée. Si le juge fait un contrôle trop
profond d’une décision prise dans le cadre d’une compétence discrétionnaire, le
risque est que le juge substitut sa propre vision des choses à celle de
l’autorité qui a pris l’acte.
C] L’objet de l’acte
L’objet de l’acte n’est ni son
but, ni ses motifs. Par objet, on entend le contenu même de l’acte, la
substance même de la décision.
Exemple : Mesure de
révocation prise à l’encontre du fonctionnaire kro kro méchant, Mr Dupont.
L’objet de l’acte est ici la révocation elle même.
Pour illustrer l’irrégularité
susceptible d’être commise ici, on a coutume de parler de violation de la loi.
Cette irrégularité se traduit par une entorse faite à la hiérarchie des normes
juridiques. Il y a violation de la loi lorsqu’un acte administratif, au regard
de son objet, va à l’encontre d’un acte supérieur dans la hiérarchie des
normes. Si un décret va a l’encontre de la loi, il sera annulé pour cause de
violation de la loi. Mais attention, il en ira de même, violation de la loi il
y aura tout aussi bien, lorsqu'un arrêté ministériel ira à l’encontre d’un
décret du Premier Ministre. Plutôt que de parler de violation de la loi, il est
préférable de parler de violation de toutes règles de droit supérieures.
Exemple : il y a violation
de la règle de droit si le maire prend un arrêté de police obligeant les
automobiles à rouler à au moins 60 km/h puisque cet arrêté va a l’encontre
d’une disposition prise dans le code de la route.
Il y a un enjeu pratique au cœur
de cette dissection là. Lorsqu'on entend contester la régularité d’un acte, il
faut commencer par la dissection de l’acte. C’est à nous de disséquer l’acte,
car le juge ne le fera pas pour nous L (il est méchaaaant,
moi j’aime pas le juge administratif, c’est un crevard de toute façon L
). Cela étant, la dissection de l’acte n’est jamais qu’une sorte de préalable.
L’essentiel n’est pas là.
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