mercredi 5 octobre 2016

Le contrat administratif


·        Le contrat a toujours été une technique juridique courante en droit administratif. Mais l’attention a toujours été portée sur l’acte administratif car il caractérise la puissance publique. Pour autant, l’administration peut aussi préférer le contrat. Son utilisation tend même aujourd’hui à se développer. On parle aujourd’hui de la contractualisation de l’action administrative.

§  L’administration va passer des contrats pour satisfaire des besoins les plus variés : recruter des personnels, louer des immeubles de bureau pour y loger ses services, emprunter auprès des établissements bancaires, contrats d’assurances (CT), se procurer les moyens nécessaires au bon fonctionnement des services publics (fournitures), délégation de SP…
·        Cette faculté de conclure des contrats est un des attributs de la personnalité morale reconnue aux collectivités publiques. L’Etat, les EP se sont vus reconnaitre une forme de liberté contractuelle. Cette liberté contractuelle a été longtemps discutée par la doctrine aux motifs qu’elle n’était pas complètement comparable à celle des personnes privées dans la mesure où le principe d’autonomie de la volonté qui caractérise le droit privé n’est pas pleinement transposable aux personnes publiques, car une personne de droit privé a des intérêts personnels qu’elle peut définir librement alors que les personnes publiques ont pour objectif de satisfaire l’intérêt général.
§  Un certain nombre d’auteurs ont expliqué qu’il ne pouvait pas y avoir de liberté contractuelle pour les personnes publiques ou que si l’on en parlait, ce n’était pas un droit fondamental comme en droit privé.
§  Pour autant, la jurisprudence n’a pas pris en compte ces précautions. Ils ont reconnus la valeur juridique du principe de liberté contractuelle des personnes publiques. Deux décisions à retenir :

-      Le CE, dans un arrêt de 1998, société Borg-warner : la liberté contractuelle des personnes publiques est un PGD donc qui existe tant qu’aucune disposition législative ne vient s’y opposer.

-      Le CCEL a rejoint le CE, dans une décision constitutionnelle du 30 décembre 2006, sur les industries électriques et gazières où le CE estime que même pour un motif d’intérêt général, la loi ne peut pas porter une atteinte excessive à la force obligatoire des contrats passés par les personnes publiques.

·        Mais cette liberté contractuelle connait des limites, ce que l’on peut appeler les sujétions exorbitantes :

-      Les administrations ne sont pas libres de choisir leur cocontractant. Le code des marchés publics estime qu’il y a des procédures à respecter (appel d’offre, mettre en concurrence les entreprises susceptibles d’être intéressées).
èLa liberté contractuelle est donc limitée par le fait que les PPP sont garantes de l’intérêt général. 
·        L’une des difficultés est que la jurisprudence administrative a depuis le début du 20e développé un régime juridique spécifique donc distinct du régime prévu par le droit civil. Régime que l’on dénomme théorie générale des contrats administratifs. Cette théorie repose sur l’idée qu’à la différence du contrat de droit civil, le contrat administratif ne repose pas sur l’égalité juridique des parties :

§  C’est un engagement réciproque de volonté mais entre personnes juridiques inégales avec d’un côté l’administration puissance publique en charge du SP et qui à ce titre détient un certain nombre de prérogatives exorbitantes de droit commun (privilèges inconnus du droit privé) tel que le pouvoir de modifier unilatéralement un contrat… et dans la mesure où le contractant lui n’a que des droits diminués (essentiellement des droits financiers). Un régime spécifique qui fait donc la particularité de l’activité contractuelle de l’administration.

§  Le problème est que ce régime juridique spécifique ne s’applique pas à tous les contrats de l’administration et il est admis que dans un certain  nombre de cas, l’administration passera non pas des contrats administratifs mais des contrats de droit privé. C’est là la première difficulté puisqu’il faut pouvoir identifier ces contrats. C’est important pour savoir quel est le juge compétent et c’est important aussi pour savoir les règles que l’on va appliquer en cas de contentieux entre les parties.

section 1 : l’identification des contrats administratifs

Tous les contrats passés par l’administration ne sont pas des contrats administratifs. Comment savoir s’il s’agit d’un contrat administratif ou pas ?
Deux méthodes :
1) Il y a la méthode lourde : l’identification législative :
Le législateur décide que certains contrats seront quoi qu’il arrive des contrats administratifs soumis à du droit administratif en cas de contentieux. On parle de contrat administratif par détermination de la loi. Le législateur vise en effet un certain nombre de contrats ou de types de contrats qui pour lui sont de type administratif. On peut en donner plusieurs exemples :
-      Le premier cas est la loi du 28 Pluviôse an 8 qui a attribué aux juridictions administratives le contentieux des contrats relatifs à l’exécution des travaux publics (en raison des PPP reconnues à l’administration dans ce type de travaux).

-      Autre texte qui attribue également la compétence aux juridictions administratives : le décret loi du 17 juin 1938 qui procède de la même manière et qui nous dit que les contrats d’occupation du domaine public sont des contrats administratifs.


-      Mais il prévoit aussi que les contrats de vente d’immeuble de l’Etat ou quand l’Etat cède ses propriétés mais aussi les contrats d’emprunt sur les marchés financiers.
Cela dit, ces cas de qualifications légales ne concernent que des contrats précis, des hypothèses particulières et non pas une incidence statistique considérable ce qui veut dire qu’en nombre, les contrats en général ne sont pas qualifiés par le législateur.
2) La deuxième méthode est donc celle de la jurisprudence :
Il a donc fallu à la jurisprudence administrative dégager un certain nombre de critères pour dire qu’on est en face d’un contrat qui relève plutôt d’un acte de gestion publique et de ce fait que c’est un contrat plutôt administratif.
·        On a d’abord dégagé un critère organique :
Le juge vérifie qu’il y ait toujours au moins une personne publique qui est partie au contrat. Normalement il n’y a pas de contrat administratif qui serait signé seulement par des personnes privées (mais Montpeurt, 1942 : un acte pris par une personne privée peut être qualifié de contrat administratif).
·        Puis, on a dégagé un critère matériel :
Le juge va vérifier soit dans le contenu, soit dans l’objet du contrat, qu’il corresponde bien à un acte de gestion publique, c'est-à-dire faisant appel soit à des procédés de PP, soit qui touche de près à la question des SP.
Le juge a développé deux types de critères matériels :
-      le critère de la clause exorbitante
-      et la participation du cocontractant à l’exécution même du service public.
Ces critères jurisprudentiels font l’objet d’applications constantes, mais donnent lieu à des hésitations : il n’est pas rare que le TC soit appelé à trancher ce type de question, ce qui n’est pas bon signe (hésitation des juges).
La conception défendue par la jurisprudence administrative est : est contrat administratif l’acte qui soulève des problèmes de gestion publique.
·        Le problème c’est qu’il y a une dizaine d’années, le législateur est intervenu et a un peu bouleversé cette approche, notamment en posant une sorte de nouveau critère formel c’est à dire que le législateur a posé une nouvelle catégorie de contrat administratif par détermination de la loi. Mais cette catégorie est si large qu’elle bouleverse la jurisprudence, mise en place par la loi Mursef en 2001 qui est celle des marchés publics. Cette loi de 2001 nous dit que les contrats passés dans les conditions selon le code des marchés publics sont des contrats administratifs qui relèvent au contentieux des juridictions administratives. La catégorie juridique des marchés publics est extrêmement vaste et c’est le problème. Avec cette loi apparaît alors de nouveaux critères qui sont des critères formels. Mais ce sont des critères dérangeant car les marchés publics c’est pas toujours des actes de gestion publique mais par exemple des actes de gestion ordinaire.

paragraphe 1 : le critère organique


·        Pour qu’un contrat soit administratif, il faut en principe qu’au moins une des parties au contrat soit une personne publique avec une particularité qui concerne les contrats passés par les assemblées parlementaires.

§  La question s’est posée de savoir si ces contrats des assemblées parlementaires étaient des contrats administratifs ? Les assemblées parlementaires sont des organes constitutionnels et non administratifs, or le juge administratif est le juge de l’administration et pas celui des pouvoirs publics. Pendant longtemps, le CE a refusé de considérer l’activité parlementaire.
Puis, sous l’influence du droit communautaire, dans une affaire du parlement flamant, le CE a ensuite été amené à revoir sa position et il l’a fait dans un arrêt du 5 mars 1999 « Président de l’Assemblée Nationale » : quand ils passent des contrats, ils exercent une fonction de nature administrative. C’est à ce titre que le JA peut en connaître.
La mise en œuvre du critère organique amène à distinguer deux cas de figure qui font difficultés : les contrats entre personnes publiques et les contrats entre personnes privées.
A) Les contrats entre personnes publiques
Hypothèse fréquente depuis notamment les développements de la décentralisation
On  peut qualifier ces contrats de trois manières possibles :
-      Puisque ce sont deux personnes publiques, il y a une égalité juridique entre ces personnes donc on peut considérer que c’est nécessairement des contrats de droit privé, puisqu’il n’y a plus d’inégalité entre les deux parties.

-      On va considérer que dès lors qu’il y a deux personnes publiques, c’est forcément un acte de gestion publique donc c’est nécessairement un contrat administratif.


-      La présence de deux personnes publiques ne change rien et il faudra quand même aller regarder du côté du critère matériel pour voir si c’est vraiment un contrat administratif.

·        La jurisprudence administrative paraît hésiter entre l’option 2 et 3. Elle a semblé pendant un temps opter pour l’option 2 mais la mise en œuvre de celle-ci aboutit à des résultats qui ressemblent à l’option 3.

§  L’option 2 découle d’un arrêt du TC « UAP » de 1983 : un contrat entre deux personnes publiques revêt en principe un caractère administratif. Le commissaire du gouvernement Labetoulle expliquait qu’il y avait une présomption d’administrativité parce que le contrat est le point de rencontre entre deux gestions publiques.

o   Mais le TC nous dit qu’il y a des exceptions : dans le cas où eu égard à son objet, il ne fait naitre entre les parties que des rapports de droit privé. Ce terme vise des situations tout à fait exceptionnelles ou est ce que cette notion n’est que le reflet inversé du critère matériel ?
o   Pour le commissaire du gouvernement, la présomption d’administrativité était une présomption irréfragable : les contrats entre personnes publiques est un contrat administratif.

§  Le problème c’est que la jurisprudence semble s’éloigner de cette démarche présomptive. Dans un certain nombre d’affaires, on voit le CE ou le TC rechercher si le critère matériel est rempli. On peut citer un certain nombre d’arrêts en ce sens :
èarrêt du TC de 1991, « Crous de l’académie de Nancy-Metz » : un office public d’HLM met à la disposition du Crous avec un contrat l’utilisation d’un foyer de logement pour les étudiants. A priori contrat administratif puisque deux personnes publiques au contrat. Or le TC va aller rechercher l’objet du contrat et dans cette affaire oui c’est un contrat administratif parce que l’objet du contrat concerne l’exécution du service public du logement étudiant.
èL’arrêt du TC de 1999, « Commune de Bourisp » : deux communes de montagne qui se cèdent une partie de leur domaine skiable en vue d’installer sur la partie cédée un service de remontée mécanique. La commune qui cède le terrain prévoit que ses habitants auront un droit d’utilisation sur les remontées mécaniques. Dans cette affaire le TC nous ressort le considérant de principe de l’arrêt UAP mais il n’y a pas de rapport de droit privé car dans le contrat il y a une clause exorbitante de droit commun. Donc c’est un contrat administratif.
Les hypothèses où la jurisprudence UAP à tenu pour acquis le fait que deux personnes publiques=CA sont exceptionnelles.

B) Les contrats entre personnes de droit privé
·        Un contrat conclu entre personnes privées ne peut être qu’un contrat de droit privé. Mais derrière les personnes morales de droit privé se cache parfois des structures qui gèrent des activités d’intérêt général, qui participent à des missions de service public.

§  La question qui se pose ici est de savoir s’il faut écarter les apparences juridiques pour s’en tenir à la réalité sociologique de l’administration publique. Pour aller dans ce sens, il y a deux arguments :

-      1ère argument du droit communautaire : il assimile aux administrations publiques ce qu’il appelle les organismes de droit public. Pour le droit communautaire, les organismes de droit public sont les EP mais aussi les organismes de droit privé en charge d’une mission d’IG. Par exemple pour le droit communautaire les sociétés anonymes qui gèrent des logements sont des organismes de droit public.

-      2ème argument de la jurisprudence Monpeurt : un A passé par un organisme de droit privé en charge d’une mission de SP peut être un AA.
La jurisprudence administrative s’est toujours refusée à ce type d’analyse. Elle considère que même lorsque l’une des parties privée au contrat est chargée d’une mission de SP, le contrat n’est pas un CA.

Deux arrêts :
-      TC du 3 mars 1969, « société Interlait» : à propos d’un contrat passé par une institution publique chargée d’intervenir sur le secteur du lait, notamment pour garantir les cours du lait. Cette institution publique avait un statut de société commerciale et en litige avec une entreprise le TC a estimé que le contrat ne pouvait être qu’un contrat de droit privé.

-      Arrêt du 26 mars 1990, « AFPA » : Association pour gérer le service de la formation professionnelle des adultes. Le contrat en question comportait des clauses exorbitantes. Pour autant, le TC a jugé que c’était une personne morale de droit privé donc cela ne pouvait pas être un CA.


-      Arrêt de 1972, TC, SNCF/Entreprise Solon et Barrault : en l’espèce, le contrat en cause a été conclu par la SNCF qui avait le statut de société commerciale en vue de la réalisation de travaux publics (normalement application de la loi du 28 Pluviôse an VIII). Le TC dit que c’est un contrat de droit privé puisque c’est une société commerciale. Or, plus tard, la SNCF a été transformé en EP et depuis, les même contrats de réalisation de travaux publics sont qualifiés par le juge de contrats administratifs.

·        Cela dit, le principe défendu par la jurisprudence administrative repose sur de solides arguments :
èLe premier argument est de dire que si le législateur a souhaité conféré à ses organismes un statut de droit privé c’est pour leur permettre d’utiliser des procédés de gestion plus souple. Dire après coup que les contrats qui passent sont des contrats administratifs irait à l’encontre de l’intention du législateur. Or le juge doit normalement appliquer la loi et se conformer à l’intention du législateur
èEt généralement, l’utilisation de PPP est liée au fait que la personne publique est en vérité la puissance publique.
·        Pas de transposition de la jurisprudence Monpeurt en matière contractuelle. Pour autant, le principe selon lequel un contrat conclu entre deux personnes privées ne peut jamais être un CA connait des exceptions. Il y a des contrats entre personnes privées qui vont être qualifiés de CA. Le problème c’est que la doctrine n’est pas d’accord sur le nombre d’exceptions :

-      La théorie du mandat :
Le mandat est un contrat par lequel une personne publique va demander à une personne privée de passer un contrat en son nom. Le mandataire va donc représenter juridiquement la personne publique et va donc agir au nom et pour le compte de la personne publique.
Dans cette hypothèse, on est donc en face d’un faux contrat de personne privée. Le contrat produit des effets à l’encontre de la collectivité publique qui a consenti le mandat et c’est la responsabilité de la collectivité publique qui pourra être engagée.
Le mandat est normalement prévu par les textes. Le code de l’urbanisme prévoit que l’Etat ou les CL peuvent confier à des sociétés d’aménagement le soin de procéder pour leur compte à des acquisitions de terrain ou à des acquisitions de travaux.
-      Jurisprudence entreprise « Peyrot » :

·        Dans cette affaire, le TC a jugé que les marchés de travaux publics conclus par des sociétés d’autoroute qui sont des sociétés de droit privé et qui sont normalement concessionnaires devaient être considérés comme conclus pour le compte de l’Etat et à ce titre être qualifiés de contrat administratif.

§  Le TC a estimé que la construction des autoroutes est une mission qui appartient par nature à l’Etat et on ne peut pas considérer que l’Etat ne soit pas le pilote de ce genre d’opération. Le TC a observé qu’en pratique, les sociétés d’autoroute agissent en lieu et place des services de l’Etat, lesquels continuent d’être présents soit parce que c’est l’Etat qui finance l’opération, soit parce que l’Etat dirige sur le terrain les travaux.
Le TC nous dit que ces contrats doivent relever du régime des contrats administratifs pour permettre aux sociétés d’autoroute de bénéficier des mêmes privilèges que ceux accordés aux personnes publiques.
§  La jurisprudence entreprise « Peyrot » ne s’applique pas uniquement aux travaux autoroutiers, elle a été étendue à d’autres types d’opération et en particulier aux travaux routiers ou à des travaux sur des ouvrages d’art. C’est ce que révèle un arrêt du TC du 12 novembre 1984 « Société d’économie mixte du tunnel routier de sainte marie aux mines ».

§  Mais cette jurisprudence paraît concerner d’autres contrats, en particulier les contrats conclus par les sociétés d’aménagement urbain avec les entreprises privées : deux arrêts : CE, 1975 «  Société d’aménagement de la région Montpelliéraine », confirmé par le TC, 1975, « Commune d’Agde ».


§  Une autre extension avec les contrats conclus par le crédit de France en vue de faciliter la réinstallation de français qui étaient expatriés (1976, Dame Cula).

§  Dernier exemple : « Société Wanner, isophie, isolation », 1993, TC, à propos de contrats pour la construction d’une centrale nucléaire.


v Faut-il voir dans ces derniers arrêts une application de l’entreprise Peyrot ou autre chose ? Un troisième type d’exception ?

·        Une partie des auteurs estiment que ces trois arrêts doivent être rattachés à la théorie du mandat mais du mandat tacite, c'est-à-dire que les sociétés en cause ne seraient pas titulaires formellement d’un contrat de mandat mais le mandat serait tacite dans la mesure où on le déduirait des textes qui organisent la mission de ces personnes morales de droit privé.

·        Le juge aurait identifié ce type de situations au regard de plusieurs indices :


-      Il s’agit toujours de contrats portant sur la réalisation de travaux publics

-      Le cahier des charges en vu de la réalisation de ces travaux est fixé, déterminé par les services de l’Etat eux-mêmes.


-      Les travaux sont financés par les collectivités publiques, alors même que ces collectivités publiques ne sont pas parties au contrat

-      Une fois achevée l’équipement est remis en pleine propriété à la collectivité publique


·        Les règles du mandat s’appliquent aux mandats tacites mais ne s’appliquent pas à la jurisprudence entreprise Peyrot. Cela veut dire qu’en cas de mandat tacite, la collectivité publique est réputée être partie au contrat alors que dans le cadre de la jurisprudence entreprise Peyrot, la collectivité publique n’est pas réputée être partie au contrat :
Ex : CE, 27 janvier 1984, « Ville d’Avignon » : Travaux pour l’aménagement d’une place, les travaux accomplis par une entreprise privée ont été pour le compte de la ville d’Avignon. Contrat effectué, mais on s’aperçoit qu’il y a un certain nombre de malfaçons et la ville d’Avignon décide de se retourner contre le constructeur et d’engager sa responsabilité contractuelle. Le CE dit que la ville d’Avignon ne peut pas se retourner contre le constructeur car elle n’était pas partie au contrat, elle n’était pas liée par un mandat.

paragraphe 2 : le critere matériel


·        Il ne suffit pas qu’une personne publique soit partie au contrat pour que le contrat soit qualifié de contrat administratif. Au critère organique la jurisprudence a ajouté un critère matériel qui consiste à démontrer que le contrat en question est bien un acte de gestion publique, que son exécution soulève des questions qui ne sont pas susceptibles d’être réglées par le juge judiciaire.

§  Il en va ainsi chaque fois que le contrat contient des clauses exorbitantes, ce qui témoigne de la volonté des parties de se sortir du droit commun, d’insérer leurs relations dans un rapport de droit public.

§  Et même s’il n’y a pas de clauses exorbitantes, le juge peut être amené à vérifier que par son objet, par les missions que l’on confie au cocontractant, cela ne peut pas être un acte de gestion privé, en particulier parce que le contrat va faire participer le cocontractant à l’exécution même d’une mission de service public.


o   Cette idée que le juge recherche ce qui témoigne de la gestion publique dans le contrat a été mise en évidence par le commissaire du gouvernement Marceau Long dans ses conclusions sur l’affaire Epoux Bertin du 20 avril 1956. Dans ses conclusions, le commissaire du gouvernement explique que soit le contrat contient des clauses exorbitantes et donc la qualification de contrat administratif s’impose, soit le contrat n’en contient pas et il faut s’intéresser alors à l’objet du contrat.
Ce sont des critères alternatifs mais dans la plupart des cas ce sont des critères qui seront remplis cumulativement.
A) Le critère de la clause exorbitante
·        Ce critère a été défini dans un arrêt de 1912, Société des granits porphyroïdes des Vosges. La clause exorbitante est une clause que l’on ne retrouve pas dans les relations de droit privé soit parce que ce serait incongru soit parce que c’est une clause inégalitaire qui accorde à l’administration des privilèges, des pouvoirs particuliers.

§  L’existence de la clause exorbitante dans le contrat manifeste que les parties ont souhaité d’un commun accord se placer sur le terrain du droit public et donc se soustraire à l’application du droit commun des contrats.

v Qu’est ce qui se passe quand la clause exorbitante est nulle ?
En tout état de cause, c’est au juge administratif et non au juge judiciaire, d’apprécier le caractère nul ou irrégulier de ce type de clause.
Si le juge administratif décide que la clause n’est pas valide, dans bien des cas, si elle touche de trop près à l’objet du contrat, cela entraînera la nullité du contrat lui-même.
1) Les clauses exorbitantes : clauses inhabituelles ou inégalitaires
Il y a plusieurs types de clauses exorbitantes et on peut essayer de distinguer 3 cas de figure :
-      Les clauses qui n’ont pas leur place dans des contrats entre personnes privées parce qu’elles font référence à la situation particulière de l’administration publique. C’est ce que l’on appelle les clauses inusuelles ou inhabituelles.

ð Par exemple la clause qui prévoit que les créances liées à l’exécution du contrat seront recouvrées par le procédé de l’Etat exécutoire c'est-à-dire un dispositif financier du droit public qui veut que quand l’administration a une créance sur une personne privée, elle n’a pas besoin de le poursuivre en justice, il lui suffit de lui adresser un commandement de payer. TC, 1950, Pelaboeuf.

ð De la même manière, la clause qui consent au cocontractant de l’administration des exonérations fiscales. TC, 1962, Cazautets.

ð La clause qui prévoit que le cocontractant de l’administration pourra être amené à participer au financement de certaines charges de police.

ð TC, 1999, Commune de Bourisp : les habitants de la commune qui vend le terrain pourront avoir des tarifs préférentiels. Le TC y a vu une clause exorbitante aux motifs que c’était une clause qui emportait des effets sur des tiers.

-      Les clauses de nature inégalitaire :

·        Celles qui reconnaissent à l’administration cocontractante un certain nombre de prérogatives. En général, on cite l’arrêt de 1965 « Société du vélodrome du Parc des Princes » avec une série de clauses qui soumettent l’activité du cocontractant au contrôle varié de l’administration :

o   D’abord, obligation pour le cocontractant de communiquer les résultats financiers et les documents comptable à l’administration contractante.

o   Ensuite, possibilité pour l’administration contractante de contrôler le personnel employé avec possibilité d’exiger le renvoi.


o   Et contrôle enfin des tarifs pratiqués.

Ø  Le CE a jugé que l’on était dans une situation inégalitaire.

-      Les clauses qui font peser des obligations particulières sur le cocontractant.

ð Par exemple, pour l’exploitant d’un restaurant d’ouvrir selon un horaire fixé par l’administration durant la période des sports d’hiver ; Obligation pour le gérant de la salle d’assurer une certaine fréquence des représentations ; obligation d’organiser certains types de spectacles ; obligation de laisser la salle à la disposition de la commune pour l’organisation de diverses manifestations.

-      Toutes les clauses qui octroient à l’administration le pouvoir de suspendre l’exécution du contrat, le pouvoir de le résilier voir de le modifier unilatéralement, témoigne de ce que les parties ont souhaité se placer dans un rapport de droit public.

-      Les clauses de renvoi à un cahier des charges arrêté par l’administration :
Ces cahiers des charges sont des actes types et n’ont pas en tant que tels de valeur juridique ; ils n’ont de valeur juridique que si un contrat s’y réfère et donc les incorpore. A ce moment là, le cahier des charges a la valeur d’une clause contractuelle.

ð La question qui s’est posée au juge est de savoir si dès lors qu’il y a une clause de renvoi on doit considérer que c’est une clause exorbitante ou au contraire faut-il aller regarder dans le cahier des charges comprend lui-même des clauses de nature exorbitante ?
Le juge a hésité.
o   Dans les années 60, le CE a jugé que la clause de renvoi valait clause exorbitante. C’est notamment l’arrêt 1967, Roudier de Brille.

o   En 1999, le TC est revenu sur cette disposition dans un arrêt UGAP et a jugé que la clause de renvoi n’est une clause exorbitante que si le cahier des charges comprend lui-même des clauses exorbitantes.


Ø  Dans la pratique, la plupart contiennent des clauses exorbitantes donc ce n’est pas grave mais elles n’en contiennent pas toutes.
2) L’élargissement du critère de la clause exorbitante : le régime exorbitant
·        Ce critère a été dégagé par le CE dans un arrêt de 1973 « Société d’exploitation électrique de la rivière du Sant ». Le CE juge qu’un contrat est administratif dès lors que les relations entre l’administration et son cocontractant sont organisées par des textes mais textes qui ont pour effet de les soumettre à un régime exorbitant de droit commun.

ð Ici était en cause un contrat conclu entre EDF et des petits producteurs d’électricité. Les petits producteurs d’électricité se voyaient dans l’obligation de revendre leur électricité à EDF. En outre, le même texte prévoyait qu’en cas de conflit entre EDF et ces petits producteurs, il fallait adresser un recours au ministre de l’industrie. De ces textes législatifs, le CE a jugé que le contrat était un contrat qui baignait dans le droit public. Le JA déduit que le contrat ne peut être qu’un contrat administratif.
§  Cette jurisprudence à trouver à s’appliquer une fois dans un arrêt de 1978 « Société Boulangerie du Kourou ». Il s’agissait de contrats passés avec le centre national d’études spatiales. Le juge a dit que cela ne pouvait être que des contrats administratifs.

§  Or il y a deux affaires où au contraire, le juge a estimé que les conditions n’étaient pas réunies :


o   Un arrêt de 1993, « société centrale sidérurgique de Richemont », une administration d’Etat, le service de la navigation fluviale avait assuré dans le cadre d’un marché de travaux la conception et la direction des travaux de construction d’un ouvrage d’art qui permettait à des gazoducs de franchir la Moselle. A la suite d’un accident de navigation, le service de la navigation a été appelé en garantie. Le problème c’est que le règlement supposait de déterminer au préalable la nature juridique du contrat. L’affaire est portée devant le TC. Le préfet explique qu’on a affaire à un contrat administratif parce que les conditions d’application de la jurisprudence Rivière du Sant sont réunies aux motifs qu’il s’agit d’une opération de travaux publics et que c’est une opération qui n’a été possible que parce que l’administration d’Etat a autorisé l’occupation du domaine public. Le TC a rejeté cette argumentation en expliquant que la société en question n’avait pas l’obligation légale de recourir aux services de l’Etat et que l’arrêté d’occupation du domaine public ne prévoyait pas cette obligation et deuxièmement il n’y a pas non plus d’obligation en cas de litige de le porter devant la juridiction administrative. Le TC s’en tient exactement à la configuration de l’arrêt de 1973 (Rivière du Sant), il ne cherche pas à aller plus loin.

o   Ensuite, arrêt de 1999, « Commune de Sauve » à propos de savoir si le Code des marchés publics constitue un régime exorbitant de telle sorte que tous les contrats passés dans le cadre du code des marchés publics seraient des contrats administratifs. Réponse du TC : non.
B) Le critère du service public
·        Au début du 20ème siècle, la jurisprudence a considéré que tout contrat conclu pour l’exécution ou pour les besoins d’un service public, était un CA.

§  Ce courant d’opinion a trouvé à s’affirmer dans un arrêt  Therond en 1910 : tous les contrats passés pour les besoins du SP sont des CA. Cette solution avait l’avantage de la simplicité et elle pouvait s’appuyer sur tout un courant doctrinal qui était celui de l’école du service public.
Mais le problème c’est que cette jurisprudence aboutissait à une conception extensive du CA car d’une certaine manière tous les contrats de l’administration poursuivent un but qui est la satisfaction du SP.

§  C’est sur ce caractère que la jurisprudence va revenir très rapidement et c’est en rupture avec cet arrêt Thérond que le CE en 1912 dans l’arrêt Société des granits porphyroïdes des Vosges nous dit que le critère du SP est marginal. Le juge ne va plus y faire référence.

§  Ce critère ne va revenir qu’à partir de la fin des années 50 dans deux arrêts : 20 avril 1956, Epoux Bertin et 1956, Ministre de l’Agriculture c/consorts Grimouard. Ces deux arrêts réactivent le critère du SP mais sur une base plus réaliste puisque le critère du SP vise non pas les contrats concluent pour les besoins du service mais les contrats qui ont pour objet l’exécution même du service.

Ø  Or cette distinction n’est pas toujours aisée à faire car en vérité tout va dépendre du contenu exact de la mission du SP. Quand une administration, un hôpital, une maison d’arrêt chargent une société privée par contrat de fournir des téléviseurs aux usagers du service public que sont les malades, les détenus, on est en face d’un contrat portant sur l’objet même du service public ou simplement conclu pour les besoins du SP ?

§  La jurisprudence hésite ou en tous cas distingue selon le contenu ou l’objet du service lui- même. Pour les hôpitaux, fournir des téléviseurs aux malades, il a jugé en 1994, dans un arrêt « Codiam » que c’était un CA parce qu’il faisait participer le cocontractant à l’exécution même du service.

§  Par contre, dans les prisons, le TC dans un arrêt « Bergas » de 1998, a considéré que le même type de contrat était un contrat de droit privé.


v Cela dit, la jurisprudence Bertin conduit à illustrer, à mettre en avant 3 types d’hypothèses :

-      Les contrats qui portent sur l’organisation du service public.

ð Par exemple les contrats concluent entre deux personnes publiques et qui visent à assurer ou à coordonner leur mission. Ex : contrat conclu entre deux EP entre EDF et la compagnie nationale du Rhône. Le TC en 1995 dans l’affaire Préfet d’Ile de France a jugé que c’était un CA.

-      Les contrats par lesquels l’administration confie à un tiers l’exploitation d’un SP : ce que l’on appelle les contrats de délégation de service public.

ð C’est notamment le cas de l’affaire Bertin de 1956. L’administration avait demandé aux époux Bertin de s’occuper de réfugiés Soviétiques. La question qui se posait était de savoir quelle était la nature du contrat. Le CE va juger en l’espèce que l’administration avait confié aux époux Bertin une mission relevant du SP du rapatriement et que dès lors cela ne pouvait être qu’un CA.
L’une des questions est de savoir si l’activité est une activité de SP ? il y a parfois matière à hésiter. Par exemple pour le lâcher de taureau, l’administration a jugé que c’était un SP.

-      Les contrats par lesquels l’administration recrute des agents pour le fonctionnement des SP.

ð Pendant longtemps, la jurisprudence a été exagérément subtile. Elle distinguait entre les agents qui faisaient directement participer ceux-ci au SP et ceux qui n’y participaient pas directement. Par exemple, au CROUS, le cuisinier participait directement à l’exécution SP ; or la femme de ménage participait seulement au besoin du SP.
 La jurisprudence est revenue sur cette distinction dans une affaire célèbre qui est l’affaire Berkani à propos d’une personne chargée du nettoyage dans un Crous, 25 mars 1996, où le juge a estimé que dès lors qu’un agent était recruté dans le cadre d’une mission de SPA, ce sont des agents publics donc le contrat est un CA.

paragraphe 3 : un critere formel


·        Ce critère formel résulte de la loi MURSEF de 2001 qui pose pour règle que les contrats passés par les personnes publiques et qui sont soumis au code des marchés publics sont des contrats administratifs par détermination de la loi c'est-à-dire que leur contentieux relève des juridictions administratives.

§  Ce nouveau critère s’inscrit dans une logique de simplification du droit. Le problème c’est que le législateur met en correspondance deux notions juridiques qui n’ont pas la même fonction :
-      D’un côté, la notion de marché public qui a pour vocation à obliger l’administration quand elle passe un certain type de contrats à titre onéreux par lesquels elle commande des prestations à des opérateurs privés des obligations de transparence, de publicité et de mise en concurrence des candidats susceptibles d’être intéressés par cette commande publique. Le but est d’assurer l’égalité de traitement entre opérateurs économiques.

-      La notion de CA a une autre fonction : quand l’administration passe un acte qui relève plutôt de la gestion publique, le contrat doit relever du juge administratif.

v Que change la loi ?

·        Au plan statistique, cela va faire tomber l’immense majorité des contrats de l’administration dans le champ du droit public.

·        Dans la substance même du droit, la jurisprudence granit porphyroïdes des Vosges, la jurisprudence Bertin, avaient l’idée que les CA sont des actes qui révèlent de la gestion publique qui n’est pas appréhendable par le juge judiciaire. Or ici les marchés publics sont des actes de gestion courante donc fondamentalement c’est la conception même du contrat administratif qui est bouleversé.


v De ce critère formel, la notion de CA change mais c’est un faux critère formel car en vérité, le code des marchés publics repose sur un critère organique (contrat passé par une personne publique) et matériel. Est un marché public tout contrat par lequel l’administration se procure une prestation moyennant un prix. On est presque revenu à la jurisprudence Thérond (tous les contrats passés pour le besoin du SP est un CA). Donc on revient à une conception large du CA.

-      Il y a aussi une rupture avec la logique de la jurisprudence Société des granits porphyroïdes des Vosges car le caractère administratif du contrat tient à la volonté des parties (c’est les parties qui acceptent d’insérer une clause exorbitante et de se placer sous un régime de droit public) alors qu’ici elles tombent contre leur volonté sous la notion de contrat administratif.

-      On pourrait dire que s’il en est ainsi c’est parce que le législateur ne fait qu’appliquer la jurisprudence Rivière du Sant. Sauf que le TC en 1999, a précisément rejeté cet argument èTC, 1999, Commune de Sauve, rejette l’argument selon lequel des lors que le contrat est soumis au code des marchés publics, il était administratif car soumis à un régime exorbitant du droit commun. Le TC a dit qu’il n’y a pas régime exorbitant du droit commun notamment parce que le code des marchés publics n’a pas d’incidence sur l’exécution du contrat. La loi prend aussi à contre pied ce critère du régime exorbitant. La loi est venue casser la jurisprudence Commune de Sauve.


Ø  Aujourd’hui, le CA englobe aussi des actes de gestion courante.

section 2 : l’execution des contrats administratifs


·        Les points les plus spécifiques du régime administratif relève du volet « exécution ».
On y retrouve très largement les constructions du droit civil c'est-à-dire que le consentement de l’administration peut se trouver vicié de la même manière qu’en droit civil. Le JA est susceptible de reconnaitre la nullité de contrat dont le consentement serait vicié. A une différence prés : en pratique, le contentieux de la nullité du contrat est exceptionnel car il est difficile d’extorquer le consentement de l’administration par la violence, par dol (agents administratifs informés, compétents). Ce qu’on retrouve surtout en matière d’attribution, ce sont les règles des compétences.

·        S’agissant de l’attribution des CA, elle n’obéit pas à des règles générales à la différence de l’exécution des CA pour laquelle la doctrine a mis en évidence l’existence d’une théorie générale du CA. On est aujourd’hui sur l’idée de l’application de législations spéciales en fonction du type de contrat passé avec notamment une distinction fondamentale qui est la distinction entre les marchés publics et les délégations de service public.

·        La doctrine de droit public à la suite de Gaston Jèze et dans le prolongement de l’école du SP a expliqué que les règles applicables au CA n’avaient rien à voir avec les règles applicables aux contrats de droit civil parce qu’elles étaient essentiellement justifiées parce que le contrat était conclu pour les besoins du service public et que du coup il pesait des obligations particulières sur le cocontractant de l’administration. Le droit applicable au CA relevait plus du droit des SP que du droit des contrats au sens strict.
§  Il y a un courant de la doctrine qui a cherché à survaloriser l’autonomie juridique des contrats administratifs par rapport aux contrats de droit civil en mettant en avant les prérogatives que détient l’administration contractante et qui repose sur un triptyque : pouvoir de contrôle et de sanction du cocontractant, pouvoir de modification unilatérale du contrat, pouvoir de résiliation unilatérale du contrat. Prérogatives qui font un contrat à armes inégales, ce qui a amené certains auteurs à douter de la nature contractuelle du contrat administratif au nom de l’idée qu’un contrat est dominé par le principe d’égalité entre les parties.

·        Hauriou écrivait à propos du CA : « cet acte de réquisition librement consenti ». Expression même d’un pouvoir de contrainte pour les besoins du service auquel on adhère librement.


v Si l’administration a des prérogatives, le cocontractant a des droits qui contrebalancent largement celles-ci (essentiellement des droits financiers). Ce qui fait que l’administration hésitera longuement avant de mettre en œuvre ses prérogatives

v En dépit de ces prérogatives que l’administration ne peut utiliser qu’à certaines conditions, le contrat administratif reste un engagement synallagmatique c'est-à-dire que l’administration est tenue au respect des obligations contractuelles et elle engage sa responsabilité contractuelle si elle viole le contrat. Il existe en DA, le principe de la force obligatoire du contrat.
Quelles sont les prérogatives reconnues à l’administration contractante et quels sont les droits que la jurisprudence reconnaît à son cocontractant ?

paragraphe 1 : les prerogatives de l’administration contractante


·        Un contrat administratif est toujours conclu pour les besoins du SP. Le DA s’efforce de garantir que ce contrat sera correctement exécuté par l’autre partie donc que l’administration puisse s’assurer de la bonne exécution du contrat.

·        A ce titre, elle reconnaît à l’administration un certain nombre de pouvoirs qui lui permettront de vérifier que le cocontractant exécute normalement le contrat. De manière plus originale, on va également reconnaître à l’administration le pouvoir de modifier unilatéralement le contrat, ainsi que le pouvoir de résilier unilatéralement le contrat.
A) Les privilèges de l’administration en vue d’assurer l’exécution du contrat
Ces privilèges sont au nombre de trois :
1) Le pouvoir de contrôle et de direction
·        D’abord, l’administration a un pouvoir de contrôle de l’activité de son cocontractant et même parfois de direction de l’activité de son cocontractant. Ce pouvoir est généralement prévu soit par les clauses du contrat, soit par un texte extérieur au contrat.

ð Par exemple, dans le droit des travaux publics, l’administration a un pouvoir de direction du chantier qui est organisé par le cahier des clauses administratives générales = modèle de document élaboré par l’administration auquel l’administration quand elle contracte a la possibilité de se référer. Si le contrat s’y réfère, les clauses du CCAG ont valeur contractuelle.

ð De la même manière, dans le droit des délégations du SP, il y a un certain nombre de dispositions qui placent l’activité du cocontractant sous le contrôle de l’administration. Exemple : le code général des collectivités territoriales, l’article L1411-3 prévoit que chaque année le délégataire doit rendre un rapport à l’autorité délégante qui comporte la totalité des opérations liées à l’exécution du SP et une analyse de la qualité du service rendu.


v La question qui se pose est de savoir si même sans texte, ce pouvoir de contrôle et de direction existe ? La doctrine incite plutôt à avoir une réponse positive autour de 2 éléments :

-      l’un tiré du droit des SP et qui dit que l’administration qui est en charge de l’intérêt général ne peut pas se désintéresser de l’exécution du SP même si elle l’a délégué

-      L’autre tiré du droit des travaux publics qui considère que l’administration peut à tout moment par un ordre de service prescrire à son cocontractant de refaire des travaux mal faits, de faire des travaux supplémentaires ou de les modifier.


·        Le problème c’est que la jurisprudence n’a pas pu confirmer ce point de vue. Les arrêts que nous pouvons citer sont des arrêts périphériques qui ne répondent pas directement à la question :
-      Arrêt, 1948, Société de l’électricité et des eaux de Madagascar. Dans cette affaire, le juge a précisé que l’administration pouvait voir sa responsabilité engagée en cas de non mise en œuvre de son pouvoir de contrôle à l’égard d’un concessionnaire du SP.

-      Arrêt, CE, 1930, Chemin de fer de Paris-Lyon-Marseille. Le CE précise que le pouvoir de contrôle et de direction est d’interprétation stricte et en l’espèce le CE juge que sur la base de clause du contrat prévoyant ce pouvoir de direction et de contrôle, l’administration ne peut pas s’attribuer un pouvoir de gestion du SP.


Ø  En pratique, la question n’a que peu d’intérêt, car la plupart des contrats spécifie expressément l’existence de ce pouvoir de direction et de contrôle.
2) Le pouvoir de sanction
·        L’administration a le pouvoir d’infliger des sanctions à son cocontractant quand celui-ci méconnait ses obligations contractuelles ou quand il ne suit pas les instructions reçues.
Les sanctions sont généralement prévues par le contrat lui-même ou par un CCAG (cahier des clauses administratives générales) et on parle alors de clause pénale. Les sanctions sont de deux ordres :

-      Les sanctions pécuniaires qui se traduisent par des pénalités financières
Elles sont généralement fixées par le contrat ou par le CCAG auquel le contrat renvoie. L’exemple type est la sanction pour retard d’exécution.
v La question qui se pose est de savoir si l’administration peut infliger des amendes non contractuelles c'est-à-dire non prévues au contrat en particulier quand les sanctions prévues par le contrat sont non sévères et qu’elles aboutiraient à un traitement disproportionné à l’égard du cocontractant. La question est notamment de savoir si l’administration peut pour des manquements moins graves que ceux envisagés par le contrat, improviser et adapter les sanctions ?

§  La réponse a d’abord été donnée par un arrêt de 1907 qui est l’arrêt Deplanque, qui a autorisé l’administration contractante à saisir le juge pour lui demander d’infliger au cocontractant des sanctions adaptées mais non prévues au contrat.
Cette jurisprudence Deplanque a aujourd’hui une portée relative d’abord parce que cet arrêt reposait sur un raisonnement ambigu dans la mesure où l’arrêt est rendu sur les conclusions du commissaire du gouvernement Romieu et celui-ci n’est pas très clair, il semble confondre deux institutions juridiques très différentes : d’un côté l’action en DI (suppose un préjudice et l’indemnisation ne pourra que couvrir le préjudice) et de l’autre le pouvoir de sanction (ne suppose pas de préjudice).

§  Le CE a précisé sa jurisprudence par un arrêt du 6 mai 1985, Office public d’HLM d’Avignon où il reconnait que l’administration contractante a d’elle-même le pouvoir d’infliger des sanctions non prévues par le contrat quand il s’agit toujours de trouver des sanctions minorées pour tenir compte de la gravité moindre du cocontractant. Le CE nous dit dans cette affaire que ce pouvoir de sanction relève des pouvoirs de coercition inhérent à tout contrat passé pour l’exécution d’un SP.

§  Une des questions qui se pose au juge en la matière est de savoir si le juge peut moduler et revoir à la baisse les sanctions prévues par le contrat quand leur application aboutit à un traitement disproportionné, notamment quand leur application conduit à sanctionner beaucoup trop lourdement le cocontractant. Pendant longtemps, le juge a refusé de moduler et de contrôler l’application des clauses pénales. L’administration est revenue sur cette position en 2006 dans un arrêt SARL Serbois : il revient au juge de moduler l’application des clauses pénales.


-      Les sanctions coercitives qui vont se traduire par autre chose que des amendes

·        Les sanctions coercitives sont là pour pallier la carence du cocontractant. On est dans l’hypothèse où le cocontractant est défaillant, il n’exécute pas le contrat. Dans cette hypothèse, l’administration a la possibilité de confier l’exécution du contrat a une autre entreprise et de faire exécuter le contrat aux risques et périls du premier cocontractant.
S’il y a un surcoût par rapport au coût prévu par le contrat, ce surcoût sera exigé du premier cocontractant.

§  Ce pouvoir de coercition est généralement organisé par le contrat lui-même et leur appellation terminologique varie selon le type de contrat.
ð Dans les marchés de travaux, on parle de la mise en régie. Dans les marchés de fournitures, on parle de l’exécution par défaut. Dans le droit des délégations de SP, on parle de la mise sous séquestre.
§  Le cocontractant n’est pas dépourvu de droits et peut notamment faire valoir en cas de dépassement du coût que la nouvelle entreprise a commis un certain nombre de fautes ou négligence.

§  La jurisprudence a jugé d’autre part que l’exercice du pouvoir de sanction ne fait pas obstacle a la possibilité reconnue à l’administration de se pourvoir devant le juge pour réclamer une indemnisation des préjudices subies. Il y a une sorte de droit d’option. C’est ce que rappelle le CE, dans un arrêt de 1983, Société Pro-pétrole

3) L’interdiction faite au cocontractant d’opposer à l’administration une exception d’inexécution
·        Le cocontractant est toujours tenu de poursuivre l’exécution du contrat jusqu’à son terme même si l’administration n’exécute pas ses obligations et en particulier ses obligations financières. La logique est la continuité du SP. Cette règle est sévère parce que la réciproque n’est pas vraie.

·        Les fautes du cocontractant autorisent à l’administration a ne pas exécuter le contrat. Dans ce cas de figure, le cocontractant peut saisir le juge pour obtenir soit une indemnisation soit pour obtenir la résolution du contrat, en particulier si la gravité de sa situation le justifie.
B) Le pouvoir de modification unilatérale
·        L’administration peut elle-même exiger la modification d’une clause du contrat.

§  Une partie de la doctrine a longtemps contesté l’existence de ce pouvoir en expliquant que si on allait dans ce sens, on ruinait la dimension contractuelle du CA.
§   
Ce pouvoir est classiquement illustré par un arrêt de 1910 qui est l’arrêt Compagnie générale des tramways de Marseille. Dans cette affaire, le CE a admis la possibilité pour l’administration contractante d’exiger la modification unilatérale d’une concession de tramways et admis notamment la demande de l’administration d’exiger de son concessionnaire qu’en période d’été, il mette plus de lignes en service et plus de wagons pour pouvoir transporter plus de voyageurs.
Le CE avait donné raison à l’administration car il en allait de la réalisation du SP.
-      La portée de cet arrêt a été contestée par un certain nombre d’auteurs qui faisaient valoir qu’en l’espèce dans l’affaire de 1910, le pouvoir reconnu à l’administration reposait non pas sur le contrat mais sur un texte extérieur au contrat, un décret qui prévoyait que le préfet pouvait exiger des concessionnaires une augmentation du nombre de rames.

-      Un autre courant de la doctrine explique que le CE avait bien dégagé une nouvelle règle générale applicable à tous les contrats administratifs.


§  Le débat a duré jusqu’en 1980 et il a été réglé par le CE en 1983 dans l’arrêt Union des transports publics urbains et régionaux. Dans cette affaire, était contesté devant le CE un décret qui attribuait à l’administration dans le cadre des délégations de SP du transport un pouvoir de modification unilatérale des conditions d’exécution du contrat. Recours rejeté par CE en relevant que le gouvernement en adoptant ce texte s’est borné à faire application des règles générales applicables au CA.

Ø  Tout CA permet à l’administration de modifier unilatéralement les clauses du contrat.

·        Ce pouvoir de modification unilatérale est ouvert à l’administration pour tenir compte de considérations liées à l’intérêt général et notamment pour adapter la prestation ou les obligations contractuelles aux besoins des usagers. Ce type d’arguments avait déjà été mis en avant dans une affaire plus ancienne dans un arrêt de 1902, Compagnie nouvelle de Deville lès Rouen. Le CE a admis le droit de la commune de rompre le contrat qui l’a lié à une compagnie gazière au motif que cette dernière ait refusé de faire évoluer sa prestation.


·        Généralement, la question de savoir si ce pouvoir de modification existe de plein droit est une question théorique car la plupart des contrats le prévoient et organisent les conditions d’organisation du cocontractant en ce sens. L’une des contreparties de ce pouvoir de modification unilatérale est le maintien de l’équilibre financier du contrat : le cocontractant a droit à être indemnisé du préjudice subi à raison des charges nouvelles qui pèsent sur lui.

v L’une des questions qui se pose en doctrine est de savoir sur quoi finalement reposer ce pouvoir de modification unilatérale ?

·        C’est un pouvoir extérieur au contrat qui justifie ce pouvoir de modification unilatérale : c’est le pouvoir général d’organisation des services publics. L’idée est que l’administration concédante ne peut pas se désintéresser des SP car elle garde la haute main sur le service.

o   Cette explication amène certains auteurs à considérer que ce qui peut être modifié tient uniquement aux clauses qui intéressent le fonctionnement du service, ce qui signifie a contrario que les clauses financières, celles qui concerneraient la rémunération du cocontractant seraient intangibles.

o   Même si cette opinion doctrinale est admise, les choses sont plus complexes et il faut distinguer selon la nature du contrat :

-      Si c’est un marché public, généralement la rémunération du cocontractant est constituée d’un prix et ce prix est généralement forfaitaire et à ce titre, il est intangible.
Sauf que tout dépendra en vérité de l’importance de la modification demandée. Quand la rémunération du cocontractant est assurée par un tarif payé par l’usager, la clause financière intéresse aussi l’organisation du service.

·        L’administration n’a pas le pouvoir de renoncer par une clause contractuelle à ce pouvoir de modification unilatérale. Toute clause qui prévoirait ce type de pouvoir est nulle. Ce pouvoir, l’administration ne le détient pas en tant qu’un droit objectif, en tant que partie au contrat mais c’est un pouvoir qu’elle tient de sa responsabilité plus large qui est d’organiser les services publics. Ce pouvoir peut être aménagé par les textes.
Dans les marchés de travaux, il est prévu que le titulaire du marché de travaux n’est tenu d’exécuter des travaux nouveaux que dans la limite du 10ème de la masse globale des travaux.

·        Enfin, les modifications trop importantes sont interdites, notamment celles qui aboutiraient à bouleverser l’économie générale du contrat.
Dans ce cas là, on est face à 2 situations : le cocontractant peut demander au juge la résiliation du contrat ; quand l’administration procède à des modifications trop importantes, l’administration est tenue de renégocier le contrat et elle est tenue de remettre en concurrence, y compris quand le cocontractant serait d’accord pour la modification.
C) Le pouvoir de mettre fin au contrat : la résiliation unilatérale
On est dans une situation assez paradoxale car autant les pouvoirs de modification du contrat étaient contestés par la doctrine, autant ce pouvoir de résiliation unilatérale n’a jamais été remis en cause. Ce pouvoir existe dans deux hypothèses très différentes. Dans les deux cas, l’existence de cette prérogative dispense l’administration de saisir le juge pour prononcer la résolution du contrat. Il y a des hypothèses où l’administration aura intérêt à saisir le juge pour obtenir la résiliation du contrat.
1) La résiliation unilatérale à titre de sanction
·        C’est un pouvoir exorbitant qui se rattache au pouvoir général de sanction.

o   La résiliation constitue la réponse appropriée aux manquements les plus graves du cocontractant. Ces manquements sont généralement tout ce qui porte atteinte à la continuité du service public, l’arrêt des travaux ou encore le manquement à des obligations particulièrement strictes qui portent atteinte au pouvoir d’organisation du SP de l’administration (ex du cocontractant qui cède le contrat à un tiers : la cession de contrat est soumise à l’autorisation de l’administration contractante et si la cession a lieu sans que l’administration l’ait autorisé, une des sanctions c’est la résiliation du contrat.)

o   La jurisprudence admet que la résiliation du contrat peut être prononcée pour des manquements par le cocontractant à ses obligations financières. Deux arrêts qui illustrent cet élargissement :


-      Un arrêt du CE de 1988 « Société d’étude et de réalisation des applications du froid ». Un contrat est passé pour l’exploitation d’une patinoire et d’un parking souterrain. L’entreprise privée est chargée d’assurer une partie du financement de cette construction. Elle doit obtenir un certain nombre d’emprunts auprès des banques. Les banques n’accordent pas les emprunts attendus. La situation financière se dégrade, retard et arrêt du chantier. La résiliation est prononcée par l’administration et le juge considère que c’est à bon droit que cette résiliation a été annoncée.

-      Arrêt « Copel », 1991, à propos d’un exploitant d’une remontée mécanique qui expliquait à la commune que l’exploitation de ce service était déficitaire et qu’il ne pouvait pas s’acquitter des obligations financières prévues. La commune décide de mettre fin au contrat de manière unilatérale et le juge lui reconnait ce pouvoir.


·        Cela dit, le comportement de l’administration qui voit des difficultés d’exécution du contrat qui n’avait pas été prévues au moment de la situation du contrat, peuvent atténuer la faute du cocontractant et dès lors si la faute n’apparait plus comme une faute grave, la résiliation sanction apparait comme une mesure disproportionnée qui rend donc injustifiée la rupture du contrat :

o   Arrêt de 1991, « Département de la Haute Loire » : une convention est passée par un département en vue de concéder l’exploitation d’un hôtel restaurant sur un site touristique. Après plusieurs années d’exploitation, le département décide de mettre fin à la concession en se prévalant de différentes fautes du cocontractant. L’affaire vient devant le juge, le cocontractant explique qu’il a commis des manquements mais qu’il n’est pas le seul à avoir manqué au contrat. Le tribunal nomme un expert et le rapport fait apparaître que le concessionnaire n’a pas disposé de tous les moyens nécessaires à une exploitation normale. Au vu de ces éléments, le Conseil d’Etat juge que les manquements reprochés au concessionnaire ne présentent pas un caractère de suffisante qualité justifiant une résiliation sans indemnité. Le CE prononce la résiliation du contrat mais aux torts exclusifs du département, ce qui a pour effet de renverser la charge de l’indemnisation donc d’engager la responsabilité contractuelle de l’administration.

·        Les contrats contiennent le plus souvent des clauses qui attribuent le pouvoir à l’administration de prononcer la résiliation du cocontractant.

v La question qui se pose est de savoir si le pouvoir existe quand le contrat n’a rien prévu ?

o   La jurisprudence répond par l’affirmative notamment en expliquant que le pouvoir de résiliation sanction se rattache aux règles générales applicables au CA.

-      En particulier, dans un arrêt de 1983, « SARL Comexp » : le contrat prévoyait bien l’existence d’un pouvoir de résiliation unilatérale mais donnait une liste limitative des motifs susceptibles de justifier cette résiliation unilatérale. Or en l’espèce, l’administration décide de rompre le contrat à la suite de divers événements et incidents mais qui ne correspondent pas à la liste établie par le contrat. L’affaire vient devant le JA et il explique que la circonstance que le contrat  ait énuméré une liste ne prive pas l’administration de prononcer la résiliation dans d’autres circonstances parce que le pouvoir de résiliation unilatérale ne découle pas du contrat mais des règles générales du CA, fondées sur le pouvoir d’organisation du service qui est extérieur au contrat.

·        Ce pouvoir est encadré de manière procédurale c'est-à-dire que la résiliation unilatérale doit toujours être précédé d’une mise en demeure du cocontractant qui doit donc être amené à s’acquitter de ses obligations, et si cette mise en demeure reste sans effets, elle est amenée à résilier le contrat.

v En matière de concessions de SP :

o   La jurisprudence a développé en matière de concessions de SP, des solutions différentes dans la mesure où généralement la concession de SP s’est accompagnée d’une concession de travaux par laquelle le cocontractant a financé les premiers investissements permettant d’exploiter le SP : exemple dans le cadre d’une concession de distribution d’eau, le concessionnaire a construit le réseau de distribution.

Ø  Il faut apporter une protection particulière à ces entreprises, et c’est ce que fait la jurisprudence qui dit qu’à défaut de clause contractuelle prévoyant la résiliation sanction, (en matière de concession, on parle de déchéance) l’administration ne peut pas de plein droit prononcer la résiliation unilatérale du contrat. Elle doit s’adresser au juge en vue d’obtenir cette résiliation.

·        Deux arrêts qui illustrent cette limitation :

-      Tessier, CE, 1892 

-      CE, 1980, Syndicat intercommunal de Peyresoure Balestras
Le JA en matière de concession a le pouvoir exceptionnel d’annuler la résiliation du contrat s’il l’estime infondée.
La jurisprudence a causé un certain trouble en doctrine puisque sur ces affaires la jurisprudence rend très peu d’arrêts. La doctrine avait commencé à expliquer qu’il fallait conclure de l’arrêt de 1980, Syndicat intercommunal de Peyresoure Balestras que dans tous les cas l’administration n’avait pas le pouvoir de prononcer la déchéance du cocontractant, même quand la déchéance était prévue par le contrat. Cette interprétation a été démentie par le CE dans un arrêt de 1991 « Copel », qui nous dit que le juge n’a pas le monopole de la déchéance, ce pouvoir appartient aussi à l’administration dès lors qu’il est prévu par le contrat. En tout état de cause, le juge pourra être saisi pour préciser les conséquences indemnitaires de l’utilisation de ce pouvoir.
2) La résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général
·        La jurisprudence admet qu’en l’absence de faute du cocontractant, l’administration peut mettre fin au contrat de sa propre initiative quand elle va considérer que le contrat ne correspond plus aux besoins du SP.
La jurisprudence a admis que ce pouvoir existe de plein droit, ce que rappelle le CE, en 1958, « Distillerie de Magnac Laval ».

·        Là encore, l’administration ne peut pas renoncer à l’exercice de ce pouvoir et toute clause contraire est nulle, c’est ce qu’a rappelé le CE en 1985, « Association Eurolat ».

·        Le contrat peut organiser l’exercice du pouvoir de résiliation, c’est ce qu’a rappelé le CE dans un arrêt de 2001, « Syndicat intercommunal de Guzet-Neige ».


v En matière de concessions, la doctrine a commencé à expliquer que ce pouvoir n’existait pas parce qu’il fallait protéger les intérêts financiers du concessionnaires.
Cette thèse a été démentie par la jurisprudence et notamment par un arrêt du CE du 2 février « TV6 » à propos de la résiliation par l’Etat du contrat liant l’Etat à la première chaine musicale. Réponse CE : il appartient à l’autorité concédante en vertu des règles générales applicables au CA de mettre fin à long terme à un contrat de concession pour des motifs d’intérêt général justifiant que l’exploitation du service soit abandonnée ou soit établie sur des bases nouvelles.

§  Le CE a rendu un arrêt « Sofap Marignan » : cette affaire concerne un contrat conclu par une commune sur le fondement d’une loi qui autorisait les collectivités territoriales à passer des baux emphytéotiques.  C’était une innovation législative parce que normalement sur le domaine public, les occupants ne peuvent pas être titulaires de droits réels. On a une loi qui prévoit que sur le domaine public, les collectivités territoriales pourront passer des baux emphytéotiques. L’idée est de donner aux occupants du domaine public des garanties équivalentes à celle donnée par le droit privé aux investisseurs ce qui exclut toute résiliation unilatérale du contrat. Le problème c’est que la loi nous dit que ce sont des contrats dont le contentieux relèvera des juridictions administratives et donc c’est un contrat par détermination de la loi.  Le CE y conclut alors que le législateur a aussi voulu que s’y applique le régime général des CA et en particulier la possibilité pour l’administration contractante de s’attribuer dans le contrat un pouvoir de résiliation unilatérale.
·        Cela dit, ce pouvoir exorbitant de résilier unilatéralement le contrat n’est pas reconnu uniquement par le juge administratif. D’autres juridictions que le juge administratif l’admettent :

-       Tout d’abord le conseil constitutionnel l’a admis dans une décision du 18 janvier 1985 : il a estimé à propos des contrats d’association conclus entre les communes et les établissements scolaires d’enseignement privé que la CT pouvait résilier unilatéralement le contrat. Principe conforme aux règles des CA

-      La CEDH dans une affaire des raffineries grecques, la cour a admis que dans les contrats où l’Etat est partie, celui-ci peut prévoir ou peut exercer un pouvoir de résiliation unilatérale pour tenir compte d’exigences d’intérêt général qui doivent primer sur la stabilité des situations contractuelles. Cela dit, ce pouvoir de résiliation est donc reconnu mais toujours soumis à un motif légitime. Il doit s’appuyer sur des considérations d’intérêt général et il va appartenir au juge de contrôler la validité de ce motif.


v Quelques exemples :

-      L’arrêt de 1987, Société TV6, à la demande du législateur, réorganisation du SP de l’audiovisuel. Dans cette affaire, la loi n’avait pas encore été adoptée. Le CE considérait que la réforme était suffisamment avancée pour justifier la rupture du contrat.

-      CE, 1996, Société des téléphériques du massif du Mont Blanc. Il s’agissait d’une société qui était concessionnaire d’un domaine skiable qui fait l’objet d’une modification de son capital social et qui voit arriver dans son capital social la commune voisine en tant que principal actionnaire, d’où risque de conflit d’intérêt dans la mesure où les 2 domaines skiables sont concurrents. Le CE admet que la commune puisse résilier le contrat unilatéralement au regard de ce conflit d’intérêt.

-      Arrêt Sellier de 1963 : les considérations d’intérêt général tiennent à la bonne gestion du domaine public et notamment en l’espèce, au refus du titulaire d’une convention d’occupation du domaine public de payer une redevance plus élevée.

-      Arrêt du CE de 1996, Coisne : le juge admet la résiliation du contrat en raison d’irrégularités dans la rédaction de certaines clauses.


v Que se passe-t-il quand le juge estime que le motif n’est pas légitime ?
Quand le motif n’est pas légitime, le juge n’a pas le pouvoir d’annuler la mesure de résiliation sauf en matière de concession et sauf dans les contrats où le cocontractant a réalisé des investissements non encore amortis. Ce qu’il peut faire c’est se placer sur le terrain du contentieux indemnitaire, de la responsabilité de l’administration pour faute et donc indemniser le cocontractant du préjudice subi.
De toute manière, en cas de rupture pour motif d’intérêt général, le cocontractant a droit à l’indemnisation du préjudice subi et comme on ne peut pas indemniser plus que le préjudice subi, le fait que la résiliation soit illégale ou pas, cela ne change rien.


3) Le recours au juge pour obtenir la résiliation unilatérale
·        Dans certains cas, elle peut préférer saisir directement le juge plutôt que d’user de son pouvoir de résiliation unilatéral. L’enjeu est de faire constater au juge que le contrat n’est plus viable et qu’il faut donc le résilier. L’intérêt est que le cocontractant n’aura droit à aucune indemnisation.

o   Ce cas de figure peut être illustré par l’arrêt de 2008, Syndicat mixte de la région de Pic Saint Loup : contrat conclu entre une commune et un syndicat intercommunal relatif au SP de la distribution d’eau, par lequel le syndicat intercommunal achète de l’eau à une commune. Ce contrat est conclu sans terme, on ne sait pas quand il s’arrête et le problème c’est que le contexte économique va évoluer par rapport où la date a été conclu et les tarifs ne sont pas les mêmes. Une des parties s’inquiète du caractère inadapté de ce contrat. Elle saisit donc le juge pour faire constater le bouleversement économique du contrat.
Le JA va faire droit à la demande, il va résilier le contrat en rappelant qu’il lui appartient de résilier le contrat pour bouleversement de l’équilibre contractuel ou pour motif d’intérêt général et que cette résiliation n’ouvre droit à aucune indemnisation au cocontractant.
L’administration peut avoir tout intérêt à ne pas utiliser son pouvoir de résiliation unilatérale et on ne peut pas lui opposer la jurisprudence du Préfet de Leure.

paragraphe 2 : les droits du cocontractant


Ce cocontractant a des garanties de nature financière qui reposent sur un principe mis en avant par Léon Blum commissaire du gouvernement dans ses conclusions sur l’arrêt du CE, Compagnie générale des tramways de Marseille ; qui met en avant l’équation financière du contrat ou encore l’équivalence honnête des prestations.
A) Des garanties essentiellement financières
·        Le cocontractant a peu de moyens de ripostes face à l’administration, notamment quand l’administration fait usage de ses pouvoirs exorbitants que sont la modification unilatérale du contrat ou la résiliation unilatérale du contrat ou encore les pouvoirs de sanction.

o   En premier lieu, il est interdit au contractant de l’administration d’opposer à cette dernière une exception d’inexécution. La continuité du SP, l’intérêt général qui s’attache à la bonne exécution du contrat vont obliger le cocontractant à poursuivre l’exécution du contrat, quand bien même l’autorité administrative manquerait à ses devoirs, ce que pourra faire essentiellement le cocontractant est de saisir le juge.

o   Devant le juge, il ne lui est pas possible d’engager n’importe quel type d’instance. Le contentieux ouvert devant le juge du contrat est pour l’essentiel un contentieux indemnitaire, ce qui veut dire que le juge du contrat n’a pas le pouvoir notamment de prononcer l’annulation des mesures d’exécution du contrat par l’administration.

Cette jurisprudence est une jurisprudence ancienne, notamment rappelé par un arrêt du 10 mars 1963 « Société coopérative agricole de production : la prospérité fermière ».

o   Cette impossibilité vaut également devant le juge des référés qui n’a pas le pouvoir de prononcer la suspension de ce type de mesures. Solution illustrée par un arrêt de 2002 : «  Société eurovia méditerranée » à propos du refus d’administration dans un marché de travaux publics d’agréer un sous-traitant. !

v Cette impossibilité est assez paradoxale puisque dans la distinction des contentieux qui existent en DA, il y a ce qu’on appelle le recours pour excès de pouvoir et de l’autre le recours de pleine juridiction ou de plein contentieux où le juge est censé avoir les pleins pouvoirs et le contentieux contractuel relève du plein contentieux ; or il ne peut pas annuler les mesures relevant du contrat.
C’est une solution contestée en doctrine et au sein même de l’administration : l’arrêt de 1963 (Société coopérative agricole de production : la prospérité fermière » a été rendu sur les conclusions contraires du commissaire du gouvernement Breibant. La question est de savoir quelle est la justification de cette solution ? Les auteurs sont assez démunis pour donner une explication dans la mesure où la jurisprudence ne donne pas d’explications. L’idée dominante serait que le juge ne veut pas s’immiscer dans la relation contractuelle, dans la gestion d’un SP.
Cela dit, même ce fondement est assez fragile car il
-      repose sur des considérations de bon sens.

-      Ensuite, parce qu’il existe un certain nombre d’exceptions (le juge va accepter de prononcer des mesures d’annulation). Le problème se complique dès lors qu’on sait que la jurisprudence administrative admet un certain nombre d’exceptions à cette règle et les mesures de résiliation unilatérale visant certains types de contrat peuvent faire l’objet d’une annulation par le juge du contrat.

Cette jurisprudence a été inaugurée par le CE, 1905, « Compagnie départementale des eaux » à propos des concessions de SP. Ce type de contrat amène le cocontractant à faire de lourds investissements. Investissements qui ne seront amortis que sur le long terme. En cas de rupture anticipée du contrat, il y a  des chances que les investissements lourds n’aient pas été amortis. Compte tenu du risque supporté par le cocontractant, la jurisprudence admet que le juge puisse prononcer l’annulation de la mesure de résiliation. Cette exception poursuit deux préoccupations : garantir les droits du cocontractant ; protéger les finances de l’administration.

La JA a étendu ce raisonnement et cette exception à tous les contrats pour lesquels le cocontractant a été amené à consentir des investissements financiers très lourds :
èC’est le cas de certain marché de travaux publics illustré par un arrêt « Sima » de 1971.
èPuis le juge a étendu cette exception à un autre cas de figure qui concerne les contrats entre personnes publiques portant sur l’organisation d’un SP : « Département de la Moselle », 1989.

-      Et enfin, les tiers eux peuvent saisir le juge de l’excès de pouvoir pour obtenir l’annulation de ce type de mesure. Des mesures que la jurisprudence juge comme détachables du contrat et à ce titre, susceptible d’être attaquées par un tiers, s’il arrive à montrer son intérêt à agir. Illustré par arrêt de 1964 « Société de livraison industrielle et commerciale », un tiers est fondé à saisir l’administration pour qu’elle résilie le contrat. Plus directement, CE, 1987 « Société TV6 », le recours d’un tiers contre une mesure de résiliation d’un contrat.

v A défaut de pouvoir demander l’annulation des mesures prises par l’administration contractante, le cocontractant va pouvoir engager la responsabilité contractuelle de l’administration. Il en ira ainsi dans deux cas de figure :
-      Quand l’administration viole ses obligations contractuelles

-      Ou encore quand l’administration fait une utilisation abusive des prérogatives de puissance publique qui lui sont reconnus dans le cadre de l’exécution du contrat (quand le motif n’est pas légitime).
Par contre, devant le JA, le CE a développé un système inédit de responsabilité contractuelle sans faute qui amène l’administration à garantir à son cocontractant l’équilibre financier du contrat.
B) Le droit à l’équilibre financier du contrat
·        L’administration peut remettre en cause l’équilibre financier du contrat par un certain nombre de décisions qui vont affecter les conditions d’exécution du contrat. Dans ce cas là, le cocontractant va avoir droit à la réparation intégrale des charges nouvelles qui pèsent sur lui.

·        La JA a également admis que le cocontractant de l’administration peut avoir droit dans une certaine mesure à l’équilibre financier du contrat lorsque des évènements extérieurs à l’administration et imprévisible entraînent un bouleversement dans l’économie du contrat. Dans ce cas, le cocontractant a le droit à la compensation incomplète de ses charges imprévisibles.
Ce droit à l’équilibre financier du contrat couvre deux types de situation : le droit à la réparation intégrale des charges nouvelles nées de la décision de l’administration et le droit à la réparation incomplète des charges imprévisibles. C’est ce que l’on appelle la théorie de l’imprévision.
1) Le droit à la réparation intégrale des charges nouvelles nées de la décision de l’administration
·        Il est admis que pour des motifs d’intérêt général, que l’administration peut porter atteinte à l’équilibre financier du contrat c'est-à-dire aggraver de manière très substantielle, les charges qui pèsent sur son cocontractant, en particulier quand l’administration va par l’utilisation de son pouvoir de modification unilatérale faire supporter sur son cocontractant des charges nouvelles.

·        La compensation de ce pouvoir consiste dans le droit à l’équilibre financier, c'est-à-dire le droit du cocontractant à obtenir réparation pour l’intégralité du préjudice subi.


o   La difficulté est que le périmètre de ce droit à réparation est affecté d’un coefficient d’incertitude relativement fort au sens où d’abord les arrêts sont peu nombreux, et au sens où les auteurs ne sont pas tout à fait d’accord sur le type de décision prises par l’administration qui vont avoir un effet sur le contrat et qui en conséquence ouvrent droit à réparation.
L’hypothèse la plus simple c’est celle de la modification unilatérale des clauses du contrat. Mais il y a d’autres décisions prises par l’administration qui peuvent avoir des effets sur le contrat ? Dans quelle mesure le cocontractant pourra être indemnisé ? Ce n’est pas très clair car les auteurs se contredisent et font appel à la théorie du fait du prince qui est l’une des plus confuses du DA.
Il faut partir d’une double distinction : la distinction selon l’autorité qui prend une mesure qui va avoir un effet sur le contrat ; la distinction qui repose sur l’objet de la décision administrative : vise-t-elle directement le contrat ou n’a-t-elle qu’un effet indirect sur le contrat ?
a)    La rupture de l’équilibre financier doit résulter de l’administration contractante

Cette précision est nécessaire car une partie de la doctrine range dans la théorie du fait du prince les hypothèses où les charges nées de l’exécution du contrat vont se trouver aggravées par la décision d’une autorité publique autre que celle partie au contrat. Ainsi, il n’est pas rare qu’une loi ou qu’un règlement prohibent l’utilisation de certains produits et de ce fait vont avoir une incidence sur l’exécution du contrat conclu par d’autres collectivités publiques. Dans ce cas, il faut distinguer entre les contrats passés par l’Etat et les contrats passés par les autres collectivités publiques :
-      S’agissant des contrats des collectivités territoriales, la responsabilité de l’autorité contractante ne pourra d’aucune manière être engagée du fait d’une décision de l’Etat qui viendrait bouleverser l’économie du contrat. C’est ce que confirme un arrêt de 1971 « Compagnie du chemin de fer de Bayonne à Biarritz ». Dans cette affaire, le concessionnaire d’une ligne départementale de chemins de fer avait demandé au département d’être indemnisé d’un certain nombre des conséquences financières d’une décision du gouvernement Français qui pendant la 2nde guerre mondiale l’avait obligé à assurer des transports gratuits. Le CE estime qu’il n’y a pas la possibilité d’engager la responsabilité sans faute du département.

Pour autant, dans ce type d’affaires, le cocontractant dispose d’autres voies pour obtenir l’indemnisation qu’il espère : les conditions de la théorie de l’imprévision peuvent être remplies et l’extériorité n’est pas un obstacle à la théorie de l’imprévision, ou le cocontractant peut exercer une action en indemnité mais fondée sur la responsabilité extracontractuelle de l’Etat soit pour faute soit sans faute.

- S’agissant des contrats de l’Etat, puisque l’Etat est partie au contrat, il peut voir sa responsabilité engagée, du fait d’une mesure législative ou réglementaire dès lors que cette mesure toucherait l’objet même du contrat. On rejoint une solution plus générale qui veut que la rupture de l’équilibre financier résulte d’une décision qui affecte l’exécution même du contrat.
b) La rupture de l’équilibre financier résulte d’une décision qui affecte l’exécution même du contrat

·        Selon les auteurs, on va trouver des présentations différentes. Il faudrait distinguer selon que l’administration agit sur le fondement de ses pouvoirs contractuels, ou au titre d’autres pouvoirs que ceux qu’elle tiendrait du contrat, par exemple pouvoir réglementaire ou pouvoir législatif. Cette distinction est artificielle.

o   L’administration tient ses prérogatives contractuelles d’un fondement juridique extérieur au contrat qui est son pouvoir d’organiser les SP. En outre, l’arrêt « Distillerie Magnac Laval » qui est censé illustrer la résiliation unilatérale concerne un cas d’espèce où l’administration met fin au contrat par voie réglementaire. La signification de cet arrêt est alors de dire que l’exercice du pouvoir réglementaire ne peut pas être enfermé par un contrat.

·        Il faut retenir une autre distinction pour essayer de définir les cas où le cocontractant aura droit à être indemnisé et les cas où il n’y aura pas droit : il faudrait faire une autre distinction entre les mesures prises par l’administration contractante qui concernent les stipulations même du contrat, l’objet du contrat et les décisions qui affectent les conditions d’exécution du contrat :

>        En ce qui concerne l’objet même du contrat, le JA admet l’indemnisation du cocontractant.
(Mais La résiliation sanction prise par l’administration touche bien à l’objet du contrat et pourtant ne donne pas lieu à l’indemnisation. Là on est dans des mécanismes de sanction sans faute.)

Cela dit, ce principe de l’équation financière touchant à l’objet même du contrat connait deux exceptions :

o   Quand le contrat est conclu pour une durée indéterminée, le juge admet que l’administration puisse en prononcer la résiliation sans indemnité au nom de l’intérêt général. (Logique arrêt Pic saint Loup).

o   Quand les circonstances qui sont à l’origine de la résiliation prononcée par l’administration sont indépendantes de la volonté de l’administration. Hypothèse de bouleversement économique ou contexte économique du contrat. On rejoint un cas d’espèce que l’on appelle la force majeure administrative illustrée par un arrêt de 1932 « Compagnie des tramways de Cherbourg » que l’on va retrouver au titre de la théorie de l’imprévision.


La mesure qui touche l’objet même du contrat peut être aussi bien générale qu’individuelle. L’arrêt Distillerie Magnac Laval illustre le cas d’une mesure réglementaire.  On a même des arrêts plus anciens qui illustrent le cas où la mesure qui touche l’objet même du contrat est une loi ou un décret-loi : ex, arrêt de 1909, Zerla Badine » : des militaires titulaires d’un contrat d’engagement avec l’Etat ont obtenu une indemnisation du fait de la résiliation de contrat qui les liait à l’Etat, résiliation découlant d’une loi qui avait porté dissolution le corps d’armées auxquels appartenaient ces engagés. Le juge admet l’indemnisation du cocontractant alors même que c’est le fait d’une mesure générale.

>        A l’inverse, quand la décision de l’administration contractante a seulement pour effet de rendre plus difficile l’exécution du contrat, l’indemnisation est généralement refusée. Les hypothèses où les règlements administratifs vont affecter l’exécution du contrat vont être extrêmement fréquentes :

Ex : arrêt du CE de 1983, « Société du parking du square Boucicault » : la société était titulaire du contrat portant concession d’un parking souterrain. Elle avait donc conclu ce contrat avec l’administration au vu de prévision de fréquentation de ce parking souterrain qui lui avait amené à définir un tarif. En cours d’exécution du contrat, l’autorité de police avait modifié la réglementation du stationnement en surface, d’où plainte, recours de la société concessionnaire qui explique que comme on a favorisé le stationnement en surface, c’est la gestion du parking qui en subit un contre coup. Règlement de police a modifié les mesures d’exécution essentielle du contrat. Affaire devant CE qui répond que la modification d’un règlement de police est un aléa normal auquel doit s’attendre à être exposé n’importe qui y compris concessionnaire parking souterrain et donc concessionnaire n’a droit à aucune indemnité car la mesure n’affecte pas l’objet même du contrat mais a seulement effet sur ses conditions.
Ce type de raisonnement appliqué à des mesures générales peut aussi s’appliquer à des mesures individuelles. Arrêt de 1898 « Gilles et Bellet » : Entreprise de travaux publics qui avait conclu un contrat avec l’Etat. Il employait des ouvriers de nationalité étrangère. L’Etat prend la décision d’expulser tous les ouvriers étrangers employés par cette entreprise. Celle-ci se retourne contre l’Etat et lui demande de l’indemniser. Le CE rejette le recours en expliquant que cela ne touche pas à l’objet même du contrat.
v Ces solutions ne valent que dans la mesure où le contrat n’a rien prévu, si les clauses du contrat prévoient qu’en cas de résiliation, de modifications qui touchent aux conditions d’exécution du contrat il y aura indemnisation, c’est le contrat qu’on appliquera.
2) Le droit à la compensation incomplète des charges imprévisibles : la théorie de l’imprévision
·        La théorie de l’imprévision va concerner des contrats qui vont s’exécuter dans le temps et notamment les concessions de SP. Cette théorie de l’imprévision a été dégagée par la jurisprudence dans un arrêt de 1916 « Compagnie générale d’éclairage de Bordeaux/ Affaire du gaz de Bordeaux » : le CE dit que lorsque surviennent des événements imprévisibles qui vont entraîner un bouleversement dans l’économie du contrat et qui empêchent son exécution dans les conditions prévues initialement, l’administration contractante doit verser à son cocontractant une indemnité dite d’imprévision qui vont lui permettre de faire face aux pertes subies et donc de poursuivre l’exécution du contrat.
Cette indemnité d’imprévision a plusieurs caractéristiques :
-      Elle ne couvre que de manière partielle les pertes subies par le cocontractant.

-      Les événements qui sont à l’origine de cet état d’imprévision sont extérieurs à l’administration.

-      Elle est provisoire. L’imprévision n’est pas la force majeure. Comme la force majeure, l’imprévision est imprévisible, extérieure aux parties ; mais à la différence de la force majeure, l’imprévision ne doit pas être irrésistible, on doit pouvoir lui résister.

v Si cet état perdure trop longtemps, on va estimer que le contrat ne reviendra jamais comme initialement et la solution qui s’ouvre est la résiliation du contrat dans le cadre de la force majeure administrative.
Deux arrêts importants : Arrêt de 1916, Gaz de Bordeaux : sur la théorie de l’imprévision et Arrêt de 1932, Compagnie des tramways de Cherbourg : sur les prolongements de la théorie de l’imprévision et la mise en œuvre de la force majeure administrative.
v La théorie de l’imprévision a été une innovation juridique considérable puisque d’une certaine manière, elle tenait en échec le principe d’intangibilité des clauses du contrat et le juge judiciaire a pendant longtemps repoussé ce type d’analyse.

La chambre commerciale de la cour de cassation, le 3 novembre 1992 dans l’affaire Huard, a développé une construction jurisprudentielle qui ressemble à l’imprévision. La seule différence est que la cour de cassation s’est appuyée sur la bonne foi pour faire en sorte que le cocontractant le plus puissant aide le plus faible. S’il y a la considération de la bonne foi, on est dans la responsabilité pour faute. A l’inverse, le DA ne repose pas sur cette idée, ce qui est en cause, ce sont des éléments extérieurs au contrat, la continuité du SP et donc la théorie de l’imprévision est un régime de responsabilité plutôt sans faute.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire