·
Le contrat a toujours
été une technique juridique courante en droit administratif. Mais l’attention a
toujours été portée sur l’acte administratif car il caractérise la puissance
publique. Pour autant, l’administration peut aussi préférer le contrat. Son utilisation
tend même aujourd’hui à se développer. On parle aujourd’hui de la contractualisation
de l’action administrative.
§ L’administration va passer des contrats pour satisfaire des
besoins les plus variés : recruter des personnels, louer des immeubles de bureau pour y loger ses
services, emprunter auprès des établissements bancaires, contrats d’assurances
(CT), se procurer les moyens nécessaires au bon fonctionnement des services
publics (fournitures), délégation de SP…
·
Cette faculté de
conclure des contrats est un des attributs de la personnalité morale reconnue aux collectivités publiques. L’Etat, les EP se sont vus reconnaitre une forme de liberté
contractuelle. Cette liberté contractuelle a été longtemps discutée
par la doctrine aux motifs qu’elle n’était pas complètement comparable à celle
des personnes privées dans la mesure où le
principe d’autonomie de la volonté qui caractérise le droit privé n’est pas
pleinement transposable aux personnes publiques, car une personne de
droit privé a des intérêts personnels qu’elle peut définir librement alors que
les personnes publiques ont pour objectif de satisfaire l’intérêt général.
§ Un
certain nombre d’auteurs ont expliqué qu’il ne pouvait pas y avoir de liberté
contractuelle pour les personnes publiques ou que si l’on en parlait, ce
n’était pas un droit fondamental comme en droit privé.
§ Pour
autant, la jurisprudence n’a pas pris en compte ces précautions. Ils ont
reconnus la valeur juridique du
principe de liberté contractuelle des personnes publiques. Deux
décisions à retenir :
- Le
CE, dans un arrêt de 1998, société Borg-warner :
la liberté contractuelle des
personnes publiques est un PGD donc qui existe tant qu’aucune
disposition législative ne vient s’y opposer.
- Le
CCEL a rejoint le CE, dans une décision constitutionnelle du 30
décembre 2006,
sur les industries électriques et gazières où le CE estime que même pour
un motif d’intérêt général, la loi ne
peut pas porter une atteinte excessive à la force obligatoire des contrats
passés par les personnes publiques.
·
Mais cette liberté
contractuelle connait des limites, ce que l’on peut appeler les sujétions
exorbitantes :
- Les
administrations ne sont pas libres de choisir leur cocontractant. Le
code des marchés publics estime qu’il y a des procédures à respecter (appel
d’offre, mettre en concurrence les entreprises susceptibles d’être
intéressées).
èLa
liberté contractuelle est donc limitée par le fait que les PPP sont garantes de l’intérêt général.
·
L’une des difficultés
est que la jurisprudence administrative a depuis le début du 20e développé
un régime juridique spécifique donc distinct du régime prévu par le droit
civil. Régime que l’on dénomme théorie générale des contrats administratifs.
Cette théorie repose sur l’idée qu’à la différence du contrat de droit civil, le contrat administratif ne repose pas
sur l’égalité juridique des parties :
§ C’est
un engagement réciproque de volonté mais entre personnes juridiques inégales
avec d’un côté l’administration puissance publique en charge du SP et
qui à ce titre détient un certain nombre de prérogatives exorbitantes de droit
commun (privilèges inconnus du droit privé) tel que le pouvoir de modifier
unilatéralement un contrat… et dans la mesure où le contractant lui n’a que
des droits diminués (essentiellement des droits financiers). Un régime
spécifique qui fait donc la particularité de l’activité contractuelle de
l’administration.
§ Le
problème est que ce régime juridique
spécifique ne s’applique pas à tous les contrats de l’administration et
il est admis que dans un certain nombre
de cas, l’administration passera non pas des contrats administratifs mais des contrats
de droit privé. C’est là la première difficulté puisqu’il faut pouvoir
identifier ces contrats. C’est important pour savoir quel est le juge compétent et c’est important aussi
pour savoir les règles que l’on va
appliquer en cas de contentieux entre les parties.
section 1 : l’identification des contrats
administratifs
Tous
les contrats passés par l’administration ne sont pas des contrats
administratifs. Comment savoir s’il s’agit d’un contrat administratif ou
pas ?
Deux
méthodes :
1) Il y a la méthode lourde :
l’identification législative :
Le législateur
décide que certains contrats seront quoi
qu’il arrive des contrats administratifs soumis à du droit administratif en
cas de contentieux. On parle de contrat administratif par détermination de la loi.
Le législateur vise en effet un certain nombre de contrats ou de types de
contrats qui pour lui sont de type administratif. On peut en donner
plusieurs exemples :
- Le
premier cas est la loi du 28 Pluviôse an 8
qui a attribué aux juridictions administratives le contentieux des contrats relatifs à l’exécution des travaux
publics (en raison des PPP reconnues à l’administration dans ce type de
travaux).
- Autre
texte qui attribue également la compétence aux juridictions
administratives : le décret loi du 17 juin 1938
qui procède de la même manière et qui nous dit que les contrats d’occupation du domaine public sont des contrats
administratifs.
- Mais
il prévoit aussi que les contrats de
vente d’immeuble de l’Etat ou quand l’Etat cède ses propriétés mais aussi les
contrats d’emprunt sur les marchés financiers.
Cela
dit, ces cas de qualifications
légales ne concernent que des contrats précis, des hypothèses
particulières et non pas une incidence statistique considérable ce qui veut
dire qu’en nombre, les contrats en général ne sont pas qualifiés par le législateur.
2) La deuxième méthode est donc celle de
la jurisprudence :
Il a
donc fallu à la jurisprudence administrative dégager un certain nombre de
critères pour dire qu’on est en face d’un contrat qui relève plutôt d’un acte
de gestion publique et de ce fait que c’est un contrat plutôt administratif.
·
On a d’abord dégagé un critère organique :
Le
juge vérifie qu’il y ait toujours au
moins une personne publique qui est partie au contrat. Normalement il n’y a
pas de contrat administratif qui serait signé seulement par des personnes
privées (mais Montpeurt, 1942 : un acte
pris par une personne privée peut être qualifié de contrat administratif).
·
Puis, on a dégagé un critère matériel :
Le juge va vérifier soit dans le contenu,
soit dans l’objet du contrat, qu’il corresponde bien à un acte de gestion publique, c'est-à-dire
faisant appel soit à des procédés de PP, soit qui touche de près à la question
des SP.
Le
juge a développé deux types de critères matériels :
- le
critère de la clause exorbitante
- et
la participation du cocontractant à l’exécution même du service public.
Ces
critères jurisprudentiels font l’objet d’applications constantes, mais donnent
lieu à des hésitations : il n’est pas rare que le TC soit appelé à
trancher ce type de question, ce qui n’est pas bon signe (hésitation des
juges).
La
conception défendue par la jurisprudence administrative est : est contrat administratif l’acte qui
soulève des problèmes de gestion publique.
·
Le problème c’est qu’il
y a une dizaine d’années, le législateur est intervenu et a un peu bouleversé
cette approche, notamment en posant une sorte de nouveau critère formel c’est à dire
que le législateur a posé une nouvelle
catégorie de contrat administratif par détermination de la loi. Mais
cette catégorie est si large qu’elle bouleverse la jurisprudence, mise en place
par la loi Mursef en 2001 qui est celle des
marchés publics. Cette loi de 2001 nous dit que les contrats passés dans les conditions selon le code des marchés
publics sont des contrats administratifs qui relèvent au contentieux des
juridictions administratives. La catégorie juridique des marchés
publics est extrêmement vaste et c’est le problème. Avec cette loi
apparaît alors de nouveaux critères qui sont des critères formels. Mais ce sont des critères dérangeant car
les marchés publics c’est pas toujours des actes de gestion publique mais par
exemple des actes de gestion ordinaire.
paragraphe 1 : le critère organique
·
Pour qu’un contrat soit
administratif, il faut en principe qu’au moins une des parties au contrat soit
une personne publique avec une particularité qui concerne les contrats passés
par les assemblées parlementaires.
§ La
question s’est posée de savoir si ces contrats
des assemblées parlementaires étaient des contrats administratifs ?
Les assemblées parlementaires sont des organes constitutionnels et non
administratifs, or le juge administratif est le juge de l’administration et pas
celui des pouvoirs publics. Pendant longtemps, le CE a refusé de considérer
l’activité parlementaire.
Puis,
sous l’influence du droit communautaire, dans une affaire du parlement flamant,
le CE a ensuite été amené à revoir sa position et il l’a fait dans un arrêt du 5 mars 1999 « Président de l’Assemblée
Nationale » : quand ils passent des contrats, ils exercent une
fonction de nature administrative. C’est à ce titre que le JA peut en
connaître.
La
mise en œuvre du critère organique amène à distinguer deux cas de figure qui
font difficultés : les contrats entre personnes publiques et les contrats
entre personnes privées.
A) Les
contrats entre personnes publiques
Hypothèse
fréquente depuis notamment les développements de la décentralisation.
On peut qualifier ces contrats de trois manières
possibles :
- Puisque
ce sont deux personnes publiques, il y a une égalité juridique entre ces
personnes donc on peut considérer que c’est nécessairement des contrats de droit privé, puisqu’il n’y a
plus d’inégalité entre les deux parties.
- On
va considérer que dès lors qu’il y a deux personnes publiques, c’est forcément un acte de gestion publique
donc c’est nécessairement un contrat administratif.
- La
présence de deux personnes publiques ne change rien et il faudra quand même aller regarder du côté du critère
matériel pour voir si c’est vraiment un contrat administratif.
·
La jurisprudence
administrative paraît hésiter entre l’option 2 et 3. Elle a semblé pendant un
temps opter pour l’option 2 mais la mise en œuvre de celle-ci aboutit à des résultats
qui ressemblent à l’option 3.
§ L’option
2 découle d’un arrêt du TC « UAP » de
1983 : un contrat
entre deux personnes publiques revêt en principe un caractère administratif.
Le commissaire du gouvernement Labetoulle
expliquait qu’il y avait une présomption d’administrativité parce que le
contrat est le point de rencontre entre deux gestions publiques.
o
Mais le TC nous dit
qu’il y a des exceptions : dans le cas où eu égard à son objet, il ne fait naitre entre les
parties que des rapports de droit privé. Ce terme vise des situations
tout à fait exceptionnelles ou est ce que cette notion n’est que le reflet
inversé du critère matériel ?
o
Pour le commissaire du
gouvernement, la présomption d’administrativité était une présomption
irréfragable : les contrats entre personnes publiques est un contrat
administratif.
§ Le
problème c’est que la jurisprudence semble s’éloigner de cette démarche
présomptive. Dans un certain nombre d’affaires, on voit le CE ou le TC
rechercher si le critère matériel est rempli. On peut citer un certain
nombre d’arrêts en ce sens :
èarrêt du TC de 1991, « Crous de l’académie de Nancy-Metz » :
un office public d’HLM met à la
disposition du Crous avec un contrat l’utilisation d’un foyer de logement pour
les étudiants. A priori contrat administratif puisque deux personnes publiques
au contrat. Or le TC va aller rechercher l’objet du contrat et dans cette
affaire oui c’est un contrat
administratif parce que l’objet du contrat concerne l’exécution du service
public du logement étudiant.
èL’arrêt du TC de 1999, « Commune de Bourisp » :
deux communes de montagne qui se cèdent
une partie de leur domaine skiable en vue d’installer sur la partie cédée un
service de remontée mécanique. La commune qui cède le terrain prévoit que ses
habitants auront un droit d’utilisation sur les remontées mécaniques. Dans
cette affaire le TC nous ressort le considérant de principe de l’arrêt UAP mais
il n’y a pas de rapport de droit privé car dans
le contrat il y a une clause exorbitante de droit commun. Donc c’est un contrat
administratif.
Les
hypothèses où la jurisprudence UAP à tenu pour acquis le fait que deux
personnes publiques=CA sont exceptionnelles.
B) Les
contrats entre personnes de droit privé
·
Un
contrat conclu entre personnes privées ne peut être qu’un contrat de droit
privé. Mais derrière les personnes morales de droit privé se
cache parfois des structures qui gèrent
des activités d’intérêt général, qui participent à des missions de service
public.
§ La
question qui se pose ici est de savoir s’il faut écarter les apparences
juridiques pour s’en tenir à la réalité sociologique de l’administration
publique. Pour aller dans ce sens, il y a deux arguments :
- 1ère argument du droit communautaire :
il assimile aux administrations publiques ce qu’il appelle les organismes de droit
public. Pour le droit communautaire, les organismes de droit public sont les EP mais aussi les organismes
de droit privé en charge d’une mission d’IG. Par exemple pour le droit communautaire les sociétés anonymes qui
gèrent des logements sont des organismes de droit public.
- 2ème argument de la jurisprudence Monpeurt :
un A passé par un organisme de droit
privé en charge d’une mission de SP peut être un AA.
La
jurisprudence administrative s’est toujours refusée à ce type d’analyse. Elle
considère que même lorsque l’une des parties privée au contrat est chargée
d’une mission de SP, le contrat n’est pas un CA.
Deux
arrêts :
- TC du 3 mars 1969, « société
Interlait» : à
propos d’un contrat passé par une institution publique chargée d’intervenir sur
le secteur du lait, notamment pour garantir les cours du lait. Cette
institution publique avait un statut de société commerciale et en litige
avec une entreprise le TC a estimé que le contrat ne pouvait être qu’un contrat de droit privé.
- Arrêt du 26 mars 1990,
« AFPA » : Association pour gérer le service de la
formation professionnelle des adultes. Le contrat en question
comportait des clauses exorbitantes. Pour autant, le TC a jugé que c’était une personne morale de droit privé donc
cela ne pouvait pas être un CA.
- Arrêt de 1972, TC, SNCF/Entreprise
Solon et Barrault : en l’espèce, le contrat en cause a été
conclu par la SNCF qui avait le statut de société commerciale en vue de la
réalisation de travaux publics (normalement application de la loi du 28 Pluviôse
an VIII). Le TC dit que
c’est un contrat de droit privé puisque c’est une société commerciale.
Or, plus tard, la
SNCF a été transformé en EP et depuis, les même contrats de réalisation de
travaux publics sont qualifiés par le juge de contrats administratifs.
·
Cela dit, le principe
défendu par la jurisprudence administrative repose sur de solides
arguments :
èLe
premier argument est de dire que si le législateur a souhaité conféré à ses
organismes un statut de droit privé c’est pour leur permettre d’utiliser des
procédés de gestion plus souple. Dire après coup que les
contrats qui passent sont des contrats administratifs irait à l’encontre de
l’intention du législateur. Or le juge doit normalement appliquer la loi et se
conformer à l’intention du législateur
èEt
généralement, l’utilisation de PPP est liée au fait que la personne publique
est en vérité la puissance publique.
·
Pas de transposition de
la jurisprudence Monpeurt en matière contractuelle. Pour autant, le principe
selon lequel un contrat conclu entre deux personnes privées ne peut jamais être
un CA connait des exceptions. Il y a des contrats
entre personnes privées qui vont être qualifiés de CA. Le problème
c’est que la doctrine n’est pas d’accord sur le nombre d’exceptions :
- La théorie du
mandat :
Le
mandat est un contrat par lequel une
personne publique va demander à une personne privée de passer un contrat en son
nom. Le mandataire va donc représenter
juridiquement la personne publique et va
donc agir au nom et pour le compte de la personne publique.
Dans
cette hypothèse, on est donc en face d’un faux contrat de personne privée. Le
contrat produit des effets à l’encontre de la collectivité publique qui a
consenti le mandat et c’est la responsabilité de la collectivité publique qui
pourra être engagée.
Le
mandat est normalement prévu par les textes. Le code de l’urbanisme prévoit que
l’Etat ou les CL peuvent confier à des sociétés d’aménagement le soin de
procéder pour leur compte à des acquisitions de terrain ou à des acquisitions
de travaux.
- Jurisprudence entreprise
« Peyrot » :
·
Dans cette affaire, le
TC a jugé que les marchés de travaux publics conclus par des sociétés
d’autoroute qui sont des sociétés de droit privé et qui sont normalement
concessionnaires devaient être considérés comme conclus pour le compte de
l’Etat et à ce titre être qualifiés de contrat
administratif.
§ Le
TC a estimé que la construction des autoroutes est une mission qui appartient par nature à
l’Etat et on ne peut pas considérer que l’Etat ne soit pas le pilote de ce
genre d’opération. Le TC a observé qu’en
pratique, les sociétés d’autoroute agissent en lieu et place des services de
l’Etat, lesquels continuent d’être
présents soit parce que c’est l’Etat qui finance l’opération, soit parce que l’Etat dirige sur le terrain les travaux.
Le TC
nous dit que ces contrats doivent relever du régime des contrats administratifs
pour permettre aux sociétés
d’autoroute de bénéficier des mêmes privilèges que
ceux accordés aux personnes publiques.
§ La
jurisprudence entreprise « Peyrot » ne s’applique pas uniquement aux
travaux autoroutiers, elle a été étendue à d’autres types d’opération et en
particulier aux travaux routiers ou à des travaux sur des ouvrages d’art.
C’est ce que révèle un arrêt du TC du 12 novembre 1984
« Société d’économie mixte du tunnel routier de sainte marie aux
mines ».
§ Mais
cette jurisprudence paraît concerner d’autres contrats, en particulier les contrats
conclus par les sociétés d’aménagement urbain avec les entreprises privées :
deux arrêts : CE, 1975 « Société
d’aménagement de la région Montpelliéraine », confirmé par
le TC, 1975, « Commune d’Agde ».
§ Une
autre extension avec les contrats conclus par le crédit de France
en vue de faciliter la réinstallation de français qui étaient expatriés (1976, Dame Cula).
§ Dernier
exemple : « Société Wanner, isophie,
isolation », 1993, TC, à propos de contrats pour la construction
d’une centrale nucléaire.
v Faut-il voir dans ces
derniers arrêts une application de l’entreprise Peyrot ou autre chose ? Un
troisième type d’exception ?
·
Une partie des auteurs
estiment que ces trois arrêts doivent être rattachés à la théorie du mandat
mais du mandat
tacite, c'est-à-dire que les sociétés en cause ne seraient pas
titulaires formellement d’un contrat de mandat mais le mandat serait tacite
dans la mesure où on le déduirait des
textes qui organisent la mission de ces personnes morales de droit privé.
·
Le juge aurait identifié
ce type de situations au regard de plusieurs indices :
- Il
s’agit toujours de contrats portant sur la réalisation
de travaux publics
- Le
cahier des charges en vu de la réalisation de ces travaux est fixé,
déterminé par les services de l’Etat eux-mêmes.
- Les
travaux sont financés par les
collectivités publiques, alors même que ces collectivités publiques ne sont
pas parties au contrat
- Une
fois achevée l’équipement est remis en
pleine propriété à la collectivité publique
·
Les règles du mandat s’appliquent
aux mandats tacites mais ne s’appliquent pas à la jurisprudence
entreprise Peyrot. Cela veut dire qu’en cas de mandat
tacite, la collectivité publique est réputée être partie au contrat alors que
dans le cadre de la jurisprudence entreprise Peyrot, la collectivité publique
n’est pas réputée être partie au contrat :
Ex :
CE, 27 janvier 1984, « Ville d’Avignon » :
Travaux pour l’aménagement d’une
place, les travaux accomplis par une entreprise privée ont été pour le compte
de la ville d’Avignon. Contrat effectué, mais on s’aperçoit qu’il y a un
certain nombre de malfaçons et la ville d’Avignon décide de se retourner contre
le constructeur et d’engager sa responsabilité contractuelle. Le CE dit que la ville d’Avignon ne peut
pas se retourner contre le constructeur car elle n’était pas partie au contrat,
elle n’était pas liée par un mandat.
paragraphe 2 : le critere matériel
·
Il ne suffit pas qu’une
personne publique soit partie au contrat pour que le contrat soit qualifié de
contrat administratif. Au critère organique la jurisprudence a ajouté un
critère matériel qui consiste à démontrer que le contrat en question est
bien un acte de gestion publique, que son exécution soulève des questions qui
ne sont pas susceptibles d’être réglées par le juge judiciaire.
§ Il
en va ainsi chaque fois que le contrat contient des clauses exorbitantes, ce qui
témoigne de la volonté des parties de se sortir du droit commun, d’insérer
leurs relations dans un rapport de droit public.
§ Et même s’il n’y a
pas de clauses exorbitantes, le juge peut être amené à vérifier que par son
objet, par les missions que l’on confie au cocontractant, cela ne peut pas être
un acte de gestion privé, en
particulier parce que le contrat va faire participer le cocontractant à
l’exécution même d’une mission de service public.
o
Cette idée que le juge
recherche ce qui témoigne de la gestion publique dans le contrat a été mise en
évidence par le commissaire du gouvernement Marceau Long dans ses conclusions
sur l’affaire Epoux Bertin du 20 avril 1956. Dans
ses conclusions, le commissaire du gouvernement explique que soit le contrat contient des clauses
exorbitantes et donc la qualification de contrat administratif s’impose, soit
le contrat n’en contient pas et il faut s’intéresser alors à l’objet du
contrat.
Ce
sont des critères alternatifs mais
dans la plupart des cas ce sont des critères qui seront remplis cumulativement.
A) Le
critère de la clause exorbitante
·
Ce critère a été défini
dans un arrêt de 1912, Société des granits
porphyroïdes des Vosges. La clause exorbitante est une clause que l’on ne retrouve pas dans les relations de droit
privé soit parce que ce serait incongru soit parce que c’est une clause
inégalitaire qui accorde à l’administration des privilèges, des pouvoirs
particuliers.
§ L’existence
de la clause exorbitante dans le contrat manifeste que les parties ont souhaité d’un commun accord se placer sur le terrain du
droit public et donc se soustraire à l’application du droit commun des contrats.
v Qu’est ce qui se passe
quand la clause exorbitante est nulle ?
En
tout état de cause, c’est au juge
administratif et non au juge judiciaire, d’apprécier le caractère nul ou
irrégulier de ce type de clause.
Si le
juge administratif décide que la clause n’est pas valide, dans bien des cas, si
elle touche de trop près à l’objet du contrat, cela entraînera la nullité du contrat lui-même.
1) Les clauses
exorbitantes : clauses inhabituelles ou inégalitaires
Il y a
plusieurs types de clauses exorbitantes et on peut essayer de distinguer 3 cas
de figure :
-
Les clauses qui
n’ont pas leur place dans des contrats entre personnes privées parce qu’elles
font référence à la situation particulière de l’administration publique.
C’est ce que l’on appelle les clauses inusuelles ou inhabituelles.
ð Par
exemple la clause qui prévoit que les
créances liées à l’exécution du contrat seront recouvrées par le procédé de
l’Etat exécutoire c'est-à-dire un dispositif financier du droit public qui
veut que quand l’administration a une créance sur une personne privée, elle n’a
pas besoin de le poursuivre en justice, il lui suffit de lui adresser un
commandement de payer. TC, 1950, Pelaboeuf.
ð De
la même manière, la clause qui consent
au cocontractant de l’administration des exonérations fiscales. TC, 1962, Cazautets.
ð La clause qui prévoit
que le cocontractant de l’administration pourra être amené à participer au
financement de certaines charges de police.
ð TC, 1999, Commune de Bourisp :
les habitants de la commune qui vend le terrain pourront avoir des tarifs
préférentiels. Le TC y a vu une clause exorbitante aux motifs que c’était une
clause qui emportait des effets sur des tiers.
- Les
clauses de
nature inégalitaire :
·
Celles qui reconnaissent à l’administration
cocontractante un certain nombre de prérogatives. En général, on cite
l’arrêt de 1965 « Société du vélodrome du Parc des
Princes » avec une série de clauses qui soumettent
l’activité du cocontractant au contrôle varié de l’administration :
o
D’abord, obligation
pour le cocontractant de communiquer les
résultats financiers et les documents comptable à l’administration
contractante.
o
Ensuite, possibilité
pour l’administration contractante de contrôler
le personnel employé avec possibilité d’exiger le renvoi.
o
Et contrôle enfin des tarifs pratiqués.
Ø Le
CE a jugé que l’on était dans une situation inégalitaire.
- Les
clauses qui font peser des obligations
particulières sur le cocontractant.
ð Par
exemple, pour l’exploitant d’un restaurant d’ouvrir selon un horaire fixé par
l’administration durant la période des sports d’hiver ; Obligation pour le
gérant de la salle d’assurer une certaine fréquence des représentations ;
obligation d’organiser certains types de spectacles ; obligation de
laisser la salle à la disposition de la commune pour l’organisation de diverses
manifestations.
- Toutes
les clauses qui octroient à
l’administration le pouvoir de suspendre l’exécution du contrat, le pouvoir de
le résilier voir de le modifier unilatéralement, témoigne de ce que les
parties ont souhaité se placer dans un rapport de droit public.
- Les clauses
de renvoi à un cahier des charges arrêté par l’administration :
Ces cahiers des charges sont des actes types et
n’ont pas en tant que tels de valeur juridique ; ils n’ont de valeur juridique que si un contrat s’y réfère et donc les
incorpore. A ce moment là, le cahier des charges a la valeur d’une clause
contractuelle.
ð La question qui s’est posée
au juge est de savoir si dès lors qu’il y a une clause de renvoi on doit
considérer que c’est une clause exorbitante ou au contraire faut-il aller
regarder dans le cahier des charges comprend lui-même des clauses de nature
exorbitante ?
Le
juge a hésité.
o
Dans les années 60, le
CE a jugé que la clause de renvoi valait
clause exorbitante. C’est notamment l’arrêt 1967, Roudier de Brille.
o
En 1999, le TC est
revenu sur cette disposition dans un arrêt UGAP et a
jugé que la clause de renvoi n’est une
clause exorbitante que si le cahier des charges comprend lui-même des clauses
exorbitantes.
Ø Dans
la pratique, la plupart contiennent des clauses exorbitantes donc ce n’est pas
grave mais elles n’en contiennent pas toutes.
2)
L’élargissement du critère de la clause exorbitante : le régime exorbitant
·
Ce critère a été dégagé
par le CE dans un arrêt de 1973 « Société
d’exploitation électrique de la rivière du Sant ». Le CE
juge qu’un
contrat est administratif dès lors que les relations entre l’administration et
son cocontractant sont organisées par des textes mais textes qui ont pour effet
de les soumettre à un régime exorbitant de droit commun.
ð Ici
était en cause un contrat conclu entre EDF et des petits producteurs
d’électricité. Les petits producteurs
d’électricité se voyaient dans l’obligation de revendre leur électricité à EDF.
En outre, le même texte prévoyait qu’en cas de conflit entre EDF et ces petits
producteurs, il fallait adresser un recours au ministre de l’industrie. De
ces textes législatifs, le CE a jugé que le contrat était un contrat qui
baignait dans le droit public. Le JA déduit que le contrat ne peut être
qu’un contrat administratif.
§ Cette
jurisprudence à trouver à s’appliquer une fois dans un arrêt de 1978 « Société Boulangerie du Kourou ».
Il s’agissait de contrats passés avec le centre national d’études spatiales. Le
juge a dit que cela ne pouvait être que des contrats administratifs.
§ Or il y a deux affaires où au contraire, le juge a estimé
que les conditions n’étaient pas réunies :
o
Un arrêt de 1993, « société centrale sidérurgique de
Richemont », une
administration d’Etat, le service de la navigation fluviale avait assuré dans
le cadre d’un marché de travaux la conception et la direction des travaux de
construction d’un ouvrage d’art qui permettait à des gazoducs de franchir la
Moselle. A la suite d’un accident de navigation, le service de la navigation a
été appelé en garantie. Le problème c’est que le règlement supposait de
déterminer au préalable la nature juridique du contrat. L’affaire est
portée devant le TC. Le préfet explique qu’on a affaire à un contrat
administratif parce que les conditions d’application de la jurisprudence
Rivière du Sant sont réunies aux motifs qu’il s’agit d’une opération de travaux
publics et que c’est une opération qui n’a été possible que parce que
l’administration d’Etat a autorisé l’occupation du domaine public. Le TC a
rejeté cette argumentation en expliquant que la société en question n’avait pas l’obligation légale de recourir
aux services de l’Etat et que l’arrêté
d’occupation du domaine public ne prévoyait pas cette obligation et
deuxièmement il n’y a pas non plus
d’obligation en cas de litige de le porter devant la juridiction administrative.
Le TC s’en tient exactement à la configuration de l’arrêt de 1973 (Rivière du
Sant), il ne cherche pas à aller plus loin.
o
Ensuite, arrêt de 1999, « Commune de Sauve »
à propos de savoir si le Code des marchés publics constitue un régime
exorbitant de telle sorte que tous
les contrats passés dans le cadre du code des marchés publics seraient des
contrats administratifs. Réponse du TC : non.
B) Le
critère du service public
·
Au début du 20ème
siècle, la jurisprudence a considéré que tout
contrat conclu pour l’exécution ou pour les besoins d’un service public, était
un CA.
§ Ce
courant d’opinion a trouvé à s’affirmer dans un arrêt Therond en 1910 : tous
les contrats passés pour les besoins du SP sont des CA. Cette solution avait
l’avantage de la simplicité et elle pouvait s’appuyer sur tout un courant
doctrinal qui était celui de l’école du
service public.
Mais le problème c’est que
cette jurisprudence aboutissait à une conception extensive du CA car d’une
certaine manière tous les contrats de l’administration poursuivent un but qui
est la satisfaction du SP.
§ C’est
sur ce caractère que la jurisprudence va revenir très rapidement et c’est en
rupture avec cet arrêt Thérond que le CE en 1912 dans
l’arrêt Société des granits porphyroïdes des Vosges nous dit que
le critère du SP est marginal. Le juge ne va plus y faire référence.
§ Ce
critère ne va revenir qu’à partir de la fin des années 50 dans deux
arrêts : 20 avril 1956, Epoux Bertin
et 1956, Ministre de l’Agriculture c/consorts Grimouard.
Ces deux arrêts réactivent le critère du SP mais sur une base plus réaliste
puisque le critère du SP vise non pas les contrats concluent pour les
besoins du service mais les contrats qui ont pour objet l’exécution même du service.
Ø Or
cette distinction n’est pas toujours aisée à faire car en vérité tout va
dépendre du contenu exact de la mission du SP. Quand une administration, un hôpital, une maison d’arrêt chargent une
société privée par contrat de fournir des téléviseurs aux usagers du service
public que sont les malades, les détenus, on est en face d’un contrat portant
sur l’objet même du service public ou simplement conclu pour les besoins du SP ?
§ La
jurisprudence hésite ou en tous cas distingue selon le contenu ou l’objet du
service lui- même. Pour les hôpitaux, fournir des téléviseurs aux malades,
il a jugé en 1994, dans un arrêt « Codiam »
que c’était un CA parce qu’il faisait
participer le cocontractant à l’exécution même du service.
§ Par
contre, dans les prisons, le TC dans un arrêt
« Bergas » de 1998, a considéré que le même type de
contrat était un contrat de droit privé.
v Cela dit, la jurisprudence Bertin conduit à illustrer, à
mettre en avant 3 types d’hypothèses :
- Les
contrats qui portent sur l’organisation du service public.
ð Par
exemple les contrats concluent entre deux personnes publiques et qui visent à
assurer ou à coordonner leur mission. Ex : contrat conclu entre deux EP
entre EDF et la compagnie nationale du Rhône. Le TC en 1995 dans
l’affaire Préfet d’Ile de France a jugé que c’était un CA.
- Les
contrats par lesquels l’administration confie à un tiers l’exploitation d’un SP :
ce que l’on appelle les contrats de délégation de service public.
ð C’est
notamment le cas de l’affaire Bertin de 1956.
L’administration avait demandé aux époux Bertin
de s’occuper de réfugiés Soviétiques. La question qui se posait était de savoir
quelle était la nature du contrat. Le CE va juger en l’espèce que
l’administration avait confié aux époux Bertin une mission relevant du SP du
rapatriement et que dès lors cela ne pouvait être qu’un CA.
L’une des questions est de savoir si
l’activité est une activité de SP ? il y a parfois matière
à hésiter. Par exemple pour le lâcher de
taureau, l’administration a jugé que c’était un SP.
- Les
contrats par lesquels l’administration recrute des agents pour le
fonctionnement des SP.
ð Pendant
longtemps, la jurisprudence a été exagérément subtile. Elle distinguait
entre les agents qui faisaient directement participer ceux-ci au SP et ceux qui
n’y participaient pas directement. Par
exemple, au CROUS, le cuisinier participait directement à l’exécution SP ;
or la femme de ménage participait seulement au besoin du SP.
La jurisprudence est revenue sur cette
distinction dans une affaire célèbre qui est l’affaire
Berkani à propos d’une personne chargée du nettoyage dans un
Crous, 25 mars 1996, où le juge a estimé que dès lors qu’un agent était recruté dans
le cadre d’une mission de SPA, ce sont des agents publics donc le contrat est
un CA.
paragraphe 3 : un critere formel
·
Ce critère formel
résulte de la loi MURSEF de 2001 qui pose pour
règle que les
contrats passés par les personnes publiques et qui sont soumis au code des
marchés publics sont des contrats administratifs par détermination de la loi
c'est-à-dire que leur contentieux relève des juridictions administratives.
§ Ce
nouveau critère s’inscrit dans une logique de simplification du droit. Le
problème c’est que le législateur met en correspondance deux notions
juridiques qui n’ont pas la même fonction :
- D’un
côté, la notion de marché public
qui a pour vocation à obliger
l’administration quand elle passe un certain type de contrats à titre
onéreux par lesquels elle commande des prestations à des opérateurs privés des
obligations de transparence, de publicité et de mise en concurrence des
candidats susceptibles d’être intéressés par cette commande publique. Le but
est d’assurer l’égalité de traitement
entre opérateurs économiques.
- La
notion de CA a une autre fonction : quand
l’administration passe un acte qui relève plutôt de la gestion publique,
le contrat doit relever du juge administratif.
v Que change la loi ?
·
Au plan statistique,
cela va faire
tomber l’immense majorité des contrats de l’administration dans le champ du
droit public.
·
Dans la substance même
du droit, la jurisprudence granit porphyroïdes des Vosges,
la jurisprudence Bertin, avaient l’idée que
les CA sont des actes qui révèlent de la gestion publique qui n’est pas
appréhendable par le juge judiciaire. Or ici les marchés publics sont des actes de gestion courante donc
fondamentalement c’est la conception même du contrat
administratif qui est bouleversé.
v De
ce critère formel, la notion de CA change mais c’est un faux critère formel car en vérité, le code des marchés
publics repose sur un critère organique
(contrat passé par une personne publique) et matériel. Est un marché public tout contrat par lequel l’administration
se procure une prestation moyennant un prix. On est presque revenu à
la jurisprudence Thérond (tous les contrats
passés pour le besoin du SP est un CA). Donc on revient à une conception large
du CA.
- Il
y a aussi une rupture avec la logique de la jurisprudence
Société des granits porphyroïdes des Vosges car le caractère administratif du contrat tient à
la volonté des parties (c’est les
parties qui acceptent d’insérer une clause exorbitante et de se placer sous un
régime de droit public) alors qu’ici
elles tombent contre leur volonté sous la notion de contrat administratif.
- On
pourrait dire que s’il en est ainsi c’est parce que le législateur ne fait
qu’appliquer la jurisprudence Rivière du Sant. Sauf
que le TC en 1999, a précisément rejeté cet argument èTC, 1999, Commune de Sauve, rejette l’argument selon lequel des lors que le
contrat est soumis au code des marchés publics, il était administratif car
soumis à un régime exorbitant du droit commun. Le TC a dit qu’il n’y
a pas régime exorbitant du droit commun notamment parce que le code des marchés
publics n’a pas d’incidence sur l’exécution du contrat. La loi prend aussi à
contre pied ce critère du régime exorbitant. La loi est venue casser la
jurisprudence Commune de Sauve.
Ø Aujourd’hui,
le CA englobe aussi des actes de
gestion courante.
section 2 : l’execution des contrats
administratifs
·
Les points les plus
spécifiques du régime administratif relève du volet « exécution ».
On y retrouve très largement les constructions du droit civil c'est-à-dire que le
consentement de l’administration peut se trouver vicié de la même manière qu’en
droit civil. Le JA est susceptible de reconnaitre la nullité de contrat dont le consentement serait vicié. A une
différence prés : en pratique, le contentieux de la nullité du contrat est
exceptionnel car il est difficile d’extorquer le consentement de
l’administration par la violence, par dol (agents administratifs informés,
compétents). Ce qu’on retrouve surtout en matière d’attribution, ce sont les
règles des compétences.
·
S’agissant
de l’attribution des CA, elle n’obéit pas à des règles générales à la
différence de l’exécution des CA pour laquelle la doctrine a mis en
évidence l’existence d’une théorie générale du CA. On
est aujourd’hui sur l’idée de l’application
de législations spéciales en fonction du type de contrat passé avec
notamment une distinction fondamentale qui est la distinction entre les marchés publics
et les délégations
de service public.
·
La doctrine de droit
public à la suite de Gaston Jèze et dans le prolongement de l’école
du SP a expliqué que les règles
applicables au CA n’avaient rien à voir avec les règles applicables aux
contrats de droit civil parce qu’elles étaient essentiellement justifiées
parce que le contrat était conclu pour
les besoins du service public et que du coup il pesait des obligations particulières sur le
cocontractant de l’administration. Le
droit applicable au CA relevait plus du droit des SP que du droit des contrats
au sens strict.
§ Il
y a un courant de la doctrine qui a cherché à survaloriser l’autonomie juridique des contrats administratifs
par rapport aux contrats de droit civil en mettant en avant les prérogatives que détient
l’administration contractante et qui repose sur un triptyque : pouvoir de contrôle
et de sanction du cocontractant, pouvoir de modification unilatérale du
contrat, pouvoir de résiliation unilatérale du contrat. Prérogatives
qui font un contrat à armes inégales, ce qui a amené certains auteurs à douter
de la nature contractuelle du contrat administratif au nom de l’idée qu’un
contrat est dominé par le principe d’égalité entre les parties.
·
Hauriou écrivait à propos du CA : « cet
acte de réquisition librement consenti ». Expression même d’un
pouvoir de contrainte pour les besoins du service auquel on adhère librement.
v Si
l’administration a des prérogatives, le cocontractant a des droits qui
contrebalancent largement celles-ci (essentiellement des droits
financiers). Ce qui fait que l’administration hésitera longuement avant de
mettre en œuvre ses prérogatives
v En
dépit de ces prérogatives que l’administration ne peut utiliser qu’à certaines
conditions, le contrat administratif
reste un engagement synallagmatique c'est-à-dire que l’administration
est tenue au respect des obligations contractuelles et elle engage sa
responsabilité contractuelle si elle viole le contrat. Il existe en DA, le
principe de la force obligatoire du contrat.
Quelles sont les prérogatives reconnues à
l’administration contractante et quels sont les droits que la jurisprudence
reconnaît à son cocontractant ?
paragraphe 1 : les prerogatives de
l’administration contractante
·
Un
contrat administratif est toujours conclu pour les besoins du SP. Le
DA s’efforce de garantir que ce contrat sera correctement exécuté par l’autre
partie donc que l’administration puisse s’assurer de la bonne exécution du
contrat.
·
A ce titre, elle
reconnaît à l’administration un certain
nombre de pouvoirs qui lui permettront de vérifier que le cocontractant exécute
normalement le contrat. De manière plus originale, on va également
reconnaître à l’administration le pouvoir de modifier unilatéralement le
contrat, ainsi que le pouvoir de résilier unilatéralement le contrat.
A) Les
privilèges de l’administration en vue d’assurer l’exécution du contrat
Ces
privilèges sont au nombre de trois :
1) Le pouvoir
de contrôle et de direction
·
D’abord,
l’administration a un pouvoir de contrôle de l’activité de son cocontractant et
même parfois de direction de l’activité de son cocontractant. Ce
pouvoir est généralement prévu soit par les clauses du contrat, soit par
un texte extérieur au contrat.
ð Par exemple, dans le droit des travaux publics, l’administration a un
pouvoir de direction du chantier qui est organisé par le cahier des clauses administratives générales = modèle de document
élaboré par l’administration auquel l’administration quand elle contracte a la
possibilité de se référer. Si le contrat s’y réfère, les clauses du CCAG
ont valeur contractuelle.
ð De la même manière,
dans le droit des délégations du SP, il y a
un certain nombre de dispositions qui placent l’activité du cocontractant sous
le contrôle de l’administration. Exemple : le code général des
collectivités territoriales, l’article L1411-3 prévoit que chaque année le
délégataire doit rendre un rapport à l’autorité délégante qui comporte la totalité
des opérations liées à l’exécution du SP et une analyse de la qualité du
service rendu.
v La question qui se pose est de savoir si même sans texte,
ce pouvoir de contrôle et de direction existe ? La
doctrine incite plutôt à avoir une réponse positive autour de 2 éléments :
- l’un
tiré du droit
des SP et qui dit que l’administration
qui est en charge de l’intérêt général ne peut pas se désintéresser de
l’exécution du SP même si elle l’a délégué
- L’autre
tiré du droit
des travaux publics qui considère que l’administration peut à tout moment par un ordre de service prescrire à
son cocontractant de refaire des travaux mal faits, de faire des travaux supplémentaires ou de les modifier.
·
Le problème c’est que
la jurisprudence n’a pas pu confirmer ce point de vue. Les arrêts que nous
pouvons citer sont des arrêts périphériques qui ne répondent pas directement
à la question :
- Arrêt, 1948, Société de l’électricité
et des eaux de Madagascar. Dans cette affaire, le juge a
précisé que l’administration pouvait voir sa responsabilité engagée en cas de non mise en œuvre de son pouvoir de
contrôle à l’égard d’un concessionnaire du SP.
- Arrêt, CE, 1930, Chemin de fer de
Paris-Lyon-Marseille. Le CE précise que le pouvoir de contrôle et de direction est d’interprétation stricte
et en l’espèce le CE juge que sur la base de clause du contrat prévoyant ce
pouvoir de direction et de contrôle, l’administration ne peut pas s’attribuer
un pouvoir de gestion du SP.
Ø En
pratique, la question n’a que peu d’intérêt, car la plupart des contrats spécifie expressément l’existence de ce pouvoir de
direction et de contrôle.
2) Le pouvoir
de sanction
·
L’administration a le pouvoir d’infliger des sanctions à son cocontractant
quand celui-ci méconnait ses obligations contractuelles ou quand il ne suit pas
les instructions reçues.
Les sanctions sont généralement prévues par
le contrat lui-même ou par un CCAG (cahier des clauses administratives
générales) et on parle alors de clause
pénale. Les sanctions sont de deux ordres :
- Les sanctions
pécuniaires qui se traduisent par des pénalités financières
Elles
sont généralement fixées par le contrat ou par le CCAG auquel le contrat
renvoie. L’exemple type est la sanction
pour retard d’exécution.
v La
question qui se pose est de savoir si l’administration peut infliger des
amendes non contractuelles c'est-à-dire non prévues au contrat en particulier
quand les sanctions prévues par le contrat sont non sévères et qu’elles
aboutiraient à un traitement disproportionné à l’égard du cocontractant. La
question est notamment de savoir si l’administration peut pour des manquements
moins graves que ceux envisagés par le contrat, improviser et adapter les
sanctions ?
§ La
réponse a d’abord été donnée par un arrêt de 1907 qui est l’arrêt
Deplanque, qui a autorisé
l’administration contractante à saisir le juge pour lui demander d’infliger au
cocontractant des sanctions adaptées mais non prévues au contrat.
Cette
jurisprudence Deplanque a aujourd’hui une portée relative d’abord parce que cet
arrêt reposait sur un raisonnement ambigu dans la mesure où l’arrêt est rendu
sur les conclusions du commissaire du gouvernement Romieu et celui-ci n’est pas
très clair, il semble confondre deux institutions juridiques très
différentes : d’un côté l’action en DI (suppose un préjudice et
l’indemnisation ne pourra que couvrir le préjudice) et de l’autre le pouvoir de
sanction (ne suppose pas de préjudice).
§ Le
CE a précisé sa jurisprudence par un arrêt du 6 mai 1985, Office
public d’HLM d’Avignon où il reconnait que l’administration contractante a d’elle-même le pouvoir d’infliger des
sanctions non prévues par le contrat quand il s’agit toujours de trouver des
sanctions minorées pour tenir compte de la gravité moindre du cocontractant.
Le CE nous dit dans cette affaire que ce pouvoir de sanction relève des pouvoirs de
coercition inhérent à tout contrat passé pour l’exécution d’un SP.
§ Une
des questions qui se pose au juge en la matière est de savoir si le juge
peut moduler et revoir à la baisse les sanctions prévues par le contrat quand
leur application aboutit à un traitement disproportionné, notamment quand
leur application conduit à sanctionner beaucoup trop lourdement le
cocontractant. Pendant longtemps, le juge a refusé de moduler et de contrôler
l’application des clauses pénales. L’administration est revenue sur cette
position en 2006 dans un arrêt SARL Serbois :
il revient au
juge de moduler l’application des clauses pénales.
- Les sanctions
coercitives qui vont se traduire par autre chose que des amendes
·
Les sanctions coercitives sont là pour pallier la carence du
cocontractant. On est dans l’hypothèse où le cocontractant
est défaillant, il n’exécute pas le contrat. Dans cette hypothèse,
l’administration a la possibilité de confier
l’exécution du contrat a une autre entreprise et de faire exécuter le contrat
aux risques et périls du premier cocontractant.
S’il y a un surcoût par rapport au coût prévu
par le contrat, ce surcoût sera exigé du premier cocontractant.
§ Ce
pouvoir de coercition est généralement organisé par le contrat lui-même
et leur appellation terminologique varie selon le type de contrat.
ð Dans les marchés de
travaux, on parle de la mise en régie.
Dans les marchés de fournitures, on parle de l’exécution par défaut. Dans le droit des délégations de SP, on
parle de la mise sous séquestre.
§ Le
cocontractant n’est pas dépourvu de droits et peut notamment faire valoir en cas de dépassement du coût
que la nouvelle entreprise a commis un certain nombre de fautes ou négligence.
§ La
jurisprudence a jugé d’autre part que l’exercice du pouvoir de sanction ne fait
pas obstacle a la possibilité reconnue à l’administration
de se pourvoir devant le juge pour réclamer une indemnisation
des préjudices subies. Il y a une sorte de droit d’option. C’est ce que rappelle le CE, dans un
arrêt de 1983, Société Pro-pétrole
3)
L’interdiction faite au cocontractant d’opposer à l’administration une
exception d’inexécution
·
Le cocontractant est toujours tenu de poursuivre l’exécution du
contrat jusqu’à son terme même si l’administration n’exécute pas ses
obligations et en particulier ses obligations financières. La
logique est la continuité du SP.
Cette règle est sévère parce que la réciproque n’est pas vraie.
·
Les
fautes du cocontractant autorisent à l’administration a ne pas exécuter le
contrat. Dans ce cas de figure, le cocontractant peut
saisir le juge pour obtenir soit une indemnisation soit pour obtenir la
résolution du contrat, en particulier si la gravité de sa situation le
justifie.
B) Le
pouvoir de modification unilatérale
·
L’administration peut elle-même exiger la modification d’une clause
du contrat.
§ Une
partie de la doctrine a longtemps contesté l’existence de ce pouvoir en
expliquant que si on allait dans ce sens, on ruinait la dimension contractuelle
du CA.
§
Ce
pouvoir est classiquement illustré par un arrêt de 1910 qui est l’arrêt
Compagnie générale des tramways de Marseille. Dans cette
affaire, le CE a admis la possibilité
pour l’administration contractante d’exiger la modification unilatérale d’une
concession de tramways et admis notamment la demande de l’administration
d’exiger de son concessionnaire qu’en période d’été, il mette plus de lignes en
service et plus de wagons pour pouvoir transporter plus de voyageurs.
Le CE
avait donné raison à l’administration car il en allait de la réalisation du SP.
- La
portée de cet arrêt a été contestée par un certain nombre d’auteurs qui
faisaient valoir qu’en l’espèce dans l’affaire de 1910, le pouvoir reconnu à l’administration reposait non pas sur le contrat mais
sur un texte extérieur au contrat, un décret qui prévoyait que le préfet
pouvait exiger des concessionnaires une augmentation du nombre de rames.
- Un
autre courant de la doctrine explique que le CE avait bien dégagé une nouvelle règle générale applicable à tous les
contrats administratifs.
§ Le
débat a duré jusqu’en 1980 et il a été réglé par le CE en 1983 dans
l’arrêt Union des transports publics urbains et régionaux. Dans cette affaire, était contesté devant le
CE un décret qui attribuait à l’administration dans le cadre des délégations de
SP du transport un pouvoir de modification unilatérale des conditions
d’exécution du contrat. Recours rejeté par CE en relevant que le
gouvernement en adoptant ce texte s’est borné à faire application des règles générales
applicables au CA.
Ø Tout
CA permet à l’administration de modifier unilatéralement les clauses du
contrat.
·
Ce pouvoir de
modification unilatérale est ouvert à l’administration pour tenir compte de
considérations liées à l’intérêt
général et notamment pour adapter
la prestation ou les obligations contractuelles aux besoins des usagers. Ce
type d’arguments avait déjà été mis en avant dans une affaire plus ancienne
dans un arrêt de 1902, Compagnie nouvelle de Deville lès Rouen.
Le CE a admis le droit de la commune
de rompre le contrat qui l’a lié à une compagnie gazière au motif que cette dernière
ait refusé de faire évoluer sa prestation.
·
Généralement, la
question de savoir si ce pouvoir de modification existe de plein droit est une question
théorique car la plupart des
contrats le prévoient et organisent les conditions d’organisation du
cocontractant en ce sens. L’une des contreparties de ce pouvoir de modification
unilatérale est le maintien de
l’équilibre financier du contrat : le cocontractant a droit à être indemnisé du préjudice subi à raison
des charges nouvelles qui pèsent sur lui.
v L’une des questions qui
se pose en doctrine est de savoir sur quoi finalement reposer ce pouvoir de
modification unilatérale ?
·
C’est un pouvoir extérieur
au contrat qui justifie ce pouvoir de modification unilatérale : c’est
le pouvoir
général d’organisation des services publics. L’idée est que l’administration concédante ne peut pas se
désintéresser des SP car elle garde la haute main sur le service.
o
Cette explication amène
certains auteurs à considérer que ce qui peut être modifié tient uniquement aux
clauses qui intéressent le fonctionnement
du service, ce qui signifie a contrario que les clauses financières, celles qui concerneraient la rémunération du
cocontractant seraient intangibles.
o
Même si cette opinion
doctrinale est admise, les choses sont plus complexes et il faut distinguer
selon la nature du contrat :
- Si
c’est un marché
public, généralement la rémunération du cocontractant est constituée
d’un prix et ce prix est généralement forfaitaire et à ce titre, il est intangible.
Sauf
que tout dépendra en vérité de l’importance de la modification demandée. Quand
la rémunération du cocontractant est assurée par un tarif payé par l’usager, la
clause financière intéresse aussi l’organisation du service.
·
L’administration
n’a pas le pouvoir de renoncer par une clause contractuelle à ce pouvoir de
modification unilatérale. Toute clause qui prévoirait
ce type de pouvoir est nulle. Ce pouvoir, l’administration ne le détient pas en
tant qu’un droit objectif, en tant que partie au contrat mais c’est un pouvoir qu’elle tient de sa responsabilité
plus large qui est d’organiser les services publics. Ce pouvoir peut être aménagé par les textes.
Dans les
marchés de travaux, il est prévu que le titulaire du marché de travaux n’est
tenu d’exécuter des travaux nouveaux que dans la limite du 10ème de
la masse globale des travaux.
·
Enfin, les modifications trop importantes sont
interdites, notamment celles qui aboutiraient à bouleverser l’économie générale
du contrat.
Dans ce cas là, on est face à 2 situations : le
cocontractant peut demander au juge la
résiliation du contrat ; quand l’administration procède à des
modifications trop importantes, l’administration
est tenue de renégocier le contrat
et elle est tenue de remettre en concurrence, y compris quand le
cocontractant serait d’accord pour la modification.
C) Le
pouvoir de mettre fin au contrat : la résiliation unilatérale
On est
dans une situation assez paradoxale car autant les pouvoirs de modification du
contrat étaient contestés par la doctrine, autant ce pouvoir de résiliation
unilatérale n’a jamais été remis en cause. Ce pouvoir existe dans deux
hypothèses très différentes. Dans les deux cas, l’existence de cette prérogative dispense l’administration de saisir le
juge pour prononcer la résolution du contrat. Il y a des hypothèses où
l’administration aura intérêt à saisir le juge pour obtenir la résiliation du
contrat.
1) La
résiliation unilatérale à titre de sanction
·
C’est un pouvoir exorbitant
qui se rattache au pouvoir général de sanction.
o
La résiliation
constitue la réponse appropriée aux manquements les plus graves du
cocontractant. Ces manquements sont généralement tout ce qui porte atteinte
à la continuité du service public, l’arrêt des travaux ou encore le manquement
à des obligations particulièrement strictes qui portent atteinte au pouvoir
d’organisation du SP de l’administration (ex du cocontractant qui cède le
contrat à un tiers : la cession de contrat est soumise à l’autorisation de
l’administration contractante et si la cession a lieu sans que l’administration
l’ait autorisé, une des sanctions c’est la résiliation du contrat.)
o
La jurisprudence admet
que la résiliation du contrat peut être prononcée pour des manquements par le cocontractant à ses obligations financières. Deux
arrêts qui illustrent cet élargissement :
- Un
arrêt du CE de 1988 « Société d’étude et de réalisation
des applications du froid ». Un contrat est passé pour l’exploitation d’une patinoire et d’un
parking souterrain. L’entreprise privée est chargée d’assurer une partie du
financement de cette construction. Elle doit obtenir un certain nombre
d’emprunts auprès des banques. Les banques n’accordent pas les emprunts
attendus. La situation financière se dégrade, retard et arrêt du chantier. La résiliation est prononcée par
l’administration et le juge considère que c’est à bon droit que cette
résiliation a été annoncée.
- Arrêt « Copel », 1991, à propos d’un exploitant d’une remontée
mécanique qui expliquait à la commune que l’exploitation de ce service était
déficitaire et qu’il ne pouvait pas s’acquitter des obligations financières
prévues. La commune décide de
mettre fin au contrat de manière unilatérale et le juge lui reconnait
ce pouvoir.
·
Cela dit, le comportement de
l’administration qui voit des difficultés d’exécution du contrat qui
n’avait pas été prévues au moment de la situation du contrat, peuvent atténuer la
faute du cocontractant et dès lors si la faute n’apparait plus comme une
faute grave, la résiliation sanction apparait comme une mesure
disproportionnée qui rend donc injustifiée la rupture du contrat :
o
Arrêt de 1991, « Département de la
Haute Loire » : une convention est passée par un département en vue de concéder
l’exploitation d’un hôtel restaurant sur un site touristique. Après plusieurs
années d’exploitation, le département décide de mettre fin à la concession en
se prévalant de différentes fautes du cocontractant. L’affaire vient devant le
juge, le cocontractant explique qu’il a commis des manquements mais qu’il n’est
pas le seul à avoir manqué au contrat. Le tribunal nomme un expert et le
rapport fait apparaître que le concessionnaire n’a pas disposé de tous les
moyens nécessaires à une exploitation normale. Au vu de ces éléments, le
Conseil d’Etat juge que les manquements reprochés au concessionnaire ne
présentent pas un caractère de suffisante qualité justifiant une résiliation
sans indemnité. Le CE prononce la
résiliation du contrat mais aux torts exclusifs du département, ce qui a pour
effet de renverser la charge de l’indemnisation donc d’engager la
responsabilité contractuelle de l’administration.
·
Les contrats
contiennent le plus souvent des clauses
qui attribuent le pouvoir à l’administration de prononcer la résiliation du
cocontractant.
v La question qui se pose
est de savoir si le pouvoir existe quand le contrat n’a rien prévu ?
o
La jurisprudence répond
par l’affirmative notamment en expliquant que le pouvoir de résiliation sanction se rattache aux règles générales
applicables au CA.
- En
particulier, dans un arrêt de 1983, « SARL
Comexp » : le
contrat prévoyait bien l’existence d’un pouvoir de résiliation unilatérale mais
donnait une liste limitative des motifs susceptibles de justifier cette
résiliation unilatérale. Or en l’espèce, l’administration décide de rompre le
contrat à la suite de divers événements et incidents mais qui ne correspondent
pas à la liste établie par le contrat. L’affaire vient devant le JA et il
explique que la circonstance que le
contrat ait énuméré une liste ne prive
pas l’administration de prononcer la résiliation dans d’autres circonstances
parce que le pouvoir de résiliation unilatérale ne découle pas du contrat mais
des règles générales du CA, fondées sur le pouvoir d’organisation du service
qui est extérieur au contrat.
·
Ce pouvoir est encadré
de manière procédurale c'est-à-dire que la résiliation unilatérale doit toujours être précédé d’une
mise en demeure du cocontractant qui doit donc être amené à s’acquitter
de ses obligations, et si cette mise en demeure reste sans effets, elle est
amenée à résilier le contrat.
v En matière de
concessions de SP :
o
La
jurisprudence a développé en matière de concessions
de SP, des solutions différentes dans la mesure où
généralement la concession de SP s’est accompagnée d’une concession de travaux
par laquelle le cocontractant a financé les premiers investissements permettant
d’exploiter le SP : exemple dans le cadre d’une concession de distribution
d’eau, le concessionnaire a construit le réseau de distribution.
Ø Il
faut apporter une protection particulière à ces entreprises, et c’est ce que
fait la jurisprudence qui dit qu’à défaut de clause contractuelle prévoyant la résiliation
sanction, (en matière de concession, on parle de déchéance) l’administration ne
peut pas de plein droit prononcer la résiliation unilatérale du contrat. Elle
doit s’adresser au juge en vue d’obtenir cette résiliation.
·
Deux arrêts qui
illustrent cette limitation :
-
Tessier, CE, 1892
-
CE, 1980, Syndicat intercommunal de
Peyresoure Balestras
Le JA en matière de concession
a le pouvoir exceptionnel d’annuler la résiliation du contrat s’il l’estime
infondée.
La
jurisprudence a causé un certain trouble en doctrine puisque sur ces affaires
la jurisprudence rend très peu d’arrêts. La doctrine avait commencé à
expliquer qu’il fallait conclure de l’arrêt de 1980, Syndicat
intercommunal de Peyresoure Balestras que dans tous les cas
l’administration n’avait pas le pouvoir de prononcer la déchéance du
cocontractant, même quand la déchéance était prévue par le contrat. Cette
interprétation a été démentie par le CE dans un arrêt de 1991
« Copel », qui nous dit que le juge n’a pas le monopole de la déchéance, ce pouvoir appartient
aussi à l’administration dès lors qu’il est prévu par le contrat. En tout
état de cause, le juge pourra être saisi pour préciser les conséquences
indemnitaires de l’utilisation de ce pouvoir.
2) La
résiliation unilatérale pour motif d’intérêt général
·
La jurisprudence admet qu’en l’absence de faute du cocontractant,
l’administration peut mettre fin au contrat de sa propre initiative quand elle
va considérer que le contrat ne correspond plus aux besoins du SP.
La jurisprudence a admis que ce pouvoir existe de plein droit,
ce que rappelle le CE, en 1958, « Distillerie
de Magnac Laval ».
·
Là encore, l’administration ne peut pas renoncer à
l’exercice de ce pouvoir et toute clause contraire est nulle, c’est ce
qu’a rappelé le CE en 1985, « Association
Eurolat ».
·
Le contrat peut organiser l’exercice du pouvoir de résiliation,
c’est ce qu’a rappelé le CE dans un arrêt de 2001,
« Syndicat intercommunal de Guzet-Neige ».
v En
matière de concessions, la doctrine a commencé à expliquer que ce pouvoir
n’existait pas parce qu’il fallait protéger les intérêts financiers du
concessionnaires.
Cette thèse a été démentie par la jurisprudence
et notamment par un arrêt du CE du 2 février
« TV6 » à propos
de la résiliation par l’Etat du contrat liant l’Etat à la première chaine
musicale. Réponse CE : il
appartient à l’autorité concédante en vertu des règles générales applicables au
CA de mettre fin à long terme à un contrat de concession pour des motifs
d’intérêt général justifiant que l’exploitation du service soit abandonnée ou
soit établie sur des bases nouvelles.
§ Le
CE a rendu un arrêt « Sofap Marignan » :
cette affaire concerne un contrat conclu
par une commune sur le fondement d’une loi qui autorisait les collectivités
territoriales à passer des baux emphytéotiques.
C’était une innovation législative parce que normalement sur le domaine
public, les occupants ne peuvent pas être titulaires de droits réels. On a une loi qui prévoit que sur le domaine public,
les collectivités territoriales pourront passer des baux emphytéotiques.
L’idée est de donner aux occupants du domaine public des garanties équivalentes
à celle donnée par le droit privé aux investisseurs ce qui exclut toute résiliation unilatérale du contrat. Le problème
c’est que la loi nous dit que ce sont des contrats dont le contentieux relèvera des juridictions administratives et donc c’est
un contrat par détermination de la
loi. Le CE y conclut alors
que le législateur a aussi voulu que s’y applique le régime général des CA et en particulier la possibilité pour l’administration
contractante de s’attribuer dans le contrat un pouvoir de résiliation
unilatérale.
·
Cela dit, ce pouvoir
exorbitant de résilier unilatéralement le contrat n’est pas reconnu uniquement
par le juge administratif. D’autres juridictions que le juge administratif
l’admettent :
- Tout d’abord le conseil constitutionnel l’a admis dans une décision du 18 janvier 1985 :
il a estimé à propos des contrats
d’association conclus entre les communes et les établissements scolaires
d’enseignement privé que la CT pouvait résilier unilatéralement le contrat.
Principe conforme aux règles des CA
- La
CEDH dans une affaire des raffineries grecques, la cour a admis que dans les
contrats où l’Etat est partie, celui-ci peut prévoir ou peut exercer un pouvoir
de résiliation unilatérale pour tenir compte d’exigences d’intérêt général qui
doivent primer sur la stabilité des situations contractuelles. Cela dit, ce
pouvoir de résiliation est donc reconnu
mais toujours soumis à un motif légitime. Il doit s’appuyer sur des considérations
d’intérêt général et il va appartenir au juge de contrôler la validité
de ce motif.
v Quelques
exemples :
- L’arrêt de 1987, Société TV6, à la demande du législateur,
réorganisation du SP de l’audiovisuel. Dans cette affaire, la loi n’avait pas
encore été adoptée. Le CE considérait que la réforme était
suffisamment avancée pour justifier la rupture
du contrat.
- CE, 1996, Société des téléphériques du
massif du Mont Blanc. Il
s’agissait d’une société qui était concessionnaire d’un domaine skiable qui
fait l’objet d’une modification de son capital social et qui voit arriver dans
son capital social la commune voisine en tant que principal actionnaire, d’où
risque de conflit d’intérêt dans la mesure où les 2 domaines skiables sont
concurrents. Le CE admet que la
commune puisse résilier le contrat unilatéralement au regard de ce conflit
d’intérêt.
- Arrêt Sellier de 1963 : les considérations d’intérêt général
tiennent à la bonne gestion du domaine public et notamment en l’espèce, au refus du titulaire d’une convention
d’occupation du domaine public de payer une redevance plus élevée.
- Arrêt du CE de 1996, Coisne : le
juge admet la résiliation du contrat
en raison d’irrégularités dans la rédaction de certaines clauses.
v Que se passe-t-il quand
le juge estime que le motif n’est pas légitime ?
Quand
le motif n’est pas légitime, le juge
n’a pas le pouvoir d’annuler la mesure de résiliation sauf en matière
de concession et sauf dans les contrats où le cocontractant a réalisé des
investissements non encore amortis. Ce qu’il peut faire c’est se placer sur
le terrain du contentieux indemnitaire, de la responsabilité de l’administration pour faute et donc indemniser le
cocontractant du préjudice subi.
De
toute manière, en cas de rupture pour
motif d’intérêt général, le cocontractant a droit à l’indemnisation du
préjudice subi et comme on ne peut pas indemniser plus que le préjudice
subi, le fait que la résiliation soit illégale ou pas, cela ne change rien.
3) Le recours
au juge pour obtenir la résiliation unilatérale
·
Dans certains cas, elle peut préférer saisir directement le
juge plutôt que d’user de son pouvoir de résiliation unilatéral.
L’enjeu est de faire constater au juge que le contrat n’est plus viable et
qu’il faut donc le résilier. L’intérêt est que le cocontractant n’aura droit à aucune
indemnisation.
o
Ce cas de figure peut
être illustré par l’arrêt de 2008, Syndicat mixte
de la région de Pic Saint Loup : contrat conclu entre une commune et un syndicat intercommunal relatif
au SP de la distribution d’eau, par lequel le syndicat intercommunal achète de
l’eau à une commune. Ce contrat est conclu sans terme, on ne sait pas quand il
s’arrête et le problème c’est que le contexte économique va évoluer par rapport
où la date a été conclu et les tarifs ne sont pas les mêmes. Une des parties
s’inquiète du caractère inadapté de ce contrat. Elle saisit donc le juge pour faire constater le bouleversement
économique du contrat.
Le JA
va faire droit à la demande, il va résilier le contrat en rappelant qu’il lui appartient de
résilier le contrat pour bouleversement de l’équilibre contractuel ou
pour motif d’intérêt général et que cette résiliation n’ouvre droit à
aucune indemnisation au cocontractant.
L’administration
peut avoir tout intérêt à ne pas utiliser son pouvoir de résiliation
unilatérale et on ne peut pas lui opposer la jurisprudence
du Préfet de Leure.
paragraphe 2 : les droits du cocontractant
Ce
cocontractant a des garanties de nature
financière qui reposent sur un principe mis en avant par Léon Blum
commissaire du gouvernement dans ses conclusions sur l’arrêt du CE, Compagnie générale des tramways de Marseille ;
qui met en avant l’équation financière du contrat
ou encore l’équivalence honnête des prestations.
A) Des
garanties essentiellement financières
·
Le cocontractant a peu de moyens de ripostes face à
l’administration, notamment quand l’administration fait usage de ses pouvoirs
exorbitants que sont la modification unilatérale du contrat
ou la résiliation unilatérale du contrat ou encore les pouvoirs
de sanction.
o
En premier lieu, il est
interdit au contractant de
l’administration d’opposer à cette dernière une exception
d’inexécution. La continuité
du SP, l’intérêt général qui
s’attache à la bonne exécution du contrat vont obliger le cocontractant à
poursuivre l’exécution du contrat, quand bien même l’autorité administrative
manquerait à ses devoirs, ce que pourra faire essentiellement le cocontractant
est de saisir le juge.
o
Devant le juge, il ne
lui est pas possible d’engager
n’importe quel type d’instance. Le contentieux ouvert devant le juge du
contrat est pour l’essentiel un contentieux indemnitaire, ce qui veut dire que le juge du contrat n’a pas le pouvoir
notamment de prononcer l’annulation des mesures d’exécution du contrat par
l’administration.
Cette
jurisprudence est une jurisprudence ancienne, notamment rappelé par un arrêt du 10 mars 1963 « Société coopérative agricole
de production : la prospérité fermière ».
o
Cette impossibilité
vaut également devant le juge des
référés qui n’a pas le pouvoir de prononcer la suspension de ce type de
mesures. Solution illustrée par un arrêt de 2002 : «
Société eurovia méditerranée » à propos du refus d’administration dans un marché de travaux publics
d’agréer un sous-traitant. !
v Cette
impossibilité est assez paradoxale puisque dans la distinction des
contentieux qui existent en DA, il y a ce qu’on appelle le recours pour excès de pouvoir et de
l’autre le recours
de pleine juridiction ou de plein contentieux où le juge est censé
avoir les pleins pouvoirs et le contentieux
contractuel relève du plein contentieux ; or il ne peut pas
annuler les mesures relevant du contrat.
C’est
une solution contestée en doctrine et au sein même de l’administration :
l’arrêt de 1963 (Société coopérative agricole
de production : la prospérité fermière » a été rendu sur les
conclusions contraires du commissaire du gouvernement Breibant. La question est de
savoir quelle est la justification de cette solution ? Les auteurs
sont assez démunis pour donner une explication dans la mesure où la
jurisprudence ne donne pas d’explications. L’idée dominante serait que le juge ne veut pas s’immiscer dans la
relation contractuelle, dans la gestion d’un SP.
Cela
dit, même ce fondement est assez fragile car il
- repose sur des
considérations de bon sens.
- Ensuite,
parce qu’il existe un certain nombre
d’exceptions (le juge va accepter de prononcer des mesures d’annulation). Le problème se complique dès lors qu’on sait
que la jurisprudence administrative admet un certain nombre d’exceptions à cette règle et les mesures de résiliation unilatérale
visant certains types de contrat peuvent faire l’objet d’une annulation par le
juge du contrat.
Cette jurisprudence a été inaugurée par le CE, 1905, « Compagnie départementale des eaux »
à propos des concessions de SP. Ce
type de contrat amène le cocontractant à faire de lourds investissements.
Investissements qui ne seront amortis que sur le long terme. En cas de rupture anticipée
du contrat, il y a des chances que les
investissements lourds n’aient pas été amortis. Compte tenu du risque supporté par le cocontractant, la jurisprudence
admet que le juge puisse prononcer l’annulation de la mesure de résiliation.
Cette exception poursuit deux préoccupations : garantir les droits du
cocontractant ; protéger les finances de
l’administration.
La JA a étendu
ce raisonnement et cette exception à
tous les contrats pour lesquels le cocontractant a été amené à consentir des
investissements financiers très lourds :
èC’est le cas de certain marché de travaux publics illustré par
un
arrêt « Sima » de 1971.
èPuis
le juge a étendu cette exception à un autre cas de figure qui concerne les contrats
entre personnes publiques portant sur l’organisation d’un SP : « Département de la Moselle », 1989.
- Et
enfin, les tiers eux peuvent saisir le
juge de l’excès de pouvoir pour obtenir l’annulation de ce type de mesure.
Des mesures que la jurisprudence juge comme détachables du contrat et à ce titre,
susceptible d’être attaquées par un
tiers, s’il arrive à montrer son intérêt à agir. Illustré par arrêt de 1964 « Société de livraison industrielle et
commerciale », un
tiers est fondé à saisir l’administration pour qu’elle résilie le contrat.
Plus directement, CE, 1987 « Société
TV6 », le recours
d’un tiers contre une mesure de résiliation d’un contrat.
v A
défaut de pouvoir demander l’annulation des mesures prises par l’administration
contractante, le cocontractant va
pouvoir engager la responsabilité contractuelle de l’administration. Il
en ira ainsi dans deux cas de figure :
- Quand
l’administration
viole ses obligations contractuelles
- Ou
encore quand l’administration fait une utilisation abusive des prérogatives de
puissance publique qui lui sont reconnus dans le cadre de l’exécution du
contrat (quand le motif n’est pas légitime).
Par
contre, devant le JA, le CE a développé un système inédit de responsabilité
contractuelle sans faute qui amène l’administration à garantir à son
cocontractant l’équilibre financier du
contrat.
B) Le
droit à l’équilibre financier du contrat
·
L’administration peut
remettre en cause l’équilibre financier du contrat par un certain nombre de
décisions qui vont affecter les conditions d’exécution du contrat. Dans ce cas
là, le cocontractant va avoir droit à
la réparation intégrale des charges nouvelles qui pèsent sur lui.
·
La JA a également admis
que le cocontractant de l’administration peut avoir droit dans une certaine mesure à l’équilibre financier du contrat
lorsque des évènements extérieurs à l’administration et imprévisible entraînent
un bouleversement dans l’économie du contrat. Dans ce cas, le cocontractant
a le droit à la compensation
incomplète de ses charges imprévisibles.
Ce
droit à l’équilibre financier du contrat couvre deux types de situation : le
droit à la réparation intégrale des charges nouvelles nées de la décision de
l’administration et le droit à la réparation incomplète des charges
imprévisibles. C’est ce que l’on appelle la théorie de l’imprévision.
1) Le droit à
la réparation intégrale des charges nouvelles nées de la décision de
l’administration
·
Il est admis que pour
des motifs d’intérêt général, que l’administration peut porter atteinte à
l’équilibre financier du contrat c'est-à-dire aggraver de manière très substantielle, les charges qui pèsent sur son
cocontractant, en particulier quand l’administration va par l’utilisation
de son pouvoir de modification unilatérale faire supporter sur son
cocontractant des charges nouvelles.
·
La compensation de ce
pouvoir consiste dans le droit à
l’équilibre financier, c'est-à-dire le droit du cocontractant à obtenir réparation
pour l’intégralité du préjudice subi.
o
La difficulté est que le
périmètre de ce droit à réparation est affecté d’un coefficient d’incertitude relativement fort au sens où d’abord
les arrêts sont peu nombreux, et au sens où les auteurs ne sont pas tout à fait
d’accord sur le type de décision prises par l’administration qui vont avoir un
effet sur le contrat et qui en conséquence ouvrent droit à réparation.
L’hypothèse
la plus simple c’est celle de la modification
unilatérale des clauses du contrat. Mais il y a d’autres décisions
prises par l’administration qui peuvent avoir des effets sur le contrat ?
Dans quelle mesure le cocontractant pourra être indemnisé ? Ce n’est
pas très clair car les auteurs se contredisent et font appel à la théorie du fait du
prince qui est l’une des plus confuses du DA.
Il
faut partir d’une double distinction : la distinction selon l’autorité qui prend une mesure qui va
avoir un effet sur le contrat ; la distinction qui repose sur l’objet de la décision administrative :
vise-t-elle directement le contrat ou n’a-t-elle qu’un effet indirect sur le
contrat ?
a) La
rupture de l’équilibre financier doit résulter de l’administration contractante
Cette
précision est nécessaire car une partie de la doctrine range dans la théorie du
fait du prince les hypothèses où les charges nées de l’exécution du contrat
vont se trouver aggravées par la décision d’une autorité publique autre que
celle partie au contrat. Ainsi, il n’est pas rare qu’une loi ou qu’un règlement
prohibent l’utilisation de certains produits et de ce fait vont avoir une
incidence sur l’exécution du contrat conclu par d’autres collectivités
publiques. Dans ce cas, il faut distinguer entre les contrats passés par
l’Etat et les contrats passés par les autres collectivités publiques :
- S’agissant
des contrats
des collectivités territoriales, la responsabilité de l’autorité contractante ne pourra d’aucune manière
être engagée du fait d’une décision de l’Etat qui viendrait bouleverser
l’économie du contrat. C’est ce que confirme un arrêt de 1971
« Compagnie du chemin de fer de Bayonne à Biarritz ». Dans cette affaire, le concessionnaire d’une
ligne départementale de chemins de fer avait demandé au département d’être
indemnisé d’un certain nombre des conséquences financières d’une décision du
gouvernement Français qui pendant la 2nde guerre mondiale l’avait
obligé à assurer des transports gratuits. Le CE estime qu’il n’y a pas la possibilité d’engager la
responsabilité sans faute du département.
Pour autant, dans ce type d’affaires, le cocontractant
dispose d’autres voies pour obtenir l’indemnisation qu’il espère : les
conditions de la théorie de l’imprévision peuvent être remplies et
l’extériorité n’est pas un obstacle à la théorie de l’imprévision, ou le
cocontractant peut exercer une action en indemnité mais fondée sur la
responsabilité extracontractuelle de l’Etat soit pour faute soit sans faute.
- S’agissant des contrats de l’Etat, puisque l’Etat
est partie au contrat, il peut voir sa responsabilité
engagée, du fait d’une mesure législative ou réglementaire dès lors que cette
mesure toucherait l’objet même du contrat. On rejoint une solution plus
générale qui veut que la rupture de l’équilibre financier résulte d’une
décision qui affecte l’exécution même du contrat.
b) La rupture de l’équilibre financier résulte
d’une décision qui affecte l’exécution même du contrat
·
Selon les auteurs, on
va trouver des présentations différentes. Il faudrait distinguer selon
que l’administration agit sur le fondement de ses pouvoirs contractuels,
ou au titre d’autres pouvoirs que ceux qu’elle tiendrait du contrat, par
exemple pouvoir réglementaire ou pouvoir législatif. Cette distinction est
artificielle.
o
L’administration tient
ses prérogatives contractuelles d’un
fondement juridique extérieur au contrat qui est son pouvoir d’organiser les SP. En
outre, l’arrêt « Distillerie Magnac Laval »
qui est censé illustrer la résiliation unilatérale concerne un cas d’espèce où
l’administration met fin au contrat par voie réglementaire. La signification de
cet arrêt est alors de dire que l’exercice du pouvoir réglementaire ne peut pas être enfermé
par un contrat.
·
Il faut retenir une
autre distinction pour essayer de définir les cas où le cocontractant aura
droit à être indemnisé et les cas où il n’y aura pas droit : il
faudrait faire une autre distinction entre les mesures prises par l’administration
contractante qui concernent les stipulations même du contrat, l’objet
du contrat et les décisions qui affectent les conditions
d’exécution du contrat :
>
En ce qui concerne l’objet
même du contrat, le JA admet l’indemnisation
du cocontractant.
(Mais La
résiliation sanction prise par l’administration touche bien à l’objet du
contrat et pourtant ne donne pas lieu à l’indemnisation. Là on est dans des
mécanismes de sanction sans faute.)
Cela dit, ce principe de l’équation financière
touchant à l’objet même du contrat connait deux
exceptions :
o
Quand le contrat est
conclu pour une durée indéterminée, le juge admet que l’administration
puisse en prononcer la résiliation sans
indemnité au nom de l’intérêt général. (Logique arrêt Pic saint
Loup).
o
Quand les circonstances qui sont à l’origine de la
résiliation prononcée par l’administration sont indépendantes de la volonté de
l’administration. Hypothèse de bouleversement économique ou contexte
économique du contrat. On rejoint un cas d’espèce que l’on appelle la force majeure
administrative illustrée par un arrêt de 1932 « Compagnie
des tramways de Cherbourg » que l’on va retrouver au titre
de la théorie de l’imprévision.
La
mesure qui touche l’objet même du contrat peut être aussi bien générale
qu’individuelle. L’arrêt Distillerie Magnac Laval
illustre le cas d’une mesure réglementaire. On a même des arrêts plus anciens qui
illustrent le cas où la mesure qui touche l’objet même du contrat est une loi
ou un décret-loi : ex, arrêt de 1909, Zerla
Badine » : des
militaires titulaires d’un contrat d’engagement avec l’Etat ont obtenu une
indemnisation du fait de la résiliation de contrat qui les liait à l’Etat,
résiliation découlant d’une loi qui avait porté dissolution le corps d’armées
auxquels appartenaient ces engagés. Le juge admet l’indemnisation du cocontractant alors même que
c’est le fait d’une mesure générale.
>
A l’inverse, quand la
décision de l’administration contractante a seulement pour effet de rendre
plus difficile l’exécution du contrat, l’indemnisation est généralement refusée. Les hypothèses où
les règlements administratifs vont affecter l’exécution du contrat vont être
extrêmement fréquentes :
Ex :
arrêt du CE de 1983, « Société du parking du square
Boucicault » : la
société était titulaire du contrat portant concession d’un parking souterrain.
Elle avait donc conclu ce contrat avec l’administration au vu de prévision de
fréquentation de ce parking souterrain qui lui avait amené à définir un tarif.
En cours d’exécution du contrat, l’autorité de police avait modifié la
réglementation du stationnement en surface, d’où plainte, recours de la société
concessionnaire qui explique que comme on a favorisé le stationnement en
surface, c’est la gestion du parking qui en subit un contre coup. Règlement de
police a modifié les mesures d’exécution essentielle du contrat. Affaire
devant CE qui répond que la modification d’un règlement de police est un
aléa normal auquel doit s’attendre à être exposé n’importe qui y compris
concessionnaire parking souterrain et donc concessionnaire n’a droit à aucune indemnité car la mesure
n’affecte pas l’objet même du contrat mais a seulement effet sur ses
conditions.
Ce
type de raisonnement appliqué à des mesures générales peut aussi s’appliquer à
des mesures individuelles. Arrêt de 1898 « Gilles et
Bellet » : Entreprise
de travaux publics qui avait conclu un contrat avec l’Etat. Il employait des
ouvriers de nationalité étrangère. L’Etat prend la décision d’expulser tous les
ouvriers étrangers employés par cette entreprise. Celle-ci se retourne contre
l’Etat et lui demande de l’indemniser. Le CE rejette le recours en expliquant
que cela ne touche pas à l’objet même du contrat.
v Ces solutions ne valent que dans la mesure
où le contrat n’a rien prévu, si les clauses du contrat prévoient qu’en
cas de résiliation, de modifications qui touchent aux conditions d’exécution du
contrat il y aura indemnisation, c’est le contrat qu’on appliquera.
2) Le droit à
la compensation incomplète des charges imprévisibles : la théorie de
l’imprévision
·
La théorie de l’imprévision va
concerner des contrats qui vont
s’exécuter dans le temps et notamment les concessions de SP. Cette théorie de l’imprévision a été dégagée par
la jurisprudence dans un arrêt de 1916 « Compagnie générale
d’éclairage de Bordeaux/ Affaire du gaz de Bordeaux » :
le CE dit que lorsque surviennent des événements imprévisibles qui vont entraîner un
bouleversement dans l’économie du contrat et qui empêchent son exécution dans
les conditions prévues initialement, l’administration contractante doit verser
à son cocontractant une indemnité dite d’imprévision qui vont lui permettre de
faire face aux pertes subies et donc de poursuivre l’exécution du contrat.
Cette
indemnité d’imprévision a plusieurs caractéristiques :
- Elle
ne couvre que de manière partielle
les pertes subies par le cocontractant.
- Les
événements qui sont à l’origine de cet état d’imprévision sont extérieurs à l’administration.
- Elle
est provisoire. L’imprévision n’est pas la force majeure.
Comme la force majeure, l’imprévision est imprévisible, extérieure aux
parties ; mais à la différence de la force majeure, l’imprévision ne doit
pas être irrésistible, on doit pouvoir lui résister.
v Si
cet état perdure trop longtemps, on va estimer que le contrat ne reviendra
jamais comme initialement et la solution qui s’ouvre est la résiliation du
contrat dans le cadre de la force majeure administrative.
Deux
arrêts importants : Arrêt de 1916, Gaz de Bordeaux :
sur la théorie de l’imprévision et Arrêt de 1932,
Compagnie des tramways de Cherbourg : sur les prolongements
de la théorie de l’imprévision et la mise en œuvre de la force
majeure administrative.
v La théorie de l’imprévision a été
une innovation juridique considérable puisque d’une certaine manière, elle tenait en échec le principe d’intangibilité
des clauses du contrat et le juge judiciaire a pendant longtemps repoussé
ce type d’analyse.
La chambre commerciale de la cour
de cassation, le 3 novembre 1992 dans l’affaire Huard, a
développé une construction
jurisprudentielle qui ressemble à l’imprévision. La seule différence est
que la cour de cassation s’est appuyée sur la bonne foi pour faire en sorte que le
cocontractant le plus puissant aide le plus faible. S’il y a la
considération de la bonne foi, on est dans la responsabilité pour faute. A l’inverse, le DA ne repose pas sur
cette idée, ce qui est en cause, ce sont des éléments extérieurs au contrat, la continuité du SP et donc la
théorie de l’imprévision est un régime de responsabilité plutôt sans faute.
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