mercredi 5 octobre 2016

La responsabilité sans faute


Dans certains cas il n’est pas nécessaire de prouver un dysfonctionnement fautif de l’administration. La victime doit seulement démontrer un préjudice spécial (individualisable) et anormal (gravité suffisante). Et un lien de causalité direct entre le fait dommageable et le préjudice subit par la victime.

On a donc un régime de preuve allégé, puisqu’on ne recherche pas la faute.

Principal fondement de cette responsabilité : Soucis d’équité, lorsqu’il y a une rupture d’égalité devant le service public, c'est-à-dire un préjudice spécial et anormal. Cette rupture doit être réparée, indemnisé pour rétablir l’équilibre

La jurisprudence et le législateur ont reconnu des domaines de la responsabilité sans faute. En pratique et surtout juridique, les domaines de la responsabilité sans faute, se répartissent en deux critères :
            - Le risque qui se réalise et provoque un préjudice. La jurisprudence s’est inspirée de la jurisprudence judiciaire.
            - La rupture directe de l’égalité devant les charges publiques. (activité administrative au besoin de tous, si elle provoque un dommage spécial et anormale vis-à-vis de la victime il y donc rupture d’égalité

Section 1 : La responsabilité sans faute pour risque

A)    Les activités ou les méthodes dangereuses

Le JA a repris ce qui existait au niveau de la responsabilité civile : la notion de trouble de voisinage entrainant un risque réalisé sur une victime individualisé, d’un préjudice anormal.

L’arrêt de principe du 28 mars 1919 : Regnault des Roziers : Il s’agissait d’un grand nombre d’explosifs entreposés dans un fort militaire, mais situé à proximité d’habitations. A l’occasion d’une manutention il y a eu une explosion importante : 30 victimes. Le CE a considéré que les opérations effectuées dans des conditions sommaires, comportaient des risques excédants les limites de ceux du voisinage.
En cas d’accident survenu en dehors de tout fait de guerre, cela suffit à engager indépendamment de toutes fautes, compte tenu de ces activités intrinsèquement dangereuses.

La jurisprudence a été étendue à d’autres méthodes intrinsèquement dangereuses (qui font courir un risque) :

            - Lecomte et Daramy, à propos d’une opération de police, utilisation d’armés à feu. Balle perdue. Le CE ne reconnait pas les matraques.

Autre extension : A propos de méthodes libérales mais dangereuses qui font courir un risque à la population :

- Thouzellier, du 3 février 1956, à propos des méthodes libérales de rééducation en milieu semi-ouvert (permission de sortie aux délinquants)
Cela fait courir des risques à la population. La victime doit donc être indemnisée
sans rechercher de faute.

- CE 13 juillet 1967, dommage causée par un malade mental : Indemnisation de la victime sur la base de la responsabilité sans faute.

- Idem pour les détenus en permission de sortie. CE a reconnu dans un arrêt Theys du 2 décembre 81, que les permissions de sortie des détenus, entrainant un préjudice spécial et anormal, doit être indemnisé.




            - Arrêt CE, Pelle, 5 décembre 1997 : Responsabilité de l’Etat vis-à-vis d’une victime. Le CE a retenu la jurisprudence de 56, à propos d’un mineur qui n’avait pas été condamnée, mais confié à titre provisoire à une association privée : Voile et Nature. Il a poignardé son moniteur de voile.

B)     Les dommages subis par les collaborateurs occasionnels au service public : des bénévoles.

Il s’agit d’accidents intervenus du fait d’une activité administrative, vis-à-vis d’un collaborateur prêtant son concours à une activité.

La notion de collaboration au SP est très importante : il faut une véritable participation :
- Lorsqu’un médecin se porte au secours d’enfant qui se noie, c’est une participation au SP.

Il y a eu une évolution. Le CE a élargie la notion de collaboration :

- Au départ, la collaboration devait être demandée par une autorité administrative : CE / Commune de Saint Priest La plaine. Il s’agissait d’une explosion de feu d’artifice. A la demande du Maire, deux personnes avaient accepté de tirer le feu d’artifice. Risque encourue par ces personnes.

- La collaboration peut être spontanée, mais elle doit être justifiée, il faut avoir des capacités pour venir au secours de quelqu’un :
            - Guinard, du 14 décembre 81 : Non justifiée par le CE, car il venait d’être opéré de l’appendicite. Il a voulu aider spontanément 6 infirmiers, à faire monter un malade obèse dans une ambulance :
                        - Commune de Batz sur Mer, 25 septembre 70 : Un médecin qui porte secours à un enfant qui se noie. Justifié : 75 000 euros.

C)    Les dommages causés au tiers pour travaux publics

La personne tierce est indépendante aux travaux publics : Pont.

Quand c’est un usagé, responsabilité pour faute, mais présomption de faute du SP. Le SP doit démontrer l’entretien normal pour ne pas être condamné.

Quand une personne chute en hiver sur le trottoir, à cause du verglas. Pour le CE, si la canalisation était incorporée à la voie publique, la personne est un usagé.

La jurisprudence ne fait pas de distinction lorsque l’ouvrage est particulièrement dangereux : Virage sinueux. C’est un régime de responsabilité sans faute qui s’applique :
- Arrêt CE du 18 décembre 1953 : Gain
            - Confirmé le 6 juillet 1973 : Dalleau : Route dangereuse.

La victime va montrer seulement démontrer le lien entre le fait dommageable et le préjudice spécial et anormal. Pas à rechercher un dysfonctionnement fautif.

Section 2 : La responsabilité sans faute pour rupture directe d’égalité devant les charges publiques

Ce régime présente des particularités importantes :
            - Il s’agit d’un régime subsidiaire, c'est-à-dire dérogatoire, puisque le principe de la responsabilité administrative est pour faute. Mais d’ordre public :

Pour tout litige en responsabilité, le juge doit pour toutes demandes d’indemnité réparatrice, doit rechercher si il y a ou non une rupture directe d’égalité devant les charges publiques, Si il y a une gène anormale et spéciale que n’ont pas supporté les autres.

Cela veut dire, que même si le juge n’en parle pas à son jugement, il a examiné cette situation.

Pour la construction du tram, cela a entrainé des troubles anormaux : Habitations avec fissures, CA en baisse de 3%.
Une opération d’intérêt général ne doit pas lésé des habitants ou commerçants.
Une indemnisation a été accordée, par un magistrat indépendant.

- On retient 5 domaines d’application de cette responsabilité :

            - Les dommages permanents de travaux publics, lié à la présence ou au fonctionnement d’un ouvrage public : Construction d’un tramway

            - La responsabilité du fait de la loi : Lésé une entreprise..
            - La responsabilité du fait des conventions internationales
            - La responsabilité du fait des règlements légaux : arrête municipal de police
            - La responsabilité du fait des décisions individuelles légales

A)    Les dommages permanents de travaux publics

Cela peut être la construction d’une autoroute, tramway, ou le fonctionnement d’un intérêt public (pas de mur antibruit).

Il y a une rupture d’égalité, lorsque cette construction d’intérêt général lèse spécialement ou anormalement Mr X ou Mme Y. Il y aura indemnisation.

Pour des raisons pratiques, on s’oriente vers la transaction pour accélérer l’indemnisation et fixer une indemnité reconnaissant la diminution du CA…
La transaction : La victime renonce à tous recours.

B)     La responsabilité du fait des lois

Ce domaine d’application ne s’est mise en place qu’en 1938. Il doit rester exceptionnel. 5 arrêts retiennent la responsabilité de l’Etat :

            - Arrêt du CE / Ass, du 14 janvier 1938 : SA des produits laitiers la Fleurette. Lorsque la loi interdit la fabrication de crèmes alimentaires, non issue de lait, produit que seule la société la fleurette fabriquait : Préjudice spécial et anormal. Deux conditions cumulatives :
                        - Un préjudice spécial (individualisable et anormal (grave).
                        - Il faut que le législateur n’ai pas prévu dans la loi, les conséquences dommageables de l’application de la loi.

            - Arrêt du CE / S : Association pour le développement de l’aquaculture en région centre et autres, du 30 juillet 2003 : Revirement d’une loi sur la protection des flamands roses. Le CE souligne que lorsque ces animaux protégés provoquent des dommages aux rizières, il y a une rupture d’égalité devant les charges publiques, du fait de la loi (c’est parce qu’on protège ces espèces que les cultures sont endommagées).

            - Arrêt du 2 novembre 2005, Société coopérative agricole, Ax’ion, Responsabilité sans faute du fait de la loi sur les installations classés qui peuvent entrainer des conséquences importantes.
Le CE renvoi à la Cours administrative d’appel pour chiffrer le préjudice.

C)    La responsabilité du fait des conventions internationales

Arrêt du CE/ Ass : 30 mars 1966 : Compagnie générale d’énergie radio électrique : Qui retient seulement la solution de principe sans l’appliquer au cas d’espèce. Il s’agissait de radios réquisitionnées pendant la 2ème guerre mondiale. Une convention internationale entre les Etats reportait à plus tard l’indemnisation.
Il reconnait bien une responsabilité sans faute qui lèse les compagnies. Mais il considère que le préjudice n’est pas spécial, car toutes les radios sont concernées. Le CE refuse donc l’indemnisation pour défaut de préjudice spécial (individualisable)

D)    La responsabilité du fait des règlements légaux

Le CE l’a reconnut dans un arrêt du 22 février 1963 : Commune de Gavarny : Un arrêté municipal règlementant l’accès au cirque de Gavarny en réservant le chemin, aux promeneurs à dos de mulet. Sauf que le marchand de souvenirs n’avait plus de clients. Le marchand est donc lésé.

Confirmé, par le CE du 13 mai 1987, Adebert : Le Maire prend un arrêté interdisant la traversée de la commune aux véhicules de matières dangereuses (poids lourds). Cette interdiction lèse spécialement et anormalement qui tenait un bar restaurant routier.


E)     La responsabilité du fait des décisions individuelles légales.

Cela s’est fait par l’arrêt du 30 novembre 63 : Couitéas. Responsabilité sans faute de l’Etat. Il s’agissait d’un refus de concours de la force publique, c'est-à-dire refus du préfet pour assurer l’exécution d’une décision de justice : refus d’expulsion.

Refus justifié, car expulser plus de 8000 personnes, donc risque de trouble à l’ordre public.

Le préfet oppose un intérêt supérieur : c'est-à-dire l’ordre public, qui empêche l’exécution d’un droit conféré par une décision de justice.

L’Etat devra donc indemniser le propriétaire des locaux lesé.

Lorsque le prêté envoi les forces de police pour faire expulser, ce n’est plus un régime de responsabilité sans faute, mais un régime de responsabilité pour faute, simple. La victime devra montrer qu’il y a un préjudice.




A été étendu à d’autres domaines d’applications :

- CE : 3 juin 1938 : Société Cartonnerie Saint Charles : Refus de concours de la force publique pour faire expulser des occupants d’usines (après un certain délai).

            - CE du 11 mai 1984 : Port autonome de Marseille. Refus de concours de la force publique pour lever le blocus du Port occupé par des grévistes. Indemnisation.

Ce dernier domaine est plus vaste, car il concerne des décisions individuelles légales.

A propos d’une décision légale, mais qui a entrainé un préjudice spéciale et anormal :
            - CA du 6 janvier 2005 : Le Département avait décidé de suspendre l’agrément d’une assistante maternelle, car elle faisait l’objet d’une procédure pénale, pour agression présumée. Mais pas de poursuite. La décision de suspension était légale au moment des faits, mais elle a fait peser sur Mme M, une charge anormale puisque s’appuyant sur des faits matériellement inexact, puisque sans suite : 20 000 € d’indemnisation



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