mercredi 5 octobre 2016

La responsabilité pour faute de l’administration

C’est la principale faute, la faute étant toujours une faute de service. La victime doit donc montrer au juge ce disfonctionnement du service public fautif.

Il y a une sorte de partage des fautes entre l’administration et son personnel.

SECTION 1 : La diversité de la faute.

Cependant en droit administratif, toute faute n’engage pas la responsabilité administrative, à l’occasion de certaines activités :
                  - En Police, le juge ne va pas indemniser une faute simple, mais le juge exigera une faute lourde.

1)      La diversité des fautes dans leurs formes

La faute se définit toujours à partir des circonstances de fait, à partir de la qualification juridique des faits (c’est donner des conséquences juridiques à des faits).

L’administration a toujours eu une approche très pragmatique de la faute :
                  - Dans un cas, elle sera fautive, dans un autre non.

Les auteurs ont essayé de montrer la diversité des fautes commises par l’administration :
- Raymond Odent :
                  - La faute peut être collective c'est-à-dire anonyme, on parle de faute du service, on ne sait pas si c’est tel ou tel fonctionnaire.
                  Mais la faute peut aussi être imputable à un agent identifié. On parlera de faute de service.
Mais on ne fait pas la distinction…..









- En ce qui concerne la faute de service, cela peut concerner :

                  - Une négligence : Dans l’exercice du contrôle de la légalité administrative (contrôle à postériori des actes locaux). Négligence fautive de l’Etat, CE 6 octobre 2000, Saint Florent. Le Préfet ne fait pas de contrôle de légalité.
Idem pour la carence fautive d’une autorité de Police, CE du 14 décembre 1962, Doublet.

                  - Tout fonctionnement défectueux du service public, défaut d’information, est susceptible d’engager la responsabilité de la personne publique. Toutes sortes d’erreur, d’omission de retard, peut révéler la faute, compte tenu des circonstances de fait.

Cette diversité des fautes, montre aussi une appréciation subjective, in concreto, des faits constitutifs de faute. Tout dépend donc du contexte, de temps, de lieu, de personne.

La charge de la preuve appartient à la victime qui doit montrer que les circonstances de fait sont susceptibles de faute. Mais, grâce au pouvoir inquisitoriaux, le juge peut demander une expertise, une visite sur les lieux pour aider la victime dans l’établissement de la preuve.

- Dans certains cas, il y a une présomption de faute sur la personne publique, en matière de dommage de travaux publics :
                  - Présomption de faute d’entretien normal de la voie publique,

2)      Le degré de gravité de la faute : la distinction faute simple, faute lourde

La faute lourde est toujours une faute de service, c’est la personne publique qui répare, et non l’agent (Hôpital public, Etat)

Devant le juge civil, toutes fautes entretien réparation. Pas devant le juge administration. Le juge peut admettre la faute simple, c'est-à-dire qu’il ne va pas condamner l’administration. Il considère que les conditions du service public ne seront pas responsables. Le juge excuse donc les fautes légères.





Les critères sont :
                  -  les difficultés rencontrées par l’autorité administrative pour exercer l’activité de service public.


Les domaines d’application de la faute lourde, et la tendance est au recul de la faute lourde, c'est-à-dire que le JA reconnaitra qu’une faute simple engage sa responsabilité.

ü  Les domaines d’application de la faute lourde en ce qui concerne les activités de police

Le CE a reconnu dans un arrêt du 10 février 1905 : Tomaso Grecco. Sur le terrain, en vue notamment du maintient de l’ordre public, exercé dans des conditions difficiles, et nécessitait donc l’exigence d’une faute lourde, d’une gravité suffisante.

Arrêt CE/ Assemblée, 20 décembre 1972, Ville de Paris/ Marabout, difficulté pour prendre des mesures de Police règlementant toute la ville de Paris.

Le critère n’est donc pas lié à l’activité en tant que telle, mais aux difficultés rencontré à l’occasion de l’exercice de police, sur le terrain ou au bureau

Faute lourde exigée également lorsque l’Etat prête son concours pour faire exécuter les expulsions.
CE Husson/ Chiffre 1948 : dommages causés à une expulsion, engageant une faute lourde
CE octobre 87, Tribier

ü  A partir des années 90, on a assisté dans certains domaines, à un recul de la faute lourde, favorable aux victimes, comme dans les établissements pénitenciers.

Jusqu’en 1958, la faute lourde était exigée, compte tenu de difficultés rencontrées au sein de ces établissements. Arrêt Raqotoarinovy.

Chabba, le CE abandonne la faute lourde, en montrant que le suicide d’un détenu résulte d’une section de faute imputable au service public pénitencier. Cela suffit donc pour faire condamner l’Etat.

ü  Idem pour les services publics hospitaliers, pour lesquels l’évolution a été importante

Avant 1992, il y avait une distinction :
                  - Les dommages causés par un défaut d’organisation  relevaient de la faute simple.

                  - En revanche, les activités médicales dont l’accomplissement relevait un niveau élevé de connaissances, relevait de la faute lourde, ce qui était moins favorable aux victimes.

Le CE a mis fin à cette distinction, à partir du CE 10 avril 1992, époux V. Erreur d’anesthésie sous péridurale, simple faute du service.
Abandon de la faute lourde aux activités médicales.

Le CE est allé au régime de la responsabilité sans faute dans l’hypothèse d’un risque exceptionnel : Arrêt du CE du 9 avril 1993, Bianchi, liée à une artériographie vertébrale.

Idem pour l’arrêt du 3 novembre 1997 : CE, Hôpital Joseph Imbert, d’Arles. Le CE élargi la responsabilité sans faute des hôpitaux publics, aux accidents graves qui surviennent lors d’une anesthésie générale.

31 mars 1999, responsabilité sans faute des hôpitaux, à l’égard des collaborateurs bénévoles, ceux qui prêtent leurs aptitudes bénévolement pour aider le personnel.

Le régime est donc plus favorable aux victimes, qui n’ont plus à rechercher la faute, seulement le lien de causalité entre le disfonctionnement et le préjudice subit.


ü  Le CE est aussi allé de la faute lourde à la faute simple en matière de secours :
                  - Arrêt du CE du 20 juin 1997, Theux. Un simple disfonctionnement engage la responsabilité du SAMU.

Il y a eu au cours des années 90, des modifications. Le JA n’exige pu un degré de gravité suffisant, ce qui est donc plus favorable aux victimes, ce qui permet une meilleure indemnisation. Cela coute donc plus cher aux hôpitaux publics.

SECTION 2 : La répartition des fautes et des responsabilités entre l’administration et ses agents.

On va parler de la distinction faute de service, et faute personnelle (devant le juge judiciaire).

- A l’origine, le JA a fait une distinction très nette entre la faute de service et la faute personnelle, grâce à l’arrêt du Tribunal des conflits, 30 juillet 1873, Pelletier. Permettant d’attaquer personnellement les fonctionnaires devant les tribunaux judiciaires.

La doctrine a cherché à définir ces deux notions (Edouard Laferrière) :
            - La faute de service : Est celle qui révèle un agent plus ou moins sujet à l’erreur.
            - La faute personnelle révèle l’homme avec ses faiblesses, ses passions, ses imprudences, détachable du service public, des fonctions administratives. (juge civil et pénal)

- Il y a plusieurs modalités de détachement du service public, et il est donc difficile de détacher la faute personne qui n’est pas dépourvu de tout lien avec le service public :

            - L’arrêt d’assemblée du CE, du 26 octobre 1973, Sadoudi, accident provoqué par un gardien de la paix, qui devait garder son arme en permanence avec lui ou chez lui. La faute se rattache au service, car le règlement impose de garder leur arme à proximité y compris chez eux.

            - Lorsqu’un directeur d’hôpital, tient des propos diffamatoire à l’encontre d’un médecin, la faute est commise dans le service, avec intention de nuire. Il s’agit d’une faute psychologiquement détachable du service, même si commise à l’hôpital : Tribunal des conflits 1961 : Picot/Lachèse.

            - Lorsque le gardien de prison s’associer avec des détenus pour différents vols. Faute commise dans le service mais personnelle : 11 mai 1963 : Samba.

            - Faute professionnelle, mais d’une gravité inexcusable, Tribunal des conflits, 21 décembre 1898, Kessler. Il s’agissait d’un agent des postes, qui brutalise un usagé, Donc faute personnelle dans le service.

            - Règle du 28 décembre 2001, Vallette, la faute professionnelle d’une gravité inexcusable, un chef de service qui avait caché pendant 3 jours l’erreur médicale commise, mort du patient. Faute personne dans le service

La faute personnelle n’a rien à voir avec la faute lourde.

Le Juge peut permettre aux victimes de montrer un cumul de faute, ou un cumul de responsabilité, permettant une réparation.

A)    Cumul de faute et de responsabilité.

Avec la Jurisprudence Pelletier de 1873, la victime devait choisir le terrain sur lequel elle allait montrer soit faute de service, soit faute personnelle.

La Jurisprudence a imaginé 2 théories jurisprudentielles pour faire face à l’insolvabilité des agents.
            - Celle du cumul des fautes
            - Celle du cumul de responsabilité

1)      Cumul de fautes

Il y a cumul de fautes lorsqu’on peut trouver plusieurs fautes : faute de service et faute personnelle :
            - Soit réclamer l’intégralité de la réparation à l’administration devant le juge administratif.
            - Ou d’aller devant le JA pour la faute de service, et devant le juge judiciaire pour la faute personnelle.
                                      
Arrêt du 3 février 1911, Anguet : Il y avait faute de service (car le bureau des potes avait fermé avant l’heure), mais aussi faute personnelle qui avait brutalité la personne.
Réparation intégrale, alors même qu’il y faute personnelle. Cela veut dire que l’Administration peut se retourner contre son agent vis-à-vis de la faute personnelle, mais en pratique elle ne le fait pas.

2)      Cumul de responsabilité

Lorsque le dommage est causé par une faute unique. La faute se présente comme une faute personnelle.
Mais en réalité la faute personnelle découle nécessairement des pouvoirs dont disposait l’agent, en tant que préfet.
Il y a finalement une faute mêlée, un cumul de responsabilité, c'est-à-dire possibilité de rechercher la responsabilité de l’administration en plus de celle de l’agent.

On ne recherche pas la distinction faute de service, faute de personnel, mais un partage de responsabilité. Il y a donc qu’une faute unique, mais pas dépourvu de tout lien, détaché des fonctions.

Arrêt CE du 26 juillet 1918, époux Lemonnier : Faute personne du Maire qui avait autorité un stand de tir, sans prendre de précaution, ce qui avait blessé Mme Lemonnier par balles. C’est Blum qui a conclu et a expliqué que la faute découle des fonctions.

- La victime a donc le choix de demander une réparation devant le JA pour se prononcer pour une faute de service, découlant des pouvoirs. Il a donc intérêt car l’administration étant toujours solvable.

Dans l’arrêt Papon, CE 12 avril 2002, il s’agissait d’appliquer la jurisprudence Lemonnier, à raison d’une seule et même faute personnelle qui découle à des fonctions de Préfet : Crime contre l’humanité. Papon invoquait l’article 11 de la loi du 13 juillet 83, comme quoi l’agent peut se retourner contre la personne publique, pour obtenir un partage de responsabilité.

Ces conceptions jurisprudentielles, ont cependant nécessité la mise en place d’actions récursoire (offrir la possibilité de se retourner contre l’agent ou inversement).

3)      Les actions récursoires

Lorsque l’administration se retourne contre son agent, ou lorsque l’agent accusé se retourne contre son administration.

a)      L’action de l’administration contre son agent

Pendant très longtemps la jurisprudence a refusé cela pour lui demander un remboursement total ou partiel d’indemnité :
            - En l’absence de texte contraire, les fonctionnaires ne sont pas pécuniairement responsables de leurs fautes à l’égard de leur administration). Sanction disciplinaire mais pas pécuniaire.

Revirement du CE, le 28 juillet 1951, Laruelle, accident véhicule militaire, mais qui avait emprunté ce véhicule à des soins personnels. Pour la 1ère fois, l’Etat se retourne contre le militaire et le chauffeur doit rembourser le véhicule à l’Etat.


STOP
b)      L’action de l’agent contre l’administration

Arrêt CE 28 juillet 1951, Delleville, en autorisant les agents publics et fonctionnaires à se retourner contre leur administration, selon le rôle de la faute de service dans le dommage.

Accident militaire, dont les freins étaient défectueux, et l’agent était ivre.


- Avant la loi de 1983, le CE avait ouvert ce type d’action à tous les agents publics, en faisant un PGD, du 26 avril 1963, CHR de Besançon, même en l’absence de textes.

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