Le régime de la responsabilité pour
faute est un régime dérogatoire, c'est-à-dire qu’il s’applique que dans des
domaines particuliers, et lié à une activité administrative.
Mais dans certains cas la
responsabilité sans faute est plus favorable aux victimes
SECTION 1 : L’autonomie du droit de
la responsabilité administrative.
Plusieurs éléments ont conduit à
reconnaitre la responsabilité de l’Etat. Il y a donc eu une évolution qui a
conduit à une consécration de la responsabilité administrative, vis-à-vis des
personnes publiques de façon générale.
Mais cette évolution, n’a pas
empêché pour autant de maintenir un partage de compétence entre la
responsabilité administrative devant le juge administratif, et devant le juge
judiciaire.
1)
L’évolution et la consécration de la
responsabilité administrative.
- Jusqu'à l’Arrêt Blanco, c’est
un principe d’irresponsabilité de l’Etat qui a dominé, compte tenu de la
conception ancienne de la souveraineté.
- Il est évident que le
développement de l’Etat providence, et les idées fondamentales du Contrat
Social, ont conduit de plus en plus à souligner la responsabilité de l’Etat. Il
y avait tout de même quelques exceptions limitées à ce principe
d’irresponsabilité de l’Etat :
-
En matière d’expropriation, il a toujours été reconnu que l’Etat devait
indemniser la personne lésée.
-
Dommage de travaux publics : Une responsabilité administrative, avec un
régime de présomption de faute sur la personne publique, et vis-à-vis de
l’usager de la loi publique : défaut de signalisation.
La consécration de la responsabilité administrative et donc pour
l’Etat, s’est donc faite par l’arrêt Blanco du 8 février 1873, qui pose le
principe même de la responsabilité administrative de l’Etat et qui pose
l’autonomie de la responsabilité administrative par rapport à la responsabilité
civile :
-
La responsabilité qui peut incomber à l’Etat pour les dommages causés aux
particuliers par le fait des personnes qu’il emploie dans le service public,
n’est ni générale, ni absolue. Elle a ses règles spéciales.
C’est ce qu’on appelle l’autonomie de la responsabilité administrative.
Il s’agit donc de dégager des règles spéciales, qui tiennent compte de
l’activité de service publiques, et des préjudices subies par la victime.
Les règles spéciales sont
différentes des règles de droit privée, mais l’évolution jurisprudentielle va
tout de même dans un sens de rapprochement surtout pour une notion liée à
l’indemnisation du préjudice.
Préjudice spécial :
individualisable.
Préjudice anormale : gravité
suffisante avec des règles particulières devant le juge administratif.
Distinction entre la responsabilité
administrative devant le juge administratif ou judiciaire.
2)
Les cas jurisprudentiels devant la
responsabilité administrative qui reste au juge judiciaire, civil.
a)
Les cas jurisprudentiels
On peut retenir que de façon
constante, les litiges causant préjudice :
- l’utilisateur en matière de service
industriel et commercial (usager des transports qui subit un dommage et qui a
un préjudice) : le litige ne relève pas du juge administratif, mais reste
confié au juge judiciaire.
Tout les litiges qui concernent les services publics industriels ou
commerciaux : tout relève du juge judiciaire.
-
En ce qui concerne les dommages causés
par une voie de fait (atteinte grave à la propriété privée ou aux libertés
individuelles) : la jurisprudence a toujours considéré que l’indemnisation
des victimes relève du juge judiciaire.
b)
Les principaux cas de responsabilité
administrative confiés au juge judiciaire
La loi du 5 avril 1937, qui prévoit la responsabilité de l’Etat, à
raison des fautes commises par les membres de l’enseignement. Le
législateur a lui-même prévu la compétence du juge judiciaire, pour faire
condamner l’Etat et indemniser les victimes : TGI.
En pratique, cependant,
il y a une distinction :
- Lorsqu’il s’agit d’un défaut de surveillance
imputable à un enseignant, c’est le juge judiciaire qui reste compétent.
- Mais si la victime invoque une mauvaise
organisation du service public de l’enseignement, ou bien encore un dommage aux
travaux publics, la victime va invoquer un défaut d’entretien normal, et par
conséquent c’est le juge administratif qui redevient compétent.
Loi du 31 décembre 1957 : Le législateur a attribué la
compétence au juge judiciaire à propos des accidents causés par tout véhicule
(tout engin roulant), relève du juge judiciaire.
Il faudrait revenir sur
cette jurisprudence………..avec un bloc de compétence pour le juge administratif,
en matière de travaux publics.
Concernant les activités médicales, conséquences dommageables
vis-à-vis des vaccinations obligatoires. Les lois du 1er juillet
1964, complétée celle du 26 mai 1975, le législateur a confié la responsabilité
de l’Etat au juge judiciaire.
Même chose en ce qui concerne la protection des personnes physiques qui
se prêtent à des expérimentations médicales.
La loi du 31 décembre 1991, loi
HIV, créée un fond d’indemnisation
Section 2 : Les conditions générales
ouvrant droit à réparation
Dans tout système de responsabilité, il faut remplir 3 conditions
générales :
- Il faut
montrer l’existence d’un préjudice. La jurisprudence par 5 caractères le
préjudice.
- Le lien de
causalité direct, (et non pas indirect) entre le fait dommageable et le
préjudice subit par la victime.
- La victime
doit déterminer elle-même la personne publique financièrement responsable.
1)
L’existence d’un préjudice démontré par la
victime
Il y a 5 caractères pour
le préjudice :
- Il doit être certain
- Spécial
- Anormal
- Atteinte à un intérêt légitime
- Evaluable en argent fixé par la victime.
Ø Caractère
Certain :
La jurisprudence souligne souvent
que le préjudice est né et actuel.
Cela montre qu’il a un préjudice certain.
Le juge administratif s’est inspiré
du juge judiciaire en retenant et par extension le préjudice éventuel ou futur
mais dont on est sur qu’il va se réaliser. (On est sur qu’il se
produise) :
-
La perte d’une chance sérieuse de
réussir à un examen est un préjudice certain :
CE 1987 : LeGoff. Cependant
comment chiffrer la perte d’une chance sérieuse ?
- Le CE a considéré que la
réparation doit être mesurée à la chance perdue et non pas à l’avantage
qu’aurait procuré cette chance si elle s’était réalisée.
CE section 5 janvier
2000 : Consort Telle
- Dans le
domaine médical, la perte d’une chance sérieuse d’éviter une opération
chirurgicale, est indemnisable, c’est un préjudice : CE 6 février
1974 : Gomez
- Préjudice
certain, qui va s’aggraver dans le futur : possibilité de demander
réparation :
CE 12 juin 1981 :
Centre Hospitalier de Lisieux. Le juge retient que l’invalidité d’un enfant
dont on sait avec certitude que cela va réduire sa capacité professionnelle
dans le futur, ouvre droit à réparation.
Ø Caractère
spécial : Caractère individualisable
La victime doit avoir un
préjudice propre, que n’ont pas les autres. Cette condition est sévèrement
appréciée en matière de responsabilité sans faute, car ce régime est plus
favorable pour la victime : pas besoin de montrer la faute.
Un préjudice commun à l’ensemble
des citoyens ne serait pas indemnisable : Faillite bancaire nationale.
Jurisprudence : Arrêt
d’Assemblée du CE du 30 mars 1966, Compagnie générale d’énergie
radioélectrique, Le juge relève l’absence du préjudice spécial, donc pas
d’indemnisation. Il s’agissait d’un accord conclu entre la France et
l’Allemagne, et qui visait à reporter l’indemnisation des radios qui avait été
réquisitionné sous l’occupation.
Caractère non individualisable car toutes les radios étaient
réquisitionnées.
Ø Caractère
anormal :
La normalité concerne la gravité. Il faut que le préjudice soit d’une
gravité suffisante, puisque la gravité se calculer au cas par cas, propre à
la victime. Il faut que ce caractère se
cumule avec le caractère spécial, ca caractère étant important pour la
responsabilité sans faute :
Ø L’atteinte à un
intérêt légitime :
Cette notion vient du juge
judiciaire, qui avait reconnu dès 1959 à propos des concubins. Le juge
administratif s’est ouvert aux évolutions sociologiques, puisqu’il faudra
attendre 1978, pour que le juge administratif reconnaisse le concubin, une
atteinte légitime justifiant réparation.
Arrêt CE, section du 3
mars 1978 : Dame Müsser : Il s’agissait de la concubine d’un sapeur pompier bénévole décédé au cours
d’une opération. Le CE relève le préjudice subit, avec une veuve avec deux
2 enfants. Donc atteinte à l’intérêt légitime, liée à un préjudice.
La jurisprudence en
revanche n’a pas admis l’intérêt
légitime du fait de la naissance non désirée d’un enfant survenue après
l’échec d’une IVG : CE / Assemblée 2 juillet 1982, Demoiselle R.
La jurisprudence a précisé
par la suite : A moins que cette
mère, ne puisse invoquer des circonstances ou une situation particulière.
Le CE a reconnu des circonstances particulières dans l’arrêt du 27 septembre
1989 : Karl : Grave infirmité de l’enfant due à un traumatisme causé
au fœtus.
Ø Evaluable en argent
Logique, puisque la réparation
conduit à une indemnisation en capital. La victime va devoir chiffrer son
préjudice.
Il faut souligner que la
jurisprudence est allée dans un sens plus favorable aux victimes en accordant
ce que le juge appelle une réparation intégrale, c'est-à-dire pour tous les
préjudices indemnisables.
- Avant 1961, le juge
administratif refusait d’indemniser le préjudice moral, car les larmes ne se
monnaient pas.
- Mais avec l’arrêt
d’assemblée du 24 novembre 1961 : Consorts Le Tisserand, le juge est revenu pour accorder
l’indemnisation d’un préjudice moral et à partir de là n’a cessé d’étendre
la notion de préjudice moral.
Le juge a reconnu l’atteinte à la réputation : Décembre 2000
Treyssac : Rapport administratif non fondé qui porte atteinte à la
réputation d’un fonctionnaire : Préjudice moral indemnisable.
Il faut enfin un préjudice d’une certaine importance
pour permettre une indemnisation. Le juge est lié par les conclusions chiffrées
de la victime.
2)
Le lien de causalité entre le fait
dommageable et le préjudice subi.
Quelque soit le régime de responsabilité, il faut toujours démontrer au
juge les liens de causalité entre les faits dommageables et le préjudice subi
en tant que victime.
Il faut donc montrer une relation
de cause à effet entre l’activité d’intérêt générale et le préjudice subi par
la victime. La jurisprudence
administrative exige un lien de causalité direct et non pas indirect.
Cela a été montré pour la
1ère fois à contrario (donc indirect) dans l’arrêt du CE du 14
octobre 1966 : Le mauvais état d’une chaussée ne peut pas être considéré
comme la cause directe de la détérioration d’un moteur dès lors que le camion a
été mal examiné.
Retenons que cette condition a
montré une divergence de jurisprudence entre le CE et la Cour de
Cassation en matière de responsabilité médicale.
-
Direct pour le CE
-
Indirect pour la Cassation.
CE, arrêt de principe du 14 février 1997 : CHR de Nice contre
Epoux Quarez : Naissance d’un enfant trisomique.
Le CE a jugé que
l’insuffisance d’information fautive, l’information donnée aux parents quant
aux risques qu’elle ne pouvaient pas s’exposer, est la cause directe, du
préjudice résultant de cette naissance pour les parents seulement.
Mais au contraire, il n’y a pas de lien de causalité directe entre
la faute de l’hôpital (défaut d’information) et l’infirmité de l’enfant
lui-même, qui est inhérente à son patrimoine génétique, et par suite
préexistante aux examens médicaux.
La responsabilité de
l’hôpital est engagée vis-à-vis des parents mais pas vis-à-vis de l’enfant.
Arrêt Perruche : 2000. La Cours de Cassation a retenu le
principe selon lequel l’enfant né avec un handicap doit être indemnisé dès lors
qu’en raison d’une faute médicale, sa mère a été privée de la possibilité
d’avorter (lien indirect).
Le préjudice de l’enfant
est donc né de son handicap.
L’article 1 de la loi de
2004 : Nul ne peut se prévaloir du préjudice du seul fait de sa naissance.
Dans un arrêt de la Cours administrative d’appel de Bordeaux
qui se prononce le 27 juin 2006 : Mr et Mme Erick M. Ils sont revenu
sur le lien de causalité direct : L’hôpital public a été tenu responsable
de la naissance d’un enfant handicapé, en raison d’une erreur commise lors
d’une grossesse précédente, et ayant eu des conséquences sur les grossesses
ultérieures. Il s’agissait d’une anomalie du groupe sanguin.
L’Administration peut invoquer des causes exonératoires pour diminuer
totalement ou partiellement sa responsabilité :
-
La force majeure :
Se défini comme une cause
extérieure mais connue, totalement imprévisible et irrésistible dans ses
effets.
CE 17 avril 1942, Syndicat des digues du Reyran : rupture
d’une digue provoquée par un cru exceptionnel exonérant le syndicat connu.
- Le cas
fortuit :
Cause extérieure mais inconnue, et
bien sur irrésistible dans ses effets et imprévisible. Il ne peut pas être
invoqué en matière de responsabilité sans faute.
- La faute de la victime :
Le comportement de la victime a
provoqué le fait dommageable ou l’a aggravé. L’administration invoque souvent
l’imprudence de la victime.
- Le fait
d’un tiers.
C'est-à-dire lorsque
l’administration entend se retourner vers une autre personne publique ou
privée, pour un partage de responsabilité, pour se décharger d’une partie des responsabilités
sur un tiers. Comme pour le cas fortuit, le fait du tiers n’est invocable que
dans le régime de responsabilité pour faute.
3)
L’imputabilité en matière de
responsabilité administrative
La victime ne peut pas dire que le
dommage est imputable à l’administration, cela ne suffit pas. La victime doit
imputer le fait dommageable à une ou plusieurs personnes publiques désignées. L’action de la victime doit donc être
dirigée devant l’Etat, commune, région, établissement public.
Il peut y avoir quelques
difficultés, comme lorsqu’une autorité de tutelle intervient en se substituant
à une collectivité défaillante.
Lorsqu’une autorité de tutelle agit
au nom d’une autorité, l’autorité reste responsable. (Etat substitue la
commune)
La victime peut rechercher une
responsabilité administrative substituée, c'est-à-dire lorsque la commune avait
confié la gestion à une personne privée. Dommage par une personne privée, mais
irréparable.
La victime peut imputer le fait
dommageable à l’autorité qui a confié le travail à la personne privée : Chayette : Responsabilité de la Ville
de Paris en tant que autorité concédante, à raison de l’insolvabilité de la
société privée.
Section 3 : La réparation intégrale
du préjudice
1)
Les règles d’évaluation
L’évaluation doit d’abord être en
argent, et chiffrée de la victime. Le juge va retenir une évaluation
subjective, c'est-à-dire au cas par cas. Le juge utilise un barème officieux.
Il y a donc une appréciation subjective du juge.
Jusqu’en 1947, la date d’évaluation
était fixée au jour de la survenance du dommage, ce qui n’était pas favorable
aux victimes, car le préjudice pouvait s’aggraver.
Dans plus arrêts
d’Assemblées : 21 mars 1947, le CE a décidé de faire une distinction selon
qu’il s’agit :
- De
dommages causés aux biens : immeubles : Il faut garder la date
d’évaluation au jour du fait dommageable, car l’étendue du dommage est connue.
- Ou aux
personnes physiques : On considère qu’il fallait retenir la date et
donc l’évaluation au jour du jugement, et non pas au jour du fait dommageable.
2)
Le calcul de l’indemnité réparatrice
a)
L’indemnité principale
L’indemnisation est en capital,
mais lorsque l’enfant est mineur il peut être décidé d’être accordé une rentre
jusqu’à la majorité de l’enfant.
Si la victime n’est pas d’accord
elle pourra contester.
b)
Les indemnités accessoires
Il y a la possibilité sur demande, du versement d’intérêts moratoires,
pour réparer le temps entre le préjudice subit et le jugement.
La demande d’intérêt moratoire doit
être faite dès la demande d’indemnisation devant l’administration, puisque le
calcul se fait dès la 1ère demande.
La loi du 10 juillet 1991, le législateur a instauré un droit à
compensions des frais dits irrépétibles (avocat, expertise). La partie perdante
va supporter cela, mais le juge peut apprécier le partage.
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