Notre
ordre juridique est peuplé de normes venues du droit international et du droit
communautaire.
·
Depuis
la C° de 1946 il est admis que le droit international prime sur le droit
national y compris sur la loi française et la jurisprudence
communautaire a mis en avant cette idée de primauté du droit communautaire sur
le droit national.
- Le
CE a consacré très tôt la possibilité de
se prononcer sur le droit international dés 1952 dans un
arrêt Dame Kirkwood.
- En
1997, le CE va plus loin, dans un arrêt Aquarone, il
juge que non seulement les normes
écrites du droit international s’impose mais aussi les principes non écrits du
droit international tel que dégagés par la CIJ ainsi que la coutume
internationale.
Le droit communautaire et la CEDH ont une
portée juridique particulière dans notre ordre national dans la mesure
où il est assez largement admis que les dispositions du droit communautaire
intéressent non pas des relations d’Etat à Etat mais les relations de l’Etat signataire avec ses propres ressortissants.
Les
deux systèmes juridiques européens ont leur propre système juridictionnel (la cour de justice de l’union européenne, et cour européenne des droits
de l’homme). Elles ont leur propre arrêt, propre jurisprudence.
v Il y a des problèmes assez nombreux et complexes :
- La règle de droit international est-elle correctement
entrée dans notre ordre juridique ? 2 conceptions :
èconception dualiste : un traité international ne s'applique
dans l'ordre interne que s'il est repris par une loi nationale. C'est le
système anglais
èconception
moniste :
une règle de droit international prime et s'applique en droit interne du
seul fait qu'elle a été ratifiée par les autorités.
C’est
le cas Français. Le problème c’est que c’est un monisme incomplet car
comme la règle internationale vient du dehors, il faut s’assurer qu’elle
remplit les conditions pour s’appliquer dans le dedans.
- En
outre, même une fois insérée dans notre ordre juridique, la règle de droit
international peut poser des problèmes d’application. Il peut y avoir une
difficulté quant à son interprétation, quand à son effet direct.
- Il
peut y avoir des problèmes liés à l’interposition d’une autre règle.
- Les solutions qui valent pour le droit international ne valent pas pour le droit communautaire car il repose aujourd’hui sur
des mécanismes d’intégration qui lui sont propres et sont décrits par l’article
88 de la constitution.
Section 1 : le contrôle par le juge de
l’insertion de la regle de droit international dans l’ordre juridique interne
·
Les conditions
d’insertion sont définies à l’article 55 de la constitution :
les
traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont dés leur publication
une autorité supérieure à celle des lois sous réserve de son application par
l’autre partie.
o
Cet article mélange
deux questions qui n’ont rien à voir : la question de l’insertion de la
norme et une question différente qui est celle de l’autorité juridique.
Et
parmi les questions de l’insertion de la norme, il y a des questions qui
paraissent dépasser la dimension juridique, notamment l’idée que pour
l’application d’un traité il faut qu’il soit appliqué par l’autre partie.
Le juge vérifie les conditions d’insertion
des traités. Par contre, il y a eu des difficultés plus lourdes s’agissant de la clause dite de
réciprocité.
paragraphe 1 : le contrôle par le juge des
conditions d’insertion formelle des traités dans l’ordre juridique national
èLe
juge vérifie d’abord que le traité a été signé par les autorités diplomatiques
ou a été ratifié par le Président de la République ou approuvé ministre des
affaires étrangères. Si le
texte n’a pas été ratifié ou approuvé, il n’est pas applicable en droit
français. C’est le sort
réservé à la déclaration universelle des droits de l’homme.
èLe
juge va vérifier si l’engagement international a été publié au journal
officiel. Si ce
n’est pas le cas il n’est pas inséré dans notre ordre juridique. Un Etat qui tarde à publier une convention
qu’il a ratifié est susceptible d’engager sa responsabilité : Arrêt 1958, Société Ultrabois.
v Question : le traité doit être régulièrement ratifié
ou approuvé. Qu’entend-on par là ? Il faut que cela se fasse par
l’autorité compétente. L’une des
difficultés est venue d’une disposition de la constitution qui est l’article
53 de la constitution et qui
nous dit que certains traités doivent pour pouvoir être ratifiés, obtenir
l’autorisation du parlement.
o
Longtemps, le CE a refusé de vérifier si la
ratification avait été autorisée par le parlement, notamment dans un arrêt de 1966, Cartel d’actions morales et sociales.
Le raisonnement du CE tenait à la nature double de la ratification : Ce
n’est pas seulement un acte de droit interne mais aussi un acte qui a
une portée juridique au niveau international, c’est un acte qui exprime au
plan international le consentement définitif de l’Etat et le CE en déduit que
c’était un acte non détachable des relations internationales et que le CE juge interne n’avait pas à se
mêler des relations internationales de la France (théorie des actes de
gouvernement).
Progressivement,
le CE a fini par renoncer à cette jurisprudence et a estimé qu’il lui revenait de vérifier si le
parlement avait bien autorisé la ratification du traité. Dans un arrêt de 1998, Parc d’activité de Blozheim,
le CE est revenu sur sa jurisprudence. Il fallait tirer la conséquence de l’arrêt Nicolo : le traité s’impose à la loi française.
paragraphe 2 : les difficultes liées à
l’appréciation de la clause de reciprocite
·
Cette clause est posée
par l’article 55 de la constitution. Elle consiste à
exiger pour qu’un traité soit applicable que les autres Etats parties à ce
traité en assurent aussi l’application. Ce n’est qu’à cette
condition que ce traité est opposable aux autorités nationales.
o
La clause de
réciprocité vaut pour les traités classiques, diplomatiques, les traités qui
font naitre des relations Etats à Etats. Il y a des traités qui ne sont pas
soumis au respect de cette clause : les
traités communautaires, les traités qui portent sur les droits de l’homme.
v La clause de
réciprocité pose deux questions : quelles sont les effets ? Qui doit
apprécier la réalité du défaut de réciprocité ?
- La
constitution donne une réponse ambiguë puisque l’article 55 de
la constitution lie défaut de réciprocité et autorité juridique
du traité. Le juge nous dit : quand
la condition de réciprocité n’est pas remplie, le traité n’est pas applicable.
- Elle
a soulevé plus de difficultés. Le juge peut apprécier le respect de la
condition de réciprocité ? Apprécier la condition de réciprocité c’est
d’abord apprécier les conditions de fait, des questions d’ordre technique voire
même d’ordre politique car en vérité cela revient à apprécier le comportement
d’un Etat étranger.
o
Le
JA va d’abord estimer qu’il ne pouvait pas apprécier cette condition de
réciprocité car techniquement il ne pouvait pas être sur
place, et politiquement c’était source de complications.
Arrêt Rekhou 1981 et arrêt 1999 Chevrol Benkeddach :
dans ces deux affaires, le CE a estimé
que pour vérifier la condition de réciprocité, il lui appartenait de renvoyer l’affaire au ministre des affaires
étrangères dans le cadre d’une question préjudicielle. L’idée étant que la
réponse donnée par le ministre des affaires étrangères s’impose au juge.
o
Cette jurisprudence
traditionnelle a posé des difficultés d’abord car depuis l’arrêt
Nicolo, les règles du droit international s’impose dans l’ordre juridique interne
et sont amenées à prévaloir sur la loi nationale.
o
En 1990, dans un
arrêt GISTI, le CE avait
abandonné la pratique du renvoi au ministre des affaires étrangères sur la
question de l’interprétation des clauses d’un traité. Pourquoi ne pas
transposer à l’appréciation de la condition de réciprocité la jurisprudence
nouvelle sur l’interprétation des traités ?
o
Outre cette divergence
de jurisprudence, il y eut une nouvelle difficulté avec la jurisprudence de
la CEDH qui a jugé qu’en matière de
renvoi devant le ministre des affaires étrangères, il y avait là une violation du droit à un procès équitable. La cour
l’a jugé d’abord en matière d’interprétation des traités en 1994 dans une
affaire Beau Martin et l’a jugé en 2003, dans
l’affaire Chevrol. La cour
considère que le juge administratif en renvoyant au ministre se prive et prive
le requérant de la possibilité de discuter une question déterminante sur
l’issue du procès. Pour la CEDH, il y a
là une question fondamentale qui relève de la mission du juge.
v Cette
analyse a fini par persuader le JA de la faiblesse de la jurisprudence de
l’affaire Chevrol Benkeddach. Le JA a admis
dans un arrêt Cheriet-Benseghir en 2010, qu’il ne pouvait pas abandonner au
ministre des affaires étrangères l’examen de la condition de réciprocité.
D’abord parce que c’est une question qui
conditionne l’issue du procès, ensuite parce que même si cela l’amène à se
mêler de questions diplomatiques, ce
n’est pas la 1ère fois et seule fois que le juge vient sur ce
terrain. Ex : En matière
d’extradition, quand un Etat étranger demande l’extradition d’un ressortissant,
le juge administratif doit vérifier si les incriminations posées par l’Etat
demandeur sont conformes à l’ordre public Français.
v Le JA retient aujourd’hui la solution suivante : en cas de moyens soulevant l’absence de
réciprocité du traité, le juge est tenu de demander l’avis au ministre.
C’est une obligation procédurale, mais le juge n’est pas tenu par la réponse
que formulera le ministre. Le juge peut discuter l’avis motivé du ministre.
Au final donc le juge apprécie si oui ou
non la condition de réciprocité est remplie.
Cette évolution de la jurisprudence a produit immédiatement
ces effets puisque dans l’affaire Cheriet-Benseghir,
le CE a jugé que la condition de réciprocité
avait été remplie à propos d’une stipulation des accords d’Evian, alors
qu’en 1999 dans l’affaire Chevrol Benkeddach, il l’avait estimé comme non
rempli.
section 2 : l’application par le juge
administratif de la regle de droit internationale
Cette
application par le JA va poser des problèmes :
D’abord,
celui de l’interprétation de la règle de droit internationale. Qui le
fait ? ; Quels sont les effets de la règle de droit internationale
que l’on invoque devant lui ? Cette règle est dotée de l’effet
direct ? ; Cette règle de droit internationale ne vient pas buter sur
une règle de droit interne qui empêcherait le juge de faire application de
la règle de droit interne ?
paragraphe 1 : l’interpretation de la
regle de droit internationale ou communautaire
Dans
la fonction du juge, il y a un élément essentiel qui est l’interprétation de la
règle. C’est une démarche inhérente à la fonction du juge. Cette évidence se
heurte à l’égard des règles de droit internationales à des difficultés induites
par l’origine de la règle qui vient d’un autre ordre juridique sur lequel le
juge n’a pas la maîtrise. Les solutions ne sont pas les mêmes que ce soit pour
le droit international ou le droit communautaire.
A)
L’interprétation de la règle de droit internationale
·
Traditionnellement, le
JA rattachait l’interprétation des traités à la théorie des actes de
gouvernement et il considérait que l’on ne pouvait pas discuter devant lui de
l’interprétation d’un traité rendu par le ministère des affaires
étrangères : arrêt Karl Toto Samé.
o
La pratique était celle
du renvoi au ministre des affaires
étrangères. Plusieurs arguments étaient invoqués :
- la difficulté d’accéder
aux travaux préparatoires du traité ;
- il fallait une unité
d’interprétation de la règle de droit internationale et seul le ministère des
affaires étrangères était capable de savoir comment cette règle était appliquée
dans les autres Etats ;
- L’idée que
l’interprétation du juge déconnecté de celle du ministre des affaires
étrangères pourrait compliquer les relations diplomatiques de la France.
·
Cette jurisprudence
traditionnelle a été remise en cause dans l’arrêt GISTI de 1990. Le CE a jugé qu’il lui revenait même en cas
de difficultés sérieuses d’interpréter le droit internationale.
o
Deux facteurs :
- l’arrêt
Nicolo de 1989 qui fait prévaloir le traité sur les lois y compris les lois postérieures
donc il y avait une sorte de déséquilibre dans la séparation des pouvoirs (on
fait prévaloir l’interprétation du ministre sur le législateur, donc atteinte à
la hiérarchie des normes, donc il fallait dire que le juge interprétait les
traités) ;
- l’arrêt
de la CEDH 1994, Beau martin c. France qui a
jugé que la pratique du renvoi au
ministre dans le cadre d’une question préjudicielle était une atteinte au droit
à un procès équitable.
B)
L’interprétation de la règle de droit communautaire
·
L’ordre
juridique communautaire est un ordre juridique distinct de l’ordre
international car largement intégré à l’ordre juridique national et qui dispose
en plus de ses propres instruments et mécanismes de contrôle.
·
Le traité de l’UE (art 234) prévoit ainsi que c’est à la
CJUE qu’il revient d’interpréter le droit communautaire et d’assurer l’unité
des interprétations en vigueur dans tous les états membres.
v La
réalité est plus complexe car tous les jours il y a une règle qui est invoquée
devant les juridictions nationales. On ne renvoie à la cour de justice que
les questions faisant difficultés sérieuses ou les questions dont la solution
n’est pas claire.
o
Pendant
longtemps, le JA a fait une application abusive de la
théorie de l’acte clair, c'est-à-dire qu’il jugeait tout clair.
o
C’est ce qu’il a fait
dans une affaire de 1978 « Cohn-Bendit ».
La question était de savoir si une
directive communautaire qui reconnaissait des droits aux ressortissants
communautaires qui auraient permis à Cohn Bendit de revenir en France était
directement invocable ? Le CE n’entendait pas retenir
l’interprétation de la cour de justice sur cette question et donc plutôt que de
renvoyer la difficulté sérieuse à la cour de justice, le conseil d’Etat a considéré qu’il n’y avait pas de difficulté
sérieuse alors que la cour de justice jugeait le contraire.
Le
droit communautaire s’est alors construit conceptuellement en dehors des
schémas du droit Français. La Cour de justice quand elle rend des
interprétations le fait toujours par rapport au droit national qui pose
problème. Si les Français ne saisissent pas la cour de justice, les autres
vont le faire.
o
Le CE est revenu à une
pratique plus en adéquation avec les autres cours européennes et aujourd’hui le CE n’hésite pas à poser
des questions préjudicielles à la cour de justice sur des questions qui font
vraiment difficulté, quitte à abandonner sa jurisprudence :
- 1999, CE, Griesmar
où le CE renvoie à la cour et applique
l’avis de la cour. Le CE sans renvoyer à la cour de justice applique la
jurisprudence de la cour de justice.
paragraphe 2 : l’appreciation par le juge
des effets de la norme internationale ou communautaire dans l’ordre interne
Les
solutions apportées ne sont pas les mêmes selon qu’il est invoqué devant le JA
une règle de droit international ou communautaire compte tenu de la spécificité
de l’ordre juridique communautaire.
A) Les
effets de la règle de droit internationale
·
Un traité est conclu
entre deux Etats au minimum : du point de vue du droit
international, le traité ne produit
des effets juridiques qu’entre les Etats car seuls les Etats sont sujets de
droit international.
v Dès
lors la question qui se pose est de savoir dans
quelle mesure ces stipulations conventionnelles sont susceptibles d’être
invoquées à l’encontre de l’administration par le justiciable ?
Cette question soulève deux problèmes différents : l’effet direct du traité et l’applicabilité
directe. Une norme peut avoir un effet direct sans pour autant avoir
une applicabilité directe.
1) L’effet direct
des conventions internationales
L’effet direct désigne
l’aptitude d’une règle de droit internationale à conférer par elle-même aux
particuliers des droits dont ils peuvent se prévaloir au plan interne et
notamment devant les juridictions nationales.
·
Tous les traités n’ont
pas cette aptitude là.
ð Par
exemple, n’a pas cette aptitude là le traité qui ne contient que des stipulations
qui concernent uniquement les Etats dans leurs relations réciproques :
arrêt 1985, CE, Garcia Henriquez : était invoqué devant le CE une convention
conclue entre la France et la Colombie par laquelle chaque gouvernement
s’engageait à consulter son homologue avant de décider de l’extradition d’un de
ses ressortissants vers un pays tiers. Le CE est saisi par Garcia Henriquez qui
sur décision du gouvernement français va être extradé vers les EU. Or en
l’espèce, le gouvernement français n’avait pas consulté le gouvernement
colombien. Le requérant demande l’annulation de l’extradition car le traité n’a
pas été respecté. Le CE répond : le
traité en question n’a pas d’effet direct, les particuliers ne sont pas les
destinataires de la règle, la règle n’engage que les deux Etats dans leurs
relations réciproques, le requérant ne peut pas se prévaloir de cette
disposition.
·
Cela ne veut pas dire que ce type de
traité n’est pas susceptible de s’appliquer devant les JA.
ð Arrêt 1993, Royaume Uni de Grande Bretagne et d’Irlande
du nord,
à propos de la colonie britannique de
Hong Kong qui avait demandé l’extradition d’un ressortissant Hongkongais sur le
territoire national et le gouvernement français avait refusé cette extradition.
Au nom du gouvernement de Hong Kong, le gouvernement britannique avait attaqué
devant le CE le refus d’extrader en se fondant sur la convention d’extradition
qui liait la France au RU. Ici, alors même que cette décision d’extradition
n'intéressait que la France et le Royaume-Uni, le CE a accepté que le R-U
pouvait s'en prévaloir.
ð Même exemple dans une affaire de 1994 « Confédération Helvétique ».
v La
question de savoir si un traité a un effet direct est fonction de l’objet de la règle et de son aptitude à faire naître
directement des droits au profit des particuliers.
ð C’est
ce que rappelle le commissaire du gouvernement Mr Abraham dans
ses conclusions sous l’arrêt GISTI de 1997.
Il explique « ce n’est pas dans le
droit international qu’il faut chercher la réponse de l’effet direct, mais dans
le droit national. Le droit international est normalement indifférent au statut
juridique des traités dans l’ordre interne, c’est une question qui doit être
réglée par chaque Etat dans le cadre de ses propres règles, notamment
constitutionnelles et ce pourvu que cet Etat respecte au final ses engagements
conventionnels par les moyens qui lui paraissent le mieux approprié ».
Une
fois que l’effet direct est déterminé, les stipulations du traité visent bien
les particuliers mais ce n’est pas pour autant que ces stipulations du droit
international sont encore invocables.
2)
L’applicabilité directe des normes conventionnelles
·
L’applicabilité directe désigne l’aptitude d’une règle de droit
international à produire ces effets sans que soit nécessaire une intervention
nationale.
o
Ce qui est en cause ici
n’est pas l’objet mais la rédaction de la règle : est ce qu’elle
a un contenu suffisamment précis, suffisamment inconditionnel pour être
d’elle-même auto-exécutoire ?
ð Ex :
affaire Valton, CE, 1984 : était invoqué devant le CE l’article 4 de la
charte sociale européenne. Selon ce texte, les Etats parties s’engagent à reconnaitre
le droit de tous les travailleurs à un délai de préavis avant la cessation
d’emploi. Sur le fondement de ce texte, était attaquée devant le juge une
décision administrative où la question du préavis n’était pas réglée. Le CE va estimer que l’article 4 de la
charte sociale européenne ne fixe qu’un objectif à atteindre, qu’une
recommandation pas suffisamment précise et inconditionnelle. Le CE considère
que ce type de stipulations n’a pas d’applicabilité directe.
v Le caractère auto-exécutoire de la règle s’apprécie de la précision
de la norme. Est-elle suffisamment
précise ?
·
Or la question de
savoir si une norme est suffisamment précise peut faire l’objet d’interprétations divergentes de la part
des juridictions. Il arrive notamment qu’une même stipulation
internationale ne soit pas apprécié de la même manière entre le CE et la cour
de cassation et notamment il y a eu divergences d’appréciations sur le
caractère auto-exécutoire des articles de la convention sur les droits de
l’enfant. La cour de cassation a commencé à dire que la convention
n’était pas auto-exécutoire dans son ensemble alors que le conseil d’Etat a
opté pour une position plus nuancée distinguant selon le contenu de chaque
article.
La question qui se pose est de
savoir quelle est l’articulation entre l’effet direct de la règle et sa
capacité d’applicabilité directe. On a vu qu’une norme qui a
effet direct en général a une applicabilité directe mais ce n’est pas toujours
le cas.
v Reste une question plus
complexe qui est de savoir si l’applicabilité directe ou de la règle dépend ou
non de la nature de l’acte qui est contesté devant le juge administratif et en
particulier de la question de savoir si est contesté devant le JA un acte individuel
ou une mesure à caractère général ?
·
Quand
un traité n’est pas auto-exécutoire, c’est que généralement il suppose une
règle nationale d’application :
- Si la règle nationale d’application n’est pas prise, on
comprend qu’on ne puisse pas attaquer devant le juge administratif un acte administratif individuel en se
fondant sur le traité
- Mais
lorsqu’on attaque devant le juge administratif un acte réglementaire ou une loi (ce sont des mesures nationales d’application),
on pourrait dire qu’on peut invoquer les stipulations du traité.
Ø L’idée d’Abraham est de distinguer l’invocabilité du traité
selon que l’on attaque un règlement ou un acte individuel ;
l’idée étant que le caractère non exécutoire du traité ne peut faire obstacle
qu’au recours contre un acte individuel et non réglementaire.
v Le CE dans cette
affaire ne l’a pas suivi et il refuse de faire cette distinction selon la
nature de l’acte que l’on attaque. L’intérêt des conclusions
Abraham était de s’inspirer d’une jurisprudence que l’on applique aux
directives communautaires où l’on fait ce genre de distinction.
B)
L’effet spécifique des directives communautaires
·
Le droit communautaire est composé d’un ensemble de normes qui
comprend les dispositions des traités mais également des actes de droit dérivé qui
obéissent à une distinction fondamentale entre les règlements communautaires et
les directives communautaires.
o
L’une des difficultés
tient au statut des directives. Les directives prévues par l’article 249 du traité de l’UE présentent
du point de vue de leur intégration en droit interne une spécificité : les directives adoptées par les Etats
membres se bornent en principe à ne formuler que des objectifs
à atteindre, des objectifs qui appellent des mesures de transposition dans leur
ordre juridique interne et ce, dans des délais
qui sont généralement imposés par la directive.
Ces directives exigent
transposition de la part des Etats membres et excluent
application directe de la directive dans l’ordre juridique national.
v La question est donc de
savoir comment le juge traite de cette question quand il est saisi de recours
qui s’appuient sur une directive et en particulier quand le requérant invoque
une directive qui n’a pas été transposée dans l’ordre interne dans les délais
requis alors qu’elle aurait dû l’être.
·
Cette question a donné
lieu à une jurisprudence divergente
entre le CE et la CJCE qui va se manifester en 1978 dans
l’arrêt « Cohn-Bendit ».
o
Le CE rejette le
recours de Cohn Bendit en expliquant que conformément au traité de Rome, que les directives n’ont pas d’effet direct
dans l’ordre juridique interne donc un justiciable ne peut pas l’invoquer
directement contre les autorités françaises. Cette réponse paraissait
conforme à la lecture du traité sur la CEE.
o
Le problème est
qu’entre temps, la jurisprudence européenne dans un arrêt
« Van Duyn » de 1974 avait développé une
interprétation propre de l’effet juridique des directives et avait expliqué qu’il
fallait distinguer selon le contenu de la directive car pour la Cour de
justice, certaines directives ont un
contenu suffisamment précis, suffisamment inconditionnelle pour être dotées
d’un effet direct.
En
conséquence, à l’expiration du délai de
transposition, on doit admettre que les justiciables peuvent les invoquer si
l’Etat membre n’a pas pris les mesures de transposition nécessaire. La cour
de justice au vue de cette pratique, nous dit qu’il y a les directives
réglementaires qui offrent au requérant une invocabilité de substitution car on
peut les invoquer à la place des mesures nationales qui ne sont jamais
intervenues et c’est cette idée d’invocabilité de substitution que rejette le
CE dans l’affaire Cohn Bendit.
v Cette
affaire a fait scandale car le CE s’est écarté intentionnellement de la
jurisprudence Van Duyn, il a au nom de la théorie de l’acte clair refusé de renvoyer la
question de l’interprétation de la directive à la cour de justice et il a
développé une jurisprudence dissidente. Pour autant, la jurisprudence administrative reconnait l’autorité juridique des
directives communautaires mais pas dans le cas de l’invocabilité de la
substitution.
o
La jurisprudence
administrative va se situer sur un autre terrain : l’invocabilité d’exclusion. C’est la
possibilité
d’invoquer une directive communautaire contre des mesures nationales
(réglementaires ou législatives) qui n’en assure pas la transposition ou qui en
viole les objectifs. Cela veut dire que l’on peut invoquer des
directives communautaires contre un acte réglementaire censé transposer la
directive qui contrevient à la directive.
C’est ce que juge le CE en 1984,
« Confédération nationale des sociétés de protection des animaux de France
et des pays d’expression française ». Plus largement, le CE
va considérer que dans la mesure où l’Etat
a l’obligation passé le délai de transposition de transposer par des mesures
législatives ou réglementaires les dispositions de la directive, il est
possible aux administrés de contester devant le CE toute disposition nationale
réglementaire ou législative qui ne serait pas conforme aux objectifs de la
directive. Cela veut dire que l’on
peut faire un recours contre n’importe quel règlement au motif qu’il ne serait
pas conforme à des objectifs de la directive. (Palazzi 1991).
Mais ce qui vaut pour les règlements
administratifs vaut aussi pour les mesures
législatives puisqu’il est
possible d’invoquer une directive pour mettre en échec l’application d’une loi (Société Rothmans 1992).
o
Le CE va même aller un
peu plus loin puisqu’il va admettre qu’il existe une invocabilité de prévention. C’est la
possibilité de
contester un acte réglementaire ou une mesure législative avant même expiration
du délai de transposition, dès lors qu’il apparaitrait que le règlement ou la
loi sont susceptibles de compromettre la réalisation des objectifs réalisés par
la directive, CE, 2001, France Nature
Environnement.
La jurisprudence Cohn Bendit
signifie simplement que le CE n’admet pas à la différence de la Cour de justice
l’invocabilité de substitution.
o
La divergence entre le
CE et la Cour de justice va durer de longues années. Mais progressivement, le
CE va s’efforcer de gommer les aspérités de la jurisprudence Cohn Bendit et va
s’efforcer de réduire autant que possible les cas de divergences quitte à admettre l’invocabilité de substitution
sans le dire expressément, notamment dans un arrêt de 1998
qui est l’arrêt Etienne Tête. Celui-ci contestait l’attribution à la société Bouygues d’une
concession de travaux publics visant la construction d’un péage. L’argument
d’Etienne Tête est de dire qu’il existe
une directive communautaire non transposée en droit français qui oblige
d’organiser une procédure d’appel d’offre avant d’attribuer une concession de
travaux publics. Il conteste une décision individuelle (même situation que
celle de Cohn-Bendit). Le CE dans cette affaire va admettre
l’invocabilité de la directive non transposée.
Le CE dit qu’en France il n’y a pas de texte législatif ou
réglementaire qui encadre l’octroi de concession de travaux publics, il n’y a
pas de place pour l’invocabilité de substitution. Mais il existe des principes
jurisprudentiels qui disent qu’il n’y a pas de mesures de publicité organisées
avant d’attribuer une concession de travaux publics. On peut admettre qu’un requérant invoque la directive communautaire
pour exclure l’application des principes jurisprudentiels. Cet arrêt est
intéressant car en l’espèce il n’y a pas de textes écrits. Le CE nous dit que
les principes jurisprudentiels s’interposent entre la directive et l’acte
individuel.
L’écart
entre les deux juridictions a été franchi définitivement par un arrêt du CE du 30 octobre 2009, Mme Perreux où le CE a accepté l’invocabilité d’une directive
non transposée dans le cadre d’un recours exercé contre une mesure individuelle
alors qu’il n’existait aucune mesure législative ou réglementaire de droit
interne qui réglait cette question. En
l’espèce, Mme Perreux était une magistrate qui contestait la nomination d’une
autre magistrate à un emploi de chargé de cours à l’ENM. Elle invoquait une
directive sur l’égalité en matière d’emploi, estimant qu’il y avait une
discrimination fondée sur des raisons syndicales. L’intérêt pour la requérante
d’invoquer cette directive est que la directive en matière de discrimination
inversait la charge de la preuve au sens ou ce n’est pas à l’employé de prouver
qu’il a été discriminé mais à l’employeur de démontrer qu’il n’a pas
discriminé. Le CE en l’espèce va admettre que Mme Perreux est parfaitement
fondée à invoquer les dispositions de cette directive non transposée.
Pourquoi
le CE a-t-il abandonné sa jurisprudence Cohn Bendit ? La
réponse du commissaire du gouvernement Guillomard se présente en 4
types d’explications :
- La
jurisprudence de la Cour de justice est
acceptée par la plupart des cours suprêmes des Etats membres
- Depuis
1974, les traités européens ont été révisés à plusieurs reprises et à aucun moment les Etats membres n’ont
souhaité encadrer, limiter, interdire la pratique des directives
réglementaires.
- Désormais,
l’obligation de transposer les
directives communautaires en droit Français ne trouve pas son fondement
simplement dans les traités mais aussi dans la constitution Française avec l’article 88-1.
- Et
enfin, parce que depuis Nicolo, l’office du juge administratif à l’égard du
droit communautaire a changé. Le JA doit donner aux justiciables nationaux
toutes les possibilités pour garantir les droits que les ressortissants
nationaux tirent du droit communautaire.
paragraphe 3 : l’interposition d’une regle
de droit interne entre l’acte administratif et la regle de droit internationale
ou communautaire
·
L’hypothèse est celle
d’un conflit de
normes. Le requérant invoque devant le juge une norme internationale
susceptible de faire échec à l’application de la loi ou de la constitution ou à
l’inverse, le requérant invoque une loi ou une règle constitutionnelle
susceptible de faire échec à l’application de la règle de droit internationale.
Dans
ces hypothèses de conflit de normes, le juge administratif est amené à
arbitrer, à chercher à savoir quelle est la norme qui va prévaloir et dans un
certain nombre de cas, il va écarter la règle de droit internationale alors
même qu’elle est d’applicabilité directe au motif qu’une règle supérieure l’y
oblige.
La
question de l’interposition des conflits de normes a évolué depuis une
vingtaine d’années. Classiquement, le JA faisait prévaloir la théorie de la loi
écran. Elle est aujourd’hui supprimée dans les relations entre la
loi et les conventions internationales. Par contre, un nouveau problème qui est
celui de la constitution
écran quand il y a un conflit entre la constitution et la convention
internationale, quelle est la norme qui prévaut ? Le JA fait prévaloir la
C°.
A)
L’interposition désormais impossible de la loi
·
Le CE en 1968 dans l’arrêt Syndicat national des fabricants de
semoule de France avait jugé que lorsque le traité rentrait en conflit avec une loi qui avait été
adoptée postérieurement au traité, le CE avait jugé qu’il lui était interdit de
contrôler la loi et il lui revenait dés lors de faire prévaloir la loi sur le
traité, la loi faisant écran.
- Cette
jurisprudence des semoules a été contredite assez vite, d’abord par
le Conseil constitutionnel dans sa décision IVG de 1975
où le Conseil constitutionnel dit : la
question de la conventionalité d’une loi n’est pas une question de
constitutionnalité.
- La
Cour de cassation dans l’arrêt Jacques Vabres
la même année, a accepté de contrôler la
conventionalité d’une loi par rapport aux traités communautaires en se
fondant sur les principes de l’ordre juridique communautaire et en particulier
sur le principe de primauté du droit
communautaire.
·
Le CE a mis 20 ans pour
revenir sur sa jurisprudence, il l’a fait par un arrêt du 20 octobre
1989, Nicolo. Le CE
accepte de vérifier la conventionalité d’une loi. Le CE fonde son contrôle
sur l’article 55 de la constitution.
o
Mais la jurisprudence
Nicolo ne règle pas tous les problèmes, en particulier lorsque le
législateur prend une loi à la place d’un acte administratif pour fixer par
voie législative des dispositions de nature réglementaire dans le but de faire
obstacle au contrôle du juge administratif et de contrevenir au droit
international.
ð C’est
ce qui s’est passé dans l’affaire de protection des oiseaux migrateurs et de la
fixation par le législateur des dates d’ouverture et de clôture de la chasse à
la tourterelle dans le but d’éviter le contrôle du JA. La jurisprudence Nicolo suppose en effet un contrôle par voie
d’exception. Pour éviter ce
contrôle, il suffit de prendre une loi qui n’aura pas besoin d’acte
administratif pour s’appliquer. C’est donc de ce texte qu’est saisi le
CE dans un arrêt de 1999 Association ornithologique et
mammalogique de Saune et Loire et rassemblement des opposants à la chasse.
Dans cette affaire l’association
requérante avait saisi le préfet pour qu’il fixe des dates d’ouverture de la
chasse différentes de celles prévues par la loi mais conformes aux dates précisées
par la directive communautaire. Le préfet avait refusé de prendre cette mesure
et c’est ce refus du préfet qui est attaqué devant le JA. Le JA va annuler la
décision de refus du préfet en posant pour principe que l’autorité
administrative est tenue d’appliquer les textes communautaires le cas échéant
en ignorant les lois contraires à ces textes communautaires. Ce type de loi
qui prend d’elle-même des mesures de nature réglementaire pourra faire l’objet
le cas échéant d’une délégalisation au titre de l’article 37 de l’alinéa 2 de la constitution.
ð Le
CE dans un 2ème arrêt du même jour « Association
ornithologique et mammalogique de Saune et Loire et Association France Nature
Environnement », il a jugé que le 1er ministre
était dans l’obligation de faire droit à la demande des associations lui
demandant de délégaliser une loi prise dans le domaine du règlement et
contraire au droit communautaire. Obligation
de délégaliser en saisissant le Conseil constitutionnel.
Cet
arrêt est intéressant car il faut le combiner avec un autre arrêt de 1989 qui est l’arrêt « Compagnie Alitalia »
qui dit que l’autorité
administrative a l’obligation d’abroger les règlements contraires au droit
communautaire.
B)
L’interposition désormais cantonnée à la seule Constitution
Il faut
distinguer deux cas de figure car tout dépend de la norme qui entre en conflit
avec la Constitution. Les solutions ne sont pas les mêmes s’il s’agit d’une
norme de droit internationale générale ou une norme de droit communautaire.
1) Le conflit
entre la Constitution et la norme internationale
·
Les hypothèses de
conflit sont rares mais on ne peut pas les exclure. Rare car l’article 55 de la constitution
nous dit que dans l’hypothèse où un
traité serait incompatible avec la constitution, il ne peut entrer en vigueur
que si on révise la Constitution. Il peut y avoir des modifications de la
Constitution qui contredisent des traités internationaux.
·
Les conflits vont se
concrétiser devant le JA dans deux cas de figure :
- Recours
contre un acte administratif pris sur le fondement d’une disposition
constitutionnelle en violation d’un traité international.
- Recours
contre un acte administratif pris sur le fondement d’un traité international
mais en violation de la Constitution.
a) Recours
contre un acte administratif pris sur le fondement d’une disposition
constitutionnelle en violation d’un traité international
·
Le
juge fait prévaloir la constitution en estimant que la constitution donne sa
validité juridique à l’acte administratif et qu’elle fait écran à l’égard du
traité.
o
Le juge considère qu’il
n’est pas dans son pouvoir d’écarter la constitution pour faire prévaloir le
traité pour une raison simple : le JA tire sa légitimité
juridique de la constitution et car aucune disposition de la constitution ne
l’habilite à le faire.
ð Le
CE a mis en œuvre son raisonnement dans l’arrêt Sarran en 1998,
à propos d’un acte administratif qui
organisait les consultations préfectorales en Nouvelle-Calédonie sur le
fondement de l’article 76 de la C°. L’article 76 est une disposition spéciale à
la Nouvelle Calédonie qui entérine les accords Rocard. Ces accords prévoient
que ne peuvent voter en Nouvelle Calédonie que les métropolitains installés en
Nouvelle Calédonie avant 1986. Le dénommé Sarran invoquait contre l’article 76
de la constitution, la convention européenne des droits de l’Homme, notamment
en ce que la convention européenne des droits de l’homme prévoit à des
élections libres et le droit à l’égalité de suffrage entre tous les citoyens
d’un même Etat.
b) Recours
contre un acte administratif pris sur le fondement d’un traité international
mais en violation de la constitution
·
C’est une affaire
récente du 9 juillet 2010 « Fédération nationale de la
libre pensée ». Etait
attaqué devant le CE un décret qui portait publication de l’accord conclu entre
la France et le Vatican sur la reconnaissance des grades et diplômes dans
l’enseignement supérieur et qui valait reconnaissance par la France de diplômes
préparés dans des instituts catholiques. La fédération de la libre pensée
demandait l’annulation de ce décret, notamment sur le fondement de l’article 2
de la constitution (Laïcité). Le CE
va écarter le recours en jugeant qu’il n’appartient pas de contrôler la
conformité à la constitution des stipulations d’un accord international
introduit en droit Français. Le rapporteur public invitait le CE à exercer
ce contrôle, le CE ne l’a pas voulu car il a considéré que cette mission relève non pas du juge administratif mais du juge
constitutionnel saisi au titre de l’article 54 de la constitution.
2) Le conflit
entre la constitution et la norme européenne
·
Cette question a été
abordée par le Conseil d’Etat dans un arrêt du 8 février 2007, Société
Arcelor. La société
requérante demandait l’annulation d’un décret qui transposait une directive
communautaire relative à l’application au sein de l’UE du protocole de Kyoto.
La société requérante soutenait que ce
décret méconnaissait différents principes à valeur constitutionnelle et
notamment le principe d’égalité.
Le
problème pour le CE était que le pouvoir
réglementaire est soumis à une double obligation constitutionnelle :
(rappelée dans la décision du Conseil constitutionnel de 2004
« Economie numérique »)
- L’idée
de suprématie de la constitution
- Mais
sur le fondement de l’article 88-1 de la
constitution, le gouvernement et le législateur ont l’obligation constitutionnelle de
transposer les directives en droit interne
Mais
il peut arriver que ces deux principes entrent en contradiction dès lors que
dans la directive il y aurait des normes contraires au principe
constitutionnel.
Dans
un premier temps, le CE accepte que le JA discute de cette question. Il faut
raisonner en 2 temps :
- Il revient au JA de
rechercher si les principes constitutionnels dont le requérant invoque la
violation ont un équivalent dans l’ordre juridique communautaire ? Dans
l’affirmative, soutenir que le décret
est contraire à la constitution c’est dire que la directive est contraire au
droit communautaire. Dans ce cas, le juge administratif vérifie s’il y a
une vraie difficulté sérieuse.
S’il s’avère qu’il y a une difficulté sérieuse, le CE renvoie la question devant
la CJUE qui détient le monopole pour apprécier
le droit communautaire dérivé
et
donc dans le cadre d’une question préjudicielle, c’est la cour qui donnera la
réponse.
S’il
n’y a pas de difficulté sérieuse ou si la question a déjà été posée, le JA
pourra de lui-même rejeter le moyen.
En l’espèce, le CE a estimé que la
directive communautaire posait un véritable problème avec le principe d’égalité
et que donc il lui revenait de saisir la CJUE. La solution du CE se fonde sur
l’article 88-1 de la constitution mais pour le CE, l’article 88-1 n’a pas le
même effet que l’article 55 à l’égard de la loi ; le CE ne s’estime pas
habilité par la constitution pour faire prévaloir le droit communautaire. Il
faut mettre un système de coopération entre les juges européens et nationaux.
-
Reste une difficulté
dans le cas où il n’y a pas dans l’ordre juridique communautaire un principe
équivalent au principe constitutionnel qui est invoqué devant le JA.
On peut penser par exemple au principe de
laïcité. Dans ce cas là, le CE estime que c’est une question
purement de droit français qui lui revient
seul d’apprécier la conformité du décret à ce principe constitutionnel
et le cas échéant, le JA annulera le décret pour méconnaissance
constitutionnelle alors même que le décret ne ferait que transposer la
directive.
paragraphe 4 : l’interposition d’une autre
norme internationale
La
réponse donnée par le JA se situe sur un double plan selon que la norme est une
norme européenne ou pas.
·
La réponse a été donnée
par le CE dans un arrêt du 10 avril 2008, Conseil
national des barreaux. Le
CE nous dit deux choses :
- Il
n’appartient pas au JA de statuer sur la
validité des stipulations d’une convention internationale au regard d’autres
engagements internationaux souscrits par la France.
- Mais
ce type de moyens est invocable devant le JA quand est en cause la CEDH ou le droit communautaire.
L’ordre
juridique communautaire est un ordre juridique spécifique qui trouve un fondement
constitutionnel qui lui est propre en droit français qui est l’article 88-1 de la constitution. C’est par le biais du
droit communautaire que la CEDH est
protégée car la jurisprudence de la Cour de justice a dit qu’elle fait partie
des principes généraux du droit
communautaire (jurisprudence bosphorus).
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