A l’intérieur de la police
administrative, il faut opérer une distinction entre la police générale, et les
polices spéciales. Intérêt de cette distinction à la police générale
repose sur très peu de textes et a des contours à caractères approximatifs. Au
contraire, les polices spéciales sont souvent fondées sur des textes, qui sont
relativement précis, et qui définissent la nature des mesures susceptibles
d’être prises. La police administrative peut donc se référer à des textes
suffisamment précis. /!\ En matière de police spéciale, il y a des
textes précis, mais ces textes là confèrent bien souvent aux autorités de
police des pouvoirs particulièrement énergique.
On peut également s’interroger
sur la multiplication de polices spéciales, dont les particularismes
n’apparaissent pas toujours une parfaite légitimité. Est-il nécessairement
normal qu’il y est une police spéciale des jeux et des casinos, des cinémas,
des étrangers, etc. ?
Section 1 : Police
administrative générale
A] Définition
Comment définir la police
administrative générale ? La police administrative générale se définie par
l’étendue de ses buts. Sa tâche est de veiller à la préservation de l’ordre
public. La notion d’ordre public est largement entendue. Traditionnellement
cette notion d’ordre public s’identifie à trois éléments : sécurité,
tranquillité (= sûreté), salubrité. La
triple incarnation de l’ordre public donne une idée de la variété de la mission
de la police administrative.
Au fil du temps, cette notion
d’ordre public s’est encore élargie. Elle a intégré des éléments constitutifs
supplémentaires. C’est ainsi que la moralité publique n’est pas étrangère à
l’ordre public, puisque la jurisprudence a reconnu au maire la possibilité
d’interdire la projection de film, sur le territoire communal, en se fondant
sur le caractère immoral d’un film. à Arrêt Films Lutétia 18
Décembre 1959.
La protection des individus
contre eux-mêmes relève aussi de l’ordre public. [ à Arrêt Morsang-sur-orge
27 Octobre 1995]. C’est cette protection des individus contre leur propre
insouciance, qui est la seule explication juridique que l’on peut trouver à des
mesures telles que l’obligation du port du casque pour les motocyclistes, ou du
port de la ceinture pour les automobilistes.
Il s’agissait d’un nain qui avait
choisi de rentabilisé son handicap en s’offrant aux joueurs comme un projectile
dont on pouvait jouer. Certains maires avaient pris l’initiative d’interdire un
tel spectacle ; et tout cela à donner matière à deux arrêts :
Conseil d’Etat du 27 Octobre 1995
commune de Morsang-sur-orge et Aix en Provence. à Interdiction de lancer
de nains.
B] Les autorités compétentes aux échelons territoriaux
Une distinction est à faire selon
que la compétence de ces autorités s’exerce à l’échelle du pays tout en tiers
ou que les compétences sont limitées territorialement.
a)
Les autorités compétentes à
l’échelon national
L’autorité qui a le rang le plus
élevé et qui est apte à prendre des mesures applicables sur l’ensemble du
territoire national est le Premier Ministre. Ce qui conduit à poser cela est la
référence à deux dispositions de la constitution de 1958 dont on déduit la
compétence du Premier Ministre :
~ Article
20 : « Le Gouvernement dispose de l’Administration ». Le
Premier Ministre dispose d’un Gouvernement.
~ Article 21 à
C’est au Premier Ministre qu’est attribué le pouvoir réglementaire. C’est à
dire de prendre des décisions générales et impersonnelles qui s’imposent à
tous.
De ces deux dispositions, on tire
la compétence du Premier Ministre pour prendre des dispositions de police
générale qui seront applicables par tous sur l’ensemble du territoire.
Mais le Président n’est pas
totalement incompétent en matière de police administrative générale. Il a
quelques occasions d’intervenir. Ces occasions sont dictées par le formalisme
juridique, et d’autre part par les nécessités :
Conséquence du formalisme
juridique à
c’est au président de la République qu’il appartient de signer les décrets
délibérés en conseil des Ministres, et c’est à lui qu’il revient également de
signer les ordonnances (article 38 de la constitution). Si jamais une mesure de
police prenait la forme d’un décret en conseil des Ministres ou d’une
ordonnance, c’est le Président de la République qui interviendrait directement.
En pratique les mesures de police prennent rarement la forme d’ordonnances et
de règlements.
Conséquence des nécessités à
Il faut ici viser l’article 16 de la Constitution relatif aux circonstances
exceptionnelles, qui donnent alors au Président de la République tous moyens en
vu de rétablir le fonctionnement normal des pouvoirs publics. Dans le cadre de
cet article 16, le président de la République peut être amené à prendre des
décisions relatives à la police administrative générale. Mais l’article 16 de la
Constitution n’a pas vocation à s’appliquer fréquemment.
à Un décret du 15 Mai
2002 prévoit qu’il revient au Président de la République d’assurer la
présidence du conseil de sécurité intérieure. La mission confiée à ce conseil
de sécurité intérieure est d’assurer l’impulsion de la politique de sécurité
intérieure. Avant 2002 cette instance était présidée par le Premier Ministre.
C’est l’occasion la plus importante pour le Président de la République
d’affirmer sa volonté en la matière.
Les ministres ne sont pas
qualifiés pour prendre des décisions de police générale ; pas plus le
ministre de l’intérieur que les autres ministres. Ils ne sont donc pas
autorités de police générale. Ce qui peut justifier qu’on rattache le ministre
de l’intérieur à la police administrative, c’est que toute une série de polices
administratives spéciales relèvent directement du ministre de l’intérieur (à
police des étrangers, police des jeux et casino etc.). De plus, bon nombre des
personnels de police sont rattachés, en tant que fonctionnaires de l’Etat, au
ministre de l’intérieur (à policiers, membres des CRS). Le ministre de
l’intérieur est également chargé de définir les moyens nécessaires à la mise en
œuvre des décisions du chef du gouvernement.
Par ailleurs, le ministre de l’intérieur
a la possibilité d’adresser des consignes d’actions aux préfets de département,
qui eux sont compétents en matière de police générale. Le ministre de
l’intérieur dispose là d’un biais extrêmement fécond. à Le ministre de
l’intérieur peut donner pour ordre à chaque préfet de chaque département
d’interdire les manifestations sur la voix publique par exemple.
b)
Les autorités compétentes aux
échelons territoriaux
Les deux cadres géographiques qui
se trouvent privilégiés pour les autorités de police générale sont le
département et la commune.
1] L’échelon départemental
Dans le département, deux
autorités sont en charge de pouvoir de police générale :
~ Le Préfet, qui agit en règle
générale pour le compte de l’Etat. Il dispose de compétences particulièrement
larges.
~ Le Président du Conseil
Général, qui agit pour le compte de la collectivité locale. Il ne détient que
des compétences très circonscrites.
Le Préfet peut agir à trois
titres :
~ Il lui appartient de prendre
les mesures de police dont la portée géographique dépasse le périmètre d’une
seule commune. Cela revient à dire qu’en matière de police, la notion
d’intercommunalité est très peu présente.
Exemple : s’agit-il de
déterminer à l’échelle du département ou à l’échelle de la commune, les heures
de fermeture des bars, des cabarets, etc. ?
Il faut prendre conscience qu’il
y a un très large champ d’intervention pour le Préfet.
~ Le Préfet a la faculté de se
substituer aux maires dans leur commune ou au président de conseil général dans
leur département, lorsque ces derniers se sont abstenus de prendre les mesures
requises, pour la préservation de l’ordre public.
à Lorsqu’un Préfet prend
une telle initiative, il agit non pas pour le compte de l’Etat, mais pour le
compte de la collectivité locale concernée. Si jamais la mesure en question
vient à causer un préjudice à tel ou tel, ce sera la responsabilité de la
collectivité locale et non pas celle de l’Etat.
à Il y a une sorte de
survivance du passé. La loi du 2 Mars 1982 marque un regain de la
décentralisation de la France. Elle met fin à la fameuse tutelle préfectorale.
Cela signifie que de manière générale le Préfet ne peut plus désormais
suspendre ou annuler une décision d’une collectivité locale ; il ne peut
plus se substituer à une institution décentralisée. Désormais lorsqu’un Préfet
conteste la validité d’une mesure prise par une collectivité locale, il ne peut
qu’engager une action contentieuse. Il ne peut que demander au tribunal
administratif de censurer la mesure litigieuse. Il y a une exception à ce qui
est désormais le cas de figure générale. Le domaine de la police fait exception
au schéma général. Il y a ici maintient du pouvoir de substitution du Préfet.
L’explication est qu’il y a en
matière de préservation de l’ordre publique des mesures graves et urgentes, qui
peuvent s’avérer nécessaires, d’où la nécessité de maintenir au bénéfice du
Préfet des pouvoirs exorbitants.
~ C’est le Préfet qui est
compétent pour prendre les règles de circulation sur les routes nationales en
dehors des agglomérations (à l’intérieur de celle-ci, ce sont les maires qui
ont vocation à intervenir).
C’est la loi du 2 Mai 1982 qui
confit au Président du Conseil Général certains pouvoirs en matière de police
générale. Au terme de cette loi, il
revient au Président du Conseil Général d’exercer des pouvoirs de police
relatifs à la gestion du domaine du département. Un domaine départemental qui
se compose de locaux administratifs, de parcs publics, de terrains de sport, et
de routes. C’est le Président du Conseil Général (donc un élu local) qui est
compétent pour fixer les règles d’utilisations de ces différents éléments
constitutifs du domaine départemental. Autrement dit, c’est le Président du Conseil
Général qui est compétent pour fixer les règles de circulation sur routes
départementales.
2] L’échelon communal
A l’échelon communal, les
pouvoirs de police administrative générale sont confiés aux maires. C’est aux
maires qu’il incombe de veiller à la préservation de l’ordre public. Ces maires
sont compétents pour ce qui concerne strictement et exclusivement le cadre
communal. Les compétences qui sont ainsi dévolues aux maires sont des
compétences qui leur appartiennent en propre. Ils ne partagent donc pas ces
compétences avec les Conseils Municipaux. Ces derniers sont incompétents en
matières de police administrative. A l’intérieur d’une commune les mesures de
police prennent la forme d’arrêtés municipaux et non pas de délibération du
Conseil Municipal. Dans la pratique rien n’interdit à un maire de consulter son
Conseil Municipal, mais au final le pouvoir de décision appartient ici en
exclusivité au maire.
Cette compétence quasi-exclusive
du maire ne s’applique à la lettre que dans les zones rurales ou semi rurale.
Le schéma de base doit être corrigé s’agissant des grandes agglomérations. Ce
schéma de base est même ouvertement écarté pour ce qui est de Paris. Dans les
grandes agglomérations, la police est en règle générale étatisée. Ce qui
emporte deux conséquences :
~ Dans ces zones, les personnels
de police sont, pour l’essentiel, des personnels de l’Etat (à
des gardiens de la paix) sur lesquels les maires n’ont pas autorité. Ils
relèvent hiérarchiquement des Préfets.
~ Les pouvoirs relatifs à la
tranquillité publique appartiennent non pas au maire, mais au Préfet.
Aujourd’hui les localités
concernées par l’étatisation de la police sont toutes les villes chef-lieu de
département, et toutes les grandes agglomérations.
Pour ce qui est de Paris, le
schéma de base se trouve délibérément rejeté. Le schéma traditionnel privilégie
la compétence du maire (qui est appelé à agir au vu des circonstances locales).
A Paris, il y a en quelques sortes une nationalisation des enjeux en matière de
police. En tant que capital, c’est Paris qui abrite les ministères, qui est le
siège des ambassades etc. C’est également à Paris que se déroulent les plus
grandes manifestations sur la voix publique. La nationalisation des enjeux a
paru justifier un régime spécial applicable.
A Paris, c’est un Préfet de
police (donc un agent de l’Etat) qui détient la majeur partie des pouvoirs de
police municipale. Ce Préfet de police, tout agent de l’Etat qu’il est, agit au
nom de la ville de Paris. C’est le cas échant la responsabilité de la ville de
Paris qui peut se trouver engager.
Est-ce que pour autant cela
revient à dire que le maire de Paris est privé de toutes compétences en matière
de police ? D’abord, c’est le maire de Paris qui est compétent en matière de
préservation de la salubrité publique. Par ailleurs, le maire de Paris possède
quelques compétences de police liées au fait que la gestion du domaine public
communal relève de lui. [Exemple : décider qu’il y aura stationnement
payant dans telle ou telle artère est l’affaire du maire]. De la même manière,
le maire est en situation pour fixer les règles de circulation sur l’essentiel
de la voirie parisienne. En l’occurrence une distinction est opérée, par une
loi du 27 Février 2002, entre les axes stratégiques (qui relèvent de la
compétence du Préfet) et les autres voix.
Est-ce que dans sa commune, un
maire qui serait passionné de vitesse automobile, pourrait-il obliger les
habitants à rouler à au moins 80km/h dans l’agglomération ?
La réponse est une réponse
jurisprudentielle très solidement établie, aussi bien l’arrêt de référence en
la matière date du 18 Avril 1902 rendu par le Conseil d’Etat, commune de
Néris-Les-Bains. à
Le Conseil d’Etat pose qu’aucune disposition n’interdit au maire d’une commune
de prendre sur un même objet et pour sa commune en fonction des circonstances
locales des mesures plus rigoureuses que celles définies aux échelons
supérieurs.
Rien n’interdit le maire de
prendre des décisions plus rigoureuses que celles du code de la route, s’il le
justifie. Donc dans l’exemple précédemment exposé, le maire ne peut pas exiger
que les habitants roulent à 80km/h minimum dans l’agglomération. à
Interdiction de prendre des mesures plus souples.
Affirmation de principe à obligation pour les
autorités de police de respecter un minimum de cohérence. Cette cohérence
intellectuelle ménage la prise en compte des facteurs locaux.
Si on systématise les choses, de
façons générales, les autorités situées au échelons géographiques inférieurs ne
peuvent pas aller à l’encontre des dispositions prises par des autorités
placées à des échelons supérieurs. Ce faisant, le risque initial de la
discordance se trouve écarté. Un maire ne saurait aller à l’encontre de ce qui
aurait été décidé sur le même objet par un Préfet etc.
Que peuvent faire les
autorités ? Quels types de mesures peuvent-elles prendre ?
C] Les mesures de police
Les mesures de police ne doivent
pas être uniquement perçues comme autant de prérogatives accordées aux
autorités administratives. Le terme de
responsabilité paraît mieux adapté en la matière. Il s’agit de responsabilités
que les autorités compétentes ont l’obligation d’assumer. Cette obligation
s’affirme à différents égards qui sont au nombre de deux :
En premier lieu, l’autorité de
police qui s’abstiendrait de prendre à son échelon les mesures exigées par le
maintient de l’ordre public commettrait non seulement une irrégularité, mais
aussi une faute susceptible d’engager la responsabilité de la collectivité
concernée.
à Arrêt du Conseil
d’Etat du 23 Octobre 1959 Doublet è Cet arrêt affirme que
l’abstention d’une autorité de police peut être constitutive d’une irrégularité
à Conseil d’Etat 14
Février 1962 Doublet è Le Conseil d’Etat franchi un pallier et affirme que
l’abstention d’une autorité de police peut être constitutive d’une faute.
Le requérant contestait
l’inaction du maire de sa commune, qui négligeait de prendre les mesures de
nature à lutter contre le développement d’un camping sauvage générateur de
nuisance. Doublet attaque d’abord sur le terrain de la régularité, il demande
au Conseil d’Etat de déclarer que l’abstention du maire constitue une
irrégularité. Il a obtenu gain de cause, et Doublet prend conscience qu’il
n’obtient qu’une victoire de principe. De ce fait, il décide d’attaquer une
seconde fois mais en demandant au Conseil d’Etat de reconnaître que la
négligence du maire est constitutive d’une faute et accompagne cette demande
d’une réparation (à dommages et intérêt).
L’obligation qui incombe aux
autorités administratives se retrouve aussi sur un second terrain. Les
autorités de police ne peuvent se décharger de leurs compétences sur d’autres
organismes. Les autorités de police ne peuvent pas faire objet de délégation. à
Arrêt du Conseil d’Etat du 1er Avril 1994 Commune de Menton. Le
Conseil d’Etat sanctionne l’illégalité qui résulte du fait pour une commune
d’avoir décider que les agents municipaux chargés de constater les infractions
de stationnement seraient mis à la disposition d’une société privée, qui
gérerait le stationnement payant et qui assurerait l’encadrement et
l’organisation du travail des agents. Ici, les contraventions au stationnement
payant seraient rédigées par des agents municipaux, mais ces policiers
municipaux seraient placés sous l’autorité d’une société privée qui
bénéficierait d’une délégation de compétence. à Irrégularité !!
L’autorité de police doit donc assumer elle-même les responsabilités qui lui
incombent.
L’exercice des pouvoirs de police
doit faire l’objet d’un encadrement normatif. Ces pouvoirs de police, même si
ce sont des responsabilités, ne doivent pas pouvoir être exercés dans une
totale liberté, car si le degré de liberté est trop grand, il y aura un danger pour les libertés de chacun.
Sur ce terrain, en matière de police
générale, il y a peu de textes, et ce faisant c’est à la jurisprudence
administrative qu’il revient très largement de fixer ce fameux cadre normatif,
qui doit s’imposer aux autorités de police. De ce fait, le juge administratif a
cultivé une démarche d’ordre pédagogique à l’intention des autorités de police.
a)
La variété des mesures de
police
On privilégie le critère de plus
ou moins sévérité. Ainsi, on distingue 4 mesures :
~ La voix de l’interdiction :
Cette formule de l’interdiction est une voix qui est très logiquement présumée
inapplicable à l’exercice d’une liberté publique. Par liberté publique, on entend des libertés
sacrées, reconnues par des textes constitutionnels ou législatifs (liberté d’opinion,
liberté d’association, liberté d’aller et venir). La notion de liberté publique
tend à être absorbée par une notion plus large qui est celle de liberté
fondamentale. L’idée c’est que toutes les libertés publiques sont des libertés
fondamentales, mais au sein des libertés fondamentales, il y a certaines
libertés autres que les libertés publiques (libre administration des
collectivités territoriales). En principe, interdire la liberté d’aller et de
venir en telle ou telle occasion est une irrégularité. Cela étant, cette
incompatibilité ne s’impose que si l’interdiction revêt un caractère général et
absolu. Si l’interdiction est
circonstancié, l’attitude du juge administratif s’assouplie.
~ Le procédé de l’autorisation
préalable : C’est un procédé qui a des allures moins farouches que
l’interdiction. Mais si on y réfléchit bien, c’est un procédé qui participe
d’un esprit qui est très voisin de celui qui sous-tend l’interdiction.
L’autorisation préalable sous entend que telle ou telle activité est réputée
prohibée, sauf si l’individu qui l’exerce obtient pour ce faire une
autorisation de la part des autorités compétentes. Ce faisant, l’usage de cette
technique est en principe inadapté lorsque des libertés publiques sont en
cause.
Exemple : liberté d’aller et
venir à
Imaginons une mesure qui nous imposerait d’avoir une autorisation valable
chaque fois qu’on voudrait quitter notre commune de résidence à
ce serai nié le statut de liberté publique de cette liberté d’aller et venir.
~ La formule de la déclaration
préalable : Cette formule rompt avec les précédentes, puisque
celui qui entend exercer telle activité a pour simple obligation d’informer les
autorités de police de son intention. Ce procédé de la déclaration préalable
est-il applicable en matière de libertés publiques ? Tout dépend de la
liberté concernée.
Exemple 1 : Liberté d’aller
et venir à
Imaginons une mesure qui nous imposerait d’avoir une déclaration préalable
chaque fois qu’on voudrait quitter notre commune de résidence. à
Négation de l’exercice d’aller et venir
Exemple 2 : Liberté de
réunion à
Obligation de déclaration préalable à la
préfecture.
Comment la jurisprudence analyse
les choses pour ce qui est de la liberté de réunion ? Elle a considéré
qu’il y avait compatibilité entre déclaration préalable et liberté publique,
car la déclaration préalable a pour but de prévenir les autorités de police,
leur permettant de prendre les mesures adaptées pour le maintien de l’ordre
public ( à
pour protéger la tenue de la réunion).
~ La détermination du mode
d’exercice de telle ou telle activité : Il revient en l’occurrence
à l’autorité de police d’encadrer les conditions d’exercice de telle ou telle
activité.
Exemple : Le maire de
triffouilli les oies, pourra prendre un arrêté imposant que les auto-écoles
s’empêchent de prendre telles ou telles grandes artères à certaines heures de
la journée.
La détermination du mode
d’exercice apparaît pleinement compatible avec l’exercice d’une liberté
publique. [ Dans l’exemple, c’est bel et bien d’une liberté publique qu’il est
question, puisque la il s’agit de déterminé le mode d’exercice de la liberté du
commerce et de l’industrie ].
b)
La nécessité des mesures de
police
Quelle est l’ampleur des pouvoirs
de police ?
Toute mesure de police doit être
nécessaire. Elle doit par conséquent être dictée par l’existence d’une menace
de trouble à l’ordre public. A défaut la mesure de police sera irrégulière.
Cette nécessité, qui est l’impératif premier en la matière, est contrôlée avec
un soin particulier par le juge administratif lorsque les mesures de police
viennent limiter ou restreindre l’exercice d’une liberté publique. Cela
signifie que dans pareil cas, si la mesure de police est contestée sur le
terrain contentieux, l’autorité de police aura l’obligation de démontrer
l’adaptation de la mesure prise aux exigences de l’ordre public. C’est cette
adaptation là qui fera l’objet d’un contrôle vigilent de la part du juge
administratif.
Les principes directeurs de la
jurisprudence sont inscrits dans un Arrêt de principe rendu par le Conseil
d’Etat du 19 Mai 1933 Benjamin. Cet arrêt est particulièrement significatif
parce qu’il y a dans cette décision le soucis pédagogique à
petit manuel d’usage des pouvoirs de police défini par le Conseil d’Etat. Ce
dernier entend ici définir la conduite à tenir par les autorités de police
lorsque l’exercice de liberté publique est en jeu.
Il s’agissait d’une réunion
publique que projetait de faire un journaliste, Mr Benjamin. Ce journaliste
était un polémiste très virulent situé à l’extrême droite, qui avait pour
habitude de tenir des propos très vitriolés à l’égard de la laïcité et des
établissements publics d’enseignements.
Les syndicats d’enseignants et
les associations affirment leur volonté de s’opposer par tout moyen à la venu
de benjamin dans a ville de Nevers. Ce faisant, craignant des débordements, le
maire de Nevers décide d’interdire la tenue de la réunion. à
Lecture juridique de ces données factuelles = mesure d’interdiction qui frappe
l’exercice d’une liberté publique. Benjamin conteste devant le juge
administratif la validité de cette mesure d’interdiction et il obtient gain de
cause. Dans l’arrêt de 1933, le Conseil d’Etat annule l’arrêté municipal
litigieux.
Le Conseil d’Etat commence par
poser que les autorités administratives doivent avoir pour reflex initial de
rechercher les moyens de nature à protéger l’exercice des libertés. Ce n’est
que si cela s’avère impossible que des mesures restrictives peuvent être
prises. Lorsque l’exercice d’une liberté est en jeu (dans l’arrêt Benjamin, il
y a la liberté de réunion, et conjointement la liberté d’expression) les
autorités de police se doivent de rechercher les moyens propres à protéger
l’exercice des libertés. Dans l’arrêt Benjamin, ce qui est foncièrement
reproché au maire par le Conseil d’Etat est d’avoir fait les choses à l’envers.
Le Conseil d’Etat censure
l’arrêté municipal interdisant la tenue de la réunion publique.
La tentation serait de tirer de
l’arrêt Benjamin l’idée que lorsque l’exercice d’une liberté publique est en
jeu, le procédé de l’interdiction est radicalement exclu. Peut-on aller jusque-là ?
Ce serait une interprétation excessive de l’arrêt Benjamin, cet arrêt ne va pas
jusque-là. Simplement, lorsque l’exercice d’une liberté est en cause, les
interdictions générales et absolues sont regardées avec une extrême suspicion
par le juge administratif. En d’autres termes, ces interdictions générales sont
présumées irrégulières, parce que supposées inadaptées aux exigences du maintien
de l’ordre public. Reste que si une autorité de police parvient à faire la
démonstration que seule une mesure d’interdiction permettait de préserver
l’ordre public, alors la démarche de l’administration sera admise. Dans ce cas-là,
il y a un vent contraire qui souffle en défaveur de l’autorité administrative.
Arrêt Auclair rendu le 14 Mars
1979 par le Conseil d’Etat à Il s’agit pour le Conseil d’Etat d’examiner la
régularité d’un arrêté municipal qui interdit l’exerce de tout commerce
ambulant sur les plages de la commune. Un marchand de glace fait un recours en
annulation. Le marchand de glace, Mr Auclair, fait valoir que cet arrêté
municipal met en cause l’exercice d’une liberté publique, en l’espèce, la
liberté du commerce et de l’industrie. Il s’agit d’une mesure présumée
irrégulière, dès lors qu’elle est supposée inadaptée aux exigences de l’ordre
public. Mais dans cette affaire, le maire sera en mesure de faire la
démonstration que seule une mesure d’interdiction permettait en l’occurrence de
préserver la salubrité publique sur les plages. Dans son arrêt, le Conseil
d’Etat reprend à son compte les arguments produits par le maire. Et le Conseil
d’Etat en déduit qu’ici rien d’autre qu’un arrêté d’interdiction n’était susceptible
de préserver la propreté des plages.
Quelles peuvent être et doivent
être la réaction des autorités de police quand la liberté est en jeu ?
~ Rechercher tout moyens propres
à préserver l’exercice de la liberté.
~ Prendre à titre subsidiaire des
mesures limitatives ou restrictives.
~ Le cas échéant, aller jusqu’à
l’interdiction, si rien d’autre n’est possible pour préserver l’ordre public.
Par la même et à sa manière, le
juge administratif contribue à déterminer le cadre normatif qui enserre et doit
enserrer l’exercice des pouvoirs publics. Ce cadre normatif n’est pas construit
par des textes, car il y a très peu de textes à ce propos. Ce cadre normatif
est pour une grande partie élaborer par la jurisprudence. Avec l’arrêt
Benjamin, on a la démonstration, en quelque sorte, qu’en la matière, le juge
administratif endosse ses responsabilités. Il trace un corps de doctrine qui
doit s’imposer aux autorités de police. L’avantage du caractère jurisprudentiel
de ce cadre normatif est la souplesse, l’adaptabilité. Si ce cadre normatif
était issu de texte, cela signifierait inévitablement une certaine raideur.
Dans chaque espèce le juge administratif est en situation de s’adapter. Cette
adaptabilité est un gage d’efficacité, et par la même un élément protecteur des
libertés.
Par ailleurs, toute mesure de
police doit être adaptée en circonstance de temps et de lieu.
c)
Les circonstances de temps et
de lieu
Ces circonstances ont une
incidence sur l’ampleur des pouvoirs de police dont dispose les autorités administratives.
Circonstance de temps
Dans une période paisible, les
possibilités d’action sont plus limitées que dans une période troublée. La
jurisprudence estime que les situations exceptionnelles emportent un
assouplissement du cadre normatif, qui enserre les mesures de police. Telle
mesure qui serait jugée irrégulière en période paisible, pourra être validé
dans le cadre d’une situation à caractère exceptionnel.
Exemple : Il pleut très très
beaucoup !! L Et pif paf pouf, il y a des inondations, donc
certains habitants doivent être évacuées. Dans cette hypothèse là, il y a
nécessité absolue de reloger ces personnes. Les autorités de police (maire et
préfet en l’occurrence) vont pouvoir user d’un droit de réquisition de
bâtiments vacants pour y reloger ces personnes. Ils n’auront pas à demander aux
propriétaires de reloger transitoirement les populations sinistrées. A
circonstance exceptionnelle, action exceptionnel à capacité de
réquisition des maires et des préfets. Mais lorsque dans 8 jours les eaux se
seront retirées, donc que les circonstances exceptionnelles auront cessé, les
bâtiments qui auront été investis par les populations sinistrés devront être
évacués.
Circonstance de lieu
Ces circonstances de lieu
influent aussi sur l’ampleur des pouvoirs de police.
Exemple : Un maire aura la
possibilité d’interdire la mendicité dans quelques artères particulièrement
fréquentées. Mais il n’aura pas la possibilité de procéder de la sorte dans la
totalité du centre ville d’une localité. De façon générale, au regard des
lieux, il y a une sorte de tableau que l’on peut dessiner, avec deux extrêmes.
D’un coté la voix publique, et de l’autre coté le domicile privé. La voix
publique est un lieu où les possibilités d’intervention des autorités de police
sont particulièrement larges. Les autorités de police ont même l’obligation d’y
prendre les mesures exigées par le maintient de l’ordre public.
A l’opposé de la voix publique,
apparaît le domicile privé. Ce dernier est en principe un lieu hors de porté de
l’action des autorités de police. Cette immunité dont bénéficie le domicile
privé n’a pas un caractère absolu. Les autorités de police ont la possibilité
d’interdire ou de limiter l’extériorisation d’activités menées à l’intérieur du
domicile.
Exemple : Dans tous les
départements où il y a un peu de verdure, les préfets ont pris un arrêté
limitant l’usage des tondeuses à gazon.
à Confirmation que
l’exercice des mesures de police est enserré dans un cadre normatif.
Confirmation que, s’agissant de la police générale, ce cadre normatif est pour
l’essentiel dessiner par la jurisprudence et qui a donc l’avantage de la
souplesse et de l’adaptabilité.
Section 2 : Les
polices administratives spéciales
Comment définir ces polices
administratives spéciales ?
Quelles sont les autorités
compétentes sur le terrain des polices administratives spéciales ?
Police générale et polices
spéciales peuvent-elles intervenir conjointement ?
A] Définition
Une police est tenue pour
spéciale au regard du but qu’elle poursuit, ou au regard du régime juridique
auquel elle obéit.
Le critère du but
Il y a police spéciale lorsque le
but poursuivit ne figure pas dans le contenu normal de la police générale.
Exemple : Il existe une
police spéciale de l’affichage de la publicité et des enseignes. Au titre d’une
telle police, les autorités administratives ont la possibilité de prendre des
arrêtés réduisant, voire interdisant, l’affichage dans certaines localités. Le
but en la matière est la sauvegarde de l’esthétique publique.
Le critère de régime
juridique
Il y a police spéciale lorsque le
régime juridique applicable se caractérise par son originalité, sa singularité.
Exemple : Il existe une
police spéciale du cinéma. Cette police du cinéma a un caractère spécial parce
que son régime juridique applicable est singulier. En l’espèce, cette police
spéciale relève du ministre de la culture, qui l’exerce en octroyant ou non un
visa d’exploitation, permettant la diffusion d’un film sur les écrans.
B] Les autorités
compétentes en matière de police spéciale
Tantôt les polices spéciales
relèvent d’autorités dépourvus de pouvoir de police générale, qui sont
incompétentes pour intervenir à ce dernier titre (exemple : la police
spéciale du cinéma, qui relève du ministre de la culture qui n’est pas
compétant sur le terrain de la police générale).
Tantôt les polices spéciales
relèvent d’autorités qui peuvent conjuguer leurs interventions en matière de
police spéciale avec des compétences de polices générales (exemple : les
maires sont une autorité de police générale à l’échelon communale, et il sont
également la charge d’une police spéciale qui est la police des édifices
menaçants ruines. || Le Préfet est rattaché aux polices spéciales de la chasse
et de la pêche, de la navigation aérienne etc.)
A coté de la police générale, il
existe un certain nombre de polices spéciales. N’y a-t-il pas de risque de
cacophonie ? Une police spéciale ne pourrait-elle pas prendre une décision
allant à l’encontre d’une décision prise par la police générale ?
C] Le concours de la police
générale et des polices spéciales
Au nom de la logique, on est
tenté de penser que l’existence d’une police spéciale exclus par définition la
manifestation conjointe de la police générale. Faute d’un tel exclusivisme, des
mesures discordantes risqueraient d’être prises au titre de l’une et de l’autre
police. Il y a là une logique qui semble apparemment incontestable, mais une
logique qui ne rend pas totalement compte de la réalité. La réalité est plus
nuancée Quelle est cette réalité ?
Il existe des textes qui fondent
l’existence de polices spéciales et qui confèrent à celle-ci un caractère
exclusif. [ Exemple : Il en va ainsi des polices de la circulation
aérienne, de celle des aéroports et des aérodromes à Le Préfet est seul compétent
pour dessiner les couloirs de navigation aérienne ].
En
revanche, lorsque aucun texte n’écarte la
mise en œuvre conjointe de la police générale et de la police spéciale, la
jurisprudence adopte une attitude très ouverte. Le concours des polices lui
parait davantage porteur d’une complémentarité bénéfique que d’une zizanie
dangereuse. Arrêt de référence en la matière à Arrêt rendu par le
Conseil d’Etat le 20 Juillet 1935 Société des établissements S.A.T.A.N. Ici le
Conseil d’Etat affirme initialement sa position. Le concours est admis dès lors
qu’il trouve sa justification dans une raison impérieuse, telle que l’urgence,
la défaillance de l’une des deux polices, ou encore la nécessité de prendre des
mesures plus rigoureuses.
Illustration
de cette construction jurisprudentielle : Le cinéma. Il existe une police
spéciale du cinéma. Imaginons que le Ministre de la Culture ait accordé son
visa d’exploitation à un film. Rien n’empêche par la suite un maire, au titre
de ses pouvoirs de police général, d’interdire la projection du film sur le
territoire communale. C’est une mesure d’interdiction émanant d’un maire va à
l’encontre du feu vert donné par le ministre à l’échelon national.
Quelle
sera la justification que devra fournir le maire pour étayer son arrêté
d’interdiction? Il devra se référer à la nécessité de prendre des mesures plus
rigoureuses que celles édictées à l’échelon nationale. Plus précisément, le
maire devra faire valoir ou bien un risque de trouble matériel à l’ordre
public, ou bien il devra se fonder sur le caractère immoral du film, en liaison
avec des circonstances locales particulières. L’arrêt de référence en la
matière est un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 18 Décembre 1959 Société
les films Lutétia. Les maires qui interdisaient pouvait le cas échéant se fonder
sur le risque de trouble matériel à l’ordre public. C’est par exemple un
certain nombre d’association d’ancien combattant qui s’affirme farouchement
opposé à un film sur la guerre d’Algérie.
Caractère
immoral du film et circonstances particulières à subjectif. Les juges
administratives regardaient le film et doctement jugeaient si le film était
immoral ou non. Mais le caractère immoral ne peut pas être allégué à lui tout
seul, il faut aussi des circonstances locales particulières. Dans les années
1960, le Maire de Senlis a interdit des films qui semblaient trop sulfureux.
Les circonstances particulières étaient qu’il y est un grand nombre
d’établissements scolaires dans la
localité.
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