mercredi 5 octobre 2016

Police administrative générale et polices administratives spéciales

A l’intérieur de la police administrative, il faut opérer une distinction entre la police générale, et les polices spéciales. Intérêt de cette distinction à la police générale repose sur très peu de textes et a des contours à caractères approximatifs. Au contraire, les polices spéciales sont souvent fondées sur des textes, qui sont relativement précis, et qui définissent la nature des mesures susceptibles d’être prises. La police administrative peut donc se référer à des textes suffisamment précis. /!\ En matière de police spéciale, il y a des textes précis, mais ces textes là confèrent bien souvent aux autorités de police des pouvoirs particulièrement énergique.
On peut également s’interroger sur la multiplication de polices spéciales, dont les particularismes n’apparaissent pas toujours une parfaite légitimité. Est-il nécessairement normal qu’il y est une police spéciale des jeux et des casinos, des cinémas, des étrangers, etc. ?


Section 1 : Police administrative générale


A] Définition

Comment définir la police administrative générale ? La police administrative générale se définie par l’étendue de ses buts. Sa tâche est de veiller à la préservation de l’ordre public. La notion d’ordre public est largement entendue. Traditionnellement cette notion d’ordre public s’identifie à trois éléments : sécurité, tranquillité (= sûreté), salubrité.  La triple incarnation de l’ordre public donne une idée de la variété de la mission de la police administrative.
Au fil du temps, cette notion d’ordre public s’est encore élargie. Elle a intégré des éléments constitutifs supplémentaires. C’est ainsi que la moralité publique n’est pas étrangère à l’ordre public, puisque la jurisprudence a reconnu au maire la possibilité d’interdire la projection de film, sur le territoire communal, en se fondant sur le caractère immoral d’un film. à Arrêt Films Lutétia 18 Décembre 1959.
La protection des individus contre eux-mêmes relève aussi de l’ordre public. [ à Arrêt Morsang-sur-orge 27 Octobre 1995]. C’est cette protection des individus contre leur propre insouciance, qui est la seule explication juridique que l’on peut trouver à des mesures telles que l’obligation du port du casque pour les motocyclistes, ou du port de la ceinture pour les automobilistes.

Il s’agissait d’un nain qui avait choisi de rentabilisé son handicap en s’offrant aux joueurs comme un projectile dont on pouvait jouer. Certains maires avaient pris l’initiative d’interdire un tel spectacle ; et tout cela à donner matière à deux arrêts : 
Conseil d’Etat du 27 Octobre 1995 commune de Morsang-sur-orge et Aix en Provence. à Interdiction de lancer de nains.


B] Les autorités compétentes aux échelons territoriaux

Une distinction est à faire selon que la compétence de ces autorités s’exerce à l’échelle du pays tout en tiers ou que les compétences sont limitées territorialement.


a)      Les autorités compétentes à l’échelon national

L’autorité qui a le rang le plus élevé et qui est apte à prendre des mesures applicables sur l’ensemble du territoire national est le Premier Ministre. Ce qui conduit à poser cela est la référence à deux dispositions de la constitution de 1958 dont on déduit la compétence du Premier Ministre :
~ Article 20 : « Le Gouvernement dispose de l’Administration ». Le Premier Ministre dispose d’un Gouvernement.
~ Article 21 à C’est au Premier Ministre qu’est attribué le pouvoir réglementaire. C’est à dire de prendre des décisions générales et impersonnelles qui s’imposent à tous.

De ces deux dispositions, on tire la compétence du Premier Ministre pour prendre des dispositions de police générale qui seront applicables par tous sur l’ensemble du territoire.
Mais le Président n’est pas totalement incompétent en matière de police administrative générale. Il a quelques occasions d’intervenir. Ces occasions sont dictées par le formalisme juridique, et d’autre part par les nécessités :

Conséquence du formalisme juridique à c’est au président de la République qu’il appartient de signer les décrets délibérés en conseil des Ministres, et c’est à lui qu’il revient également de signer les ordonnances (article 38 de la constitution). Si jamais une mesure de police prenait la forme d’un décret en conseil des Ministres ou d’une ordonnance, c’est le Président de la République qui interviendrait directement. En pratique les mesures de police prennent rarement la forme d’ordonnances et de règlements.

Conséquence des nécessités à Il faut ici viser l’article 16 de la Constitution relatif aux circonstances exceptionnelles, qui donnent alors au Président de la République tous moyens en vu de rétablir le fonctionnement normal des pouvoirs publics. Dans le cadre de cet article 16, le président de la République peut être amené à prendre des décisions relatives à la police administrative générale. Mais l’article 16 de la Constitution n’a pas vocation à s’appliquer fréquemment.
à Un décret du 15 Mai 2002 prévoit qu’il revient au Président de la République d’assurer la présidence du conseil de sécurité intérieure. La mission confiée à ce conseil de sécurité intérieure est d’assurer l’impulsion de la politique de sécurité intérieure. Avant 2002 cette instance était présidée par le Premier Ministre. C’est l’occasion la plus importante pour le Président de la République d’affirmer sa volonté en la matière.

Les ministres ne sont pas qualifiés pour prendre des décisions de police générale ; pas plus le ministre de l’intérieur que les autres ministres. Ils ne sont donc pas autorités de police générale. Ce qui peut justifier qu’on rattache le ministre de l’intérieur à la police administrative, c’est que toute une série de polices administratives spéciales relèvent directement du ministre de l’intérieur (à police des étrangers, police des jeux et casino etc.). De plus, bon nombre des personnels de police sont rattachés, en tant que fonctionnaires de l’Etat, au ministre de l’intérieur (à policiers, membres des CRS). Le ministre de l’intérieur est également chargé de définir les moyens nécessaires à la mise en œuvre des décisions du chef du gouvernement.
Par ailleurs, le ministre de l’intérieur a la possibilité d’adresser des consignes d’actions aux préfets de département, qui eux sont compétents en matière de police générale. Le ministre de l’intérieur dispose là d’un biais extrêmement fécond. à Le ministre de l’intérieur peut donner pour ordre à chaque préfet de chaque département d’interdire les manifestations sur la voix publique par exemple.


b)      Les autorités compétentes aux échelons territoriaux

Les deux cadres géographiques qui se trouvent privilégiés pour les autorités de police générale sont le département et la commune.


1] L’échelon départemental

Dans le département, deux autorités sont en charge de pouvoir de police générale :
~ Le Préfet, qui agit en règle générale pour le compte de l’Etat. Il dispose de compétences particulièrement larges.
~ Le Président du Conseil Général, qui agit pour le compte de la collectivité locale. Il ne détient que des compétences très circonscrites.

Le Préfet peut agir à trois titres :

~ Il lui appartient de prendre les mesures de police dont la portée géographique dépasse le périmètre d’une seule commune. Cela revient à dire qu’en matière de police, la notion d’intercommunalité est très peu présente.
Exemple : s’agit-il de déterminer à l’échelle du département ou à l’échelle de la commune, les heures de fermeture des bars, des cabarets, etc. ?
Il faut prendre conscience qu’il y a un très large champ d’intervention pour le Préfet.

~ Le Préfet a la faculté de se substituer aux maires dans leur commune ou au président de conseil général dans leur département, lorsque ces derniers se sont abstenus de prendre les mesures requises, pour la préservation de l’ordre public.
à Lorsqu’un Préfet prend une telle initiative, il agit non pas pour le compte de l’Etat, mais pour le compte de la collectivité locale concernée. Si jamais la mesure en question vient à causer un préjudice à tel ou tel, ce sera la responsabilité de la collectivité locale et non pas celle de l’Etat.
à Il y a une sorte de survivance du passé. La loi du 2 Mars 1982 marque un regain de la décentralisation de la France. Elle met fin à la fameuse tutelle préfectorale. Cela signifie que de manière générale le Préfet ne peut plus désormais suspendre ou annuler une décision d’une collectivité locale ; il ne peut plus se substituer à une institution décentralisée. Désormais lorsqu’un Préfet conteste la validité d’une mesure prise par une collectivité locale, il ne peut qu’engager une action contentieuse. Il ne peut que demander au tribunal administratif de censurer la mesure litigieuse. Il y a une exception à ce qui est désormais le cas de figure générale. Le domaine de la police fait exception au schéma général. Il y a ici maintient du pouvoir de substitution du Préfet.
L’explication est qu’il y a en matière de préservation de l’ordre publique des mesures graves et urgentes, qui peuvent s’avérer nécessaires, d’où la nécessité de maintenir au bénéfice du Préfet des pouvoirs exorbitants.

~ C’est le Préfet qui est compétent pour prendre les règles de circulation sur les routes nationales en dehors des agglomérations (à l’intérieur de celle-ci, ce sont les maires qui ont vocation à intervenir).


C’est la loi du 2 Mai 1982 qui confit au Président du Conseil Général certains pouvoirs en matière de police générale.  Au terme de cette loi, il revient au Président du Conseil Général d’exercer des pouvoirs de police relatifs à la gestion du domaine du département. Un domaine départemental qui se compose de locaux administratifs, de parcs publics, de terrains de sport, et de routes. C’est le Président du Conseil Général (donc un élu local) qui est compétent pour fixer les règles d’utilisations de ces différents éléments constitutifs du domaine départemental. Autrement dit, c’est le Président du Conseil Général qui est compétent pour fixer les règles de circulation sur routes départementales.


2] L’échelon communal

A l’échelon communal, les pouvoirs de police administrative générale sont confiés aux maires. C’est aux maires qu’il incombe de veiller à la préservation de l’ordre public. Ces maires sont compétents pour ce qui concerne strictement et exclusivement le cadre communal. Les compétences qui sont ainsi dévolues aux maires sont des compétences qui leur appartiennent en propre. Ils ne partagent donc pas ces compétences avec les Conseils Municipaux. Ces derniers sont incompétents en matières de police administrative. A l’intérieur d’une commune les mesures de police prennent la forme d’arrêtés municipaux et non pas de délibération du Conseil Municipal. Dans la pratique rien n’interdit à un maire de consulter son Conseil Municipal, mais au final le pouvoir de décision appartient ici en exclusivité au maire.

Cette compétence quasi-exclusive du maire ne s’applique à la lettre que dans les zones rurales ou semi rurale. Le schéma de base doit être corrigé s’agissant des grandes agglomérations. Ce schéma de base est même ouvertement écarté pour ce qui est de Paris. Dans les grandes agglomérations, la police est en règle générale étatisée. Ce qui emporte deux conséquences :
~ Dans ces zones, les personnels de police sont, pour l’essentiel, des personnels de l’Etat (à des gardiens de la paix) sur lesquels les maires n’ont pas autorité. Ils relèvent hiérarchiquement des Préfets.
~ Les pouvoirs relatifs à la tranquillité publique appartiennent non pas au maire, mais au Préfet.
Aujourd’hui les localités concernées par l’étatisation de la police sont toutes les villes chef-lieu de département, et toutes les grandes agglomérations.

Pour ce qui est de Paris, le schéma de base se trouve délibérément rejeté. Le schéma traditionnel privilégie la compétence du maire (qui est appelé à agir au vu des circonstances locales). A Paris, il y a en quelques sortes une nationalisation des enjeux en matière de police. En tant que capital, c’est Paris qui abrite les ministères, qui est le siège des ambassades etc. C’est également à Paris que se déroulent les plus grandes manifestations sur la voix publique. La nationalisation des enjeux a paru justifier un régime spécial applicable.
A Paris, c’est un Préfet de police (donc un agent de l’Etat) qui détient la majeur partie des pouvoirs de police municipale. Ce Préfet de police, tout agent de l’Etat qu’il est, agit au nom de la ville de Paris. C’est le cas échant la responsabilité de la ville de Paris qui peut se trouver engager.
Est-ce que pour autant cela revient à dire que le maire de Paris est privé de toutes compétences en matière de police ? D’abord, c’est le maire de Paris qui est compétent en matière de préservation de la salubrité publique. Par ailleurs, le maire de Paris possède quelques compétences de police liées au fait que la gestion du domaine public communal relève de lui. [Exemple : décider qu’il y aura stationnement payant dans telle ou telle artère est l’affaire du maire]. De la même manière, le maire est en situation pour fixer les règles de circulation sur l’essentiel de la voirie parisienne. En l’occurrence une distinction est opérée, par une loi du 27 Février 2002, entre les axes stratégiques (qui relèvent de la compétence du Préfet) et les autres voix.

Est-ce que dans sa commune, un maire qui serait passionné de vitesse automobile, pourrait-il obliger les habitants à rouler à au moins 80km/h dans l’agglomération ?
La réponse est une réponse jurisprudentielle très solidement établie, aussi bien l’arrêt de référence en la matière date du 18 Avril 1902 rendu par le Conseil d’Etat, commune de Néris-Les-Bains. à Le Conseil d’Etat pose qu’aucune disposition n’interdit au maire d’une commune de prendre sur un même objet et pour sa commune en fonction des circonstances locales des mesures plus rigoureuses que celles définies aux échelons supérieurs.
Rien n’interdit le maire de prendre des décisions plus rigoureuses que celles du code de la route, s’il le justifie. Donc dans l’exemple précédemment exposé, le maire ne peut pas exiger que les habitants roulent à 80km/h minimum dans l’agglomération. à Interdiction de prendre des mesures plus souples.
Affirmation de principe  à obligation pour les autorités de police de respecter un minimum de cohérence. Cette cohérence intellectuelle ménage la prise en compte des facteurs locaux.
Si on systématise les choses, de façons générales, les autorités situées au échelons géographiques inférieurs ne peuvent pas aller à l’encontre des dispositions prises par des autorités placées à des échelons supérieurs. Ce faisant, le risque initial de la discordance se trouve écarté. Un maire ne saurait aller à l’encontre de ce qui aurait été décidé sur le même objet par un Préfet etc.

Que peuvent faire les autorités ? Quels types de mesures peuvent-elles prendre ?


C] Les mesures de police

Les mesures de police ne doivent pas être uniquement perçues comme autant de prérogatives accordées aux autorités administratives.  Le terme de responsabilité paraît mieux adapté en la matière. Il s’agit de responsabilités que les autorités compétentes ont l’obligation d’assumer. Cette obligation s’affirme à différents égards qui sont au nombre de deux :

En premier lieu, l’autorité de police qui s’abstiendrait de prendre à son échelon les mesures exigées par le maintient de l’ordre public commettrait non seulement une irrégularité, mais aussi une faute susceptible d’engager la responsabilité de la collectivité concernée.
à Arrêt du Conseil d’Etat du 23 Octobre 1959 Doublet è Cet arrêt affirme que l’abstention d’une autorité de police peut être constitutive d’une irrégularité
à Conseil d’Etat 14 Février 1962 Doublet è Le Conseil d’Etat franchi un pallier et affirme que l’abstention d’une autorité de police peut être constitutive d’une faute.
Le requérant contestait l’inaction du maire de sa commune, qui négligeait de prendre les mesures de nature à lutter contre le développement d’un camping sauvage générateur de nuisance. Doublet attaque d’abord sur le terrain de la régularité, il demande au Conseil d’Etat de déclarer que l’abstention du maire constitue une irrégularité. Il a obtenu gain de cause, et Doublet prend conscience qu’il n’obtient qu’une victoire de principe. De ce fait, il décide d’attaquer une seconde fois mais en demandant au Conseil d’Etat de reconnaître que la négligence du maire est constitutive d’une faute et accompagne cette demande d’une réparation (à dommages et intérêt).

L’obligation qui incombe aux autorités administratives se retrouve aussi sur un second terrain. Les autorités de police ne peuvent se décharger de leurs compétences sur d’autres organismes. Les autorités de police ne peuvent pas faire objet de délégation. à Arrêt du Conseil d’Etat du 1er Avril 1994 Commune de Menton. Le Conseil d’Etat sanctionne l’illégalité qui résulte du fait pour une commune d’avoir décider que les agents municipaux chargés de constater les infractions de stationnement seraient mis à la disposition d’une société privée, qui gérerait le stationnement payant et qui assurerait l’encadrement et l’organisation du travail des agents. Ici, les contraventions au stationnement payant seraient rédigées par des agents municipaux, mais ces policiers municipaux seraient placés sous l’autorité d’une société privée qui bénéficierait d’une délégation de compétence. à Irrégularité !! L’autorité de police doit donc assumer elle-même les responsabilités qui lui incombent.
L’exercice des pouvoirs de police doit faire l’objet d’un encadrement normatif. Ces pouvoirs de police, même si ce sont des responsabilités, ne doivent pas pouvoir être exercés dans une totale liberté, car si le degré de liberté est trop grand,  il y aura un danger pour les libertés de chacun.
Sur ce terrain, en matière de police générale, il y a peu de textes, et ce faisant c’est à la jurisprudence administrative qu’il revient très largement de fixer ce fameux cadre normatif, qui doit s’imposer aux autorités de police. De ce fait, le juge administratif a cultivé une démarche d’ordre pédagogique à l’intention des autorités de police.


a)      La variété des mesures de police

On privilégie le critère de plus ou moins sévérité. Ainsi, on distingue 4 mesures :

~ La voix de l’interdiction : Cette formule de l’interdiction est une voix qui est très logiquement présumée inapplicable à l’exercice d’une liberté publique.  Par liberté publique, on entend des libertés sacrées, reconnues par des textes constitutionnels ou législatifs (liberté d’opinion, liberté d’association, liberté d’aller et venir). La notion de liberté publique tend à être absorbée par une notion plus large qui est celle de liberté fondamentale. L’idée c’est que toutes les libertés publiques sont des libertés fondamentales, mais au sein des libertés fondamentales, il y a certaines libertés autres que les libertés publiques (libre administration des collectivités territoriales). En principe, interdire la liberté d’aller et de venir en telle ou telle occasion est une irrégularité. Cela étant, cette incompatibilité ne s’impose que si l’interdiction revêt un caractère général et absolu.  Si l’interdiction est circonstancié, l’attitude du juge administratif s’assouplie.

~ Le procédé de l’autorisation préalable : C’est un procédé qui a des allures moins farouches que l’interdiction. Mais si on y réfléchit bien, c’est un procédé qui participe d’un esprit qui est très voisin de celui qui sous-tend l’interdiction. L’autorisation préalable sous entend que telle ou telle activité est réputée prohibée, sauf si l’individu qui l’exerce obtient pour ce faire une autorisation de la part des autorités compétentes. Ce faisant, l’usage de cette technique est en principe inadapté lorsque des libertés publiques sont en cause.
Exemple : liberté d’aller et venir à Imaginons une mesure qui nous imposerait d’avoir une autorisation valable chaque fois qu’on voudrait quitter notre commune de résidence à ce serai nié le statut de liberté publique de cette liberté d’aller et venir.

~ La formule de la déclaration préalable : Cette formule rompt avec les précédentes, puisque celui qui entend exercer telle activité a pour simple obligation d’informer les autorités de police de son intention. Ce procédé de la déclaration préalable est-il applicable en matière de libertés publiques ? Tout dépend de la liberté concernée.
Exemple 1 : Liberté d’aller et venir à Imaginons une mesure qui nous imposerait d’avoir une déclaration préalable chaque fois qu’on voudrait quitter notre commune de résidence. à Négation de l’exercice d’aller et venir
Exemple 2 : Liberté de réunion à Obligation de déclaration préalable  à la préfecture.
Comment la jurisprudence analyse les choses pour ce qui est de la liberté de réunion ? Elle a considéré qu’il y avait compatibilité entre déclaration préalable et liberté publique, car la déclaration préalable a pour but de prévenir les autorités de police, leur permettant de prendre les mesures adaptées pour le maintien de l’ordre public ( à pour protéger la tenue de la réunion).

~ La détermination du mode d’exercice de telle ou telle activité : Il revient en l’occurrence à l’autorité de police d’encadrer les conditions d’exercice de telle ou telle activité.
Exemple : Le maire de triffouilli les oies, pourra prendre un arrêté imposant que les auto-écoles s’empêchent de prendre telles ou telles grandes artères à certaines heures de la journée.
La détermination du mode d’exercice apparaît pleinement compatible avec l’exercice d’une liberté publique. [ Dans l’exemple, c’est bel et bien d’une liberté publique qu’il est question, puisque la il s’agit de déterminé le mode d’exercice de la liberté du commerce et de l’industrie ].


b)      La nécessité des mesures de police

Quelle est l’ampleur des pouvoirs de police ?

Toute mesure de police doit être nécessaire. Elle doit par conséquent être dictée par l’existence d’une menace de trouble à l’ordre public. A défaut la mesure de police sera irrégulière. Cette nécessité, qui est l’impératif premier en la matière, est contrôlée avec un soin particulier par le juge administratif lorsque les mesures de police viennent limiter ou restreindre l’exercice d’une liberté publique. Cela signifie que dans pareil cas, si la mesure de police est contestée sur le terrain contentieux, l’autorité de police aura l’obligation de démontrer l’adaptation de la mesure prise aux exigences de l’ordre public. C’est cette adaptation là qui fera l’objet d’un contrôle vigilent de la part du juge administratif.
Les principes directeurs de la jurisprudence sont inscrits dans un Arrêt de principe rendu par le Conseil d’Etat du 19 Mai 1933 Benjamin. Cet arrêt est particulièrement significatif parce qu’il y a dans cette décision le soucis pédagogique à petit manuel d’usage des pouvoirs de police défini par le Conseil d’Etat. Ce dernier entend ici définir la conduite à tenir par les autorités de police lorsque l’exercice de liberté publique est en jeu.
Il s’agissait d’une réunion publique que projetait de faire un journaliste, Mr Benjamin. Ce journaliste était un polémiste très virulent situé à l’extrême droite, qui avait pour habitude de tenir des propos très vitriolés à l’égard de la laïcité et des établissements publics d’enseignements.
Les syndicats d’enseignants et les associations affirment leur volonté de s’opposer par tout moyen à la venu de benjamin dans a ville de Nevers. Ce faisant, craignant des débordements, le maire de Nevers décide d’interdire la tenue de la réunion. à Lecture juridique de ces données factuelles = mesure d’interdiction qui frappe l’exercice d’une liberté publique. Benjamin conteste devant le juge administratif la validité de cette mesure d’interdiction et il obtient gain de cause. Dans l’arrêt de 1933, le Conseil d’Etat annule l’arrêté municipal litigieux.
Le Conseil d’Etat commence par poser que les autorités administratives doivent avoir pour reflex initial de rechercher les moyens de nature à protéger l’exercice des libertés. Ce n’est que si cela s’avère impossible que des mesures restrictives peuvent être prises. Lorsque l’exercice d’une liberté est en jeu (dans l’arrêt Benjamin, il y a la liberté de réunion, et conjointement la liberté d’expression) les autorités de police se doivent de rechercher les moyens propres à protéger l’exercice des libertés. Dans l’arrêt Benjamin, ce qui est foncièrement reproché au maire par le Conseil d’Etat est d’avoir fait les choses à l’envers.
Le Conseil d’Etat censure l’arrêté municipal interdisant la tenue de la réunion publique.

La tentation serait de tirer de l’arrêt Benjamin l’idée que lorsque l’exercice d’une liberté publique est en jeu, le procédé de l’interdiction est radicalement exclu. Peut-on aller jusque-là ? Ce serait une interprétation excessive de l’arrêt Benjamin, cet arrêt ne va pas jusque-là. Simplement, lorsque l’exercice d’une liberté est en cause, les interdictions générales et absolues sont regardées avec une extrême suspicion par le juge administratif. En d’autres termes, ces interdictions générales sont présumées irrégulières, parce que supposées inadaptées aux exigences du maintien de l’ordre public. Reste que si une autorité de police parvient à faire la démonstration que seule une mesure d’interdiction permettait de préserver l’ordre public, alors la démarche de l’administration sera admise. Dans ce cas-là, il y a un vent contraire qui souffle en défaveur de l’autorité administrative.
Arrêt Auclair rendu le 14 Mars 1979 par le Conseil d’Etat à Il s’agit pour le Conseil d’Etat d’examiner la régularité d’un arrêté municipal qui interdit l’exerce de tout commerce ambulant sur les plages de la commune. Un marchand de glace fait un recours en annulation. Le marchand de glace, Mr Auclair, fait valoir que cet arrêté municipal met en cause l’exercice d’une liberté publique, en l’espèce, la liberté du commerce et de l’industrie. Il s’agit d’une mesure présumée irrégulière, dès lors qu’elle est supposée inadaptée aux exigences de l’ordre public. Mais dans cette affaire, le maire sera en mesure de faire la démonstration que seule une mesure d’interdiction permettait en l’occurrence de préserver la salubrité publique sur les plages. Dans son arrêt, le Conseil d’Etat reprend à son compte les arguments produits par le maire. Et le Conseil d’Etat en déduit qu’ici rien d’autre qu’un arrêté d’interdiction n’était susceptible de préserver la propreté des plages.

Quelles peuvent être et doivent être la réaction des autorités de police quand la liberté est en jeu ?
~ Rechercher tout moyens propres à préserver l’exercice de la liberté.
~ Prendre à titre subsidiaire des mesures limitatives ou restrictives.
~ Le cas échéant, aller jusqu’à l’interdiction, si rien d’autre n’est possible pour préserver l’ordre public.
Par la même et à sa manière, le juge administratif contribue à déterminer le cadre normatif qui enserre et doit enserrer l’exercice des pouvoirs publics. Ce cadre normatif n’est pas construit par des textes, car il y a très peu de textes à ce propos. Ce cadre normatif est pour une grande partie élaborer par la jurisprudence. Avec l’arrêt Benjamin, on a la démonstration, en quelque sorte, qu’en la matière, le juge administratif endosse ses responsabilités. Il trace un corps de doctrine qui doit s’imposer aux autorités de police. L’avantage du caractère jurisprudentiel de ce cadre normatif est la souplesse, l’adaptabilité. Si ce cadre normatif était issu de texte, cela signifierait inévitablement une certaine raideur. Dans chaque espèce le juge administratif est en situation de s’adapter. Cette adaptabilité est un gage d’efficacité, et par la même un élément protecteur des libertés. 

Par ailleurs, toute mesure de police doit être adaptée en circonstance de temps et de lieu.


c)      Les circonstances de temps et de lieu

Ces circonstances ont une incidence sur l’ampleur des pouvoirs de police dont dispose les autorités administratives.


Circonstance de temps

Dans une période paisible, les possibilités d’action sont plus limitées que dans une période troublée. La jurisprudence estime que les situations exceptionnelles emportent un assouplissement du cadre normatif, qui enserre les mesures de police. Telle mesure qui serait jugée irrégulière en période paisible, pourra être validé dans le cadre d’une situation à caractère exceptionnel.
Exemple : Il pleut très très beaucoup !! L Et pif paf pouf, il y a des inondations, donc certains habitants doivent être évacuées. Dans cette hypothèse là, il y a nécessité absolue de reloger ces personnes. Les autorités de police (maire et préfet en l’occurrence) vont pouvoir user d’un droit de réquisition de bâtiments vacants pour y reloger ces personnes. Ils n’auront pas à demander aux propriétaires de reloger transitoirement les populations sinistrées. A circonstance exceptionnelle, action exceptionnel à capacité de réquisition des maires et des préfets. Mais lorsque dans 8 jours les eaux se seront retirées, donc que les circonstances exceptionnelles auront cessé, les bâtiments qui auront été investis par les populations sinistrés devront être évacués.


Circonstance de lieu

Ces circonstances de lieu influent aussi sur l’ampleur des pouvoirs de police.
Exemple : Un maire aura la possibilité d’interdire la mendicité dans quelques artères particulièrement fréquentées. Mais il n’aura pas la possibilité de procéder de la sorte dans la totalité du centre ville d’une localité. De façon générale, au regard des lieux, il y a une sorte de tableau que l’on peut dessiner, avec deux extrêmes. D’un coté la voix publique, et de l’autre coté le domicile privé. La voix publique est un lieu où les possibilités d’intervention des autorités de police sont particulièrement larges. Les autorités de police ont même l’obligation d’y prendre les mesures exigées par le maintient de l’ordre public.
A l’opposé de la voix publique, apparaît le domicile privé. Ce dernier est en principe un lieu hors de porté de l’action des autorités de police. Cette immunité dont bénéficie le domicile privé n’a pas un caractère absolu. Les autorités de police ont la possibilité d’interdire ou de limiter l’extériorisation d’activités menées à l’intérieur du domicile.
Exemple : Dans tous les départements où il y a un peu de verdure, les préfets ont pris un arrêté limitant l’usage des tondeuses à gazon.


à Confirmation que l’exercice des mesures de police est enserré dans un cadre normatif. Confirmation que, s’agissant de la police générale, ce cadre normatif est pour l’essentiel dessiner par la jurisprudence et qui a donc l’avantage de la souplesse et de l’adaptabilité.


Section 2 : Les polices administratives spéciales

Comment définir ces polices administratives spéciales ?
Quelles sont les autorités compétentes sur le terrain des polices administratives spéciales ?
Police générale et polices spéciales peuvent-elles intervenir conjointement ?


A] Définition

Une police est tenue pour spéciale au regard du but qu’elle poursuit, ou au regard du régime juridique auquel elle obéit.

Le critère du but

Il y a police spéciale lorsque le but poursuivit ne figure pas dans le contenu normal de la police générale.
Exemple : Il existe une police spéciale de l’affichage de la publicité et des enseignes. Au titre d’une telle police, les autorités administratives ont la possibilité de prendre des arrêtés réduisant, voire interdisant, l’affichage dans certaines localités. Le but en la matière est la sauvegarde de l’esthétique publique.

Le critère de régime juridique

Il y a police spéciale lorsque le régime juridique applicable se caractérise par son originalité, sa singularité.
Exemple : Il existe une police spéciale du cinéma. Cette police du cinéma a un caractère spécial parce que son régime juridique applicable est singulier. En l’espèce, cette police spéciale relève du ministre de la culture, qui l’exerce en octroyant ou non un visa d’exploitation, permettant la diffusion d’un film sur les écrans.


B] Les autorités compétentes en matière de police spéciale

Tantôt les polices spéciales relèvent d’autorités dépourvus de pouvoir de police générale, qui sont incompétentes pour intervenir à ce dernier titre (exemple : la police spéciale du cinéma, qui relève du ministre de la culture qui n’est pas compétant sur le terrain de la police générale).
Tantôt les polices spéciales relèvent d’autorités qui peuvent conjuguer leurs interventions en matière de police spéciale avec des compétences de polices générales (exemple : les maires sont une autorité de police générale à l’échelon communale, et il sont également la charge d’une police spéciale qui est la police des édifices menaçants ruines. || Le Préfet est rattaché aux polices spéciales de la chasse et de la pêche, de la navigation aérienne etc.)

A coté de la police générale, il existe un certain nombre de polices spéciales. N’y a-t-il pas de risque de cacophonie ? Une police spéciale ne pourrait-elle pas prendre une décision allant à l’encontre d’une décision prise par la police générale ?


C] Le concours de la police générale et des polices spéciales

Au nom de la logique, on est tenté de penser que l’existence d’une police spéciale exclus par définition la manifestation conjointe de la police générale. Faute d’un tel exclusivisme, des mesures discordantes risqueraient d’être prises au titre de l’une et de l’autre police. Il y a là une logique qui semble apparemment incontestable, mais une logique qui ne rend pas totalement compte de la réalité. La réalité est plus nuancée Quelle est cette réalité ?

Il existe des textes qui fondent l’existence de polices spéciales et qui confèrent à celle-ci un caractère exclusif. [ Exemple : Il en va ainsi des polices de la circulation aérienne, de celle des aéroports et des aérodromes à Le Préfet est seul compétent pour dessiner les couloirs de navigation aérienne ].

En revanche, lorsque aucun texte n’écarte la mise en œuvre conjointe de la police générale et de la police spéciale, la jurisprudence adopte une attitude très ouverte. Le concours des polices lui parait davantage porteur d’une complémentarité bénéfique que d’une zizanie dangereuse. Arrêt de référence en la matière à Arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 20 Juillet 1935 Société des établissements S.A.T.A.N. Ici le Conseil d’Etat affirme initialement sa position. Le concours est admis dès lors qu’il trouve sa justification dans une raison impérieuse, telle que l’urgence, la défaillance de l’une des deux polices, ou encore la nécessité de prendre des mesures plus rigoureuses.
Illustration de cette construction jurisprudentielle : Le cinéma. Il existe une police spéciale du cinéma. Imaginons que le Ministre de la Culture ait accordé son visa d’exploitation à un film. Rien n’empêche par la suite un maire, au titre de ses pouvoirs de police général, d’interdire la projection du film sur le territoire communale. C’est une mesure d’interdiction émanant d’un maire va à l’encontre du feu vert donné par le ministre à l’échelon national.
Quelle sera la justification que devra fournir le maire pour étayer son arrêté d’interdiction? Il devra se référer à la nécessité de prendre des mesures plus rigoureuses que celles édictées à l’échelon nationale. Plus précisément, le maire devra faire valoir ou bien un risque de trouble matériel à l’ordre public, ou bien il devra se fonder sur le caractère immoral du film, en liaison avec des circonstances locales particulières. L’arrêt de référence en la matière est un arrêt rendu par le Conseil d’Etat le 18 Décembre 1959 Société les films Lutétia. Les maires qui interdisaient pouvait le cas échéant se fonder sur le risque de trouble matériel à l’ordre public. C’est par exemple un certain nombre d’association d’ancien combattant qui s’affirme farouchement opposé à un film sur la guerre d’Algérie.

Caractère immoral du film et circonstances particulières à subjectif. Les juges administratives regardaient le film et doctement jugeaient si le film était immoral ou non. Mais le caractère immoral ne peut pas être allégué à lui tout seul, il faut aussi des circonstances locales particulières. Dans les années 1960, le Maire de Senlis a interdit des films qui semblaient trop sulfureux. Les circonstances particulières étaient qu’il y est un grand nombre d’établissements scolaires  dans la localité. 

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