Deux exigences doivent être
satisfaites pour qu’un contrat puisse être administratif. D’abord une exigence
d’ordre organique, c'est-à-dire une exigence relative à l’identité des parties.
Ensuite, des exigences matérielles, c'est-à-dire des exigences relatives à la
substance même du contrat. Il y a donc à examiner le critère organique d’un
coté, et d’un autre coté les critères matériels du contrat administratif.
Section 1 : le critère
organique du contrat administratif
En l’espèce, la jurisprudence
fait preuve de détermination. Pour qu’un contrat puisse être administratif une
personne publique au moins doit figurer parmi les parties. Il y a ici une distinction
nette à établir entre les actes unilatéraux et les contrats administratifs. Les
personnes privées sont amenées à user de l’acte administratif unilatéral sans
que cela soit véritablement exceptionnel. Mais cette souplesse là n’est pas de
mise pour ce qui est du contrat administratif.
Traditionnellement, la seule
tolérance admise était qu’une personne publique donne expressément mandat à une
personne privée pour la représenter lors de la passation du contrat. C’était
donc traditionnellement la seule exception à la règle de base.
Arrêt rendu par le Tribunal
des conflits datant du 8 Juillet 1963, Société entreprise Peyrot.
Le tribunal des conflits doit se prononcer sur un contrat passé par deux
personnes privée, l’une est une société d’économie mixte (à
société qui réuni dans son capital social des capitaux publics et des capitaux
privés, et dont la direction est entre les mains d’investisseurs privés et
publics). Pour ce qui est du statut juridique de cette société d’économie
mixte, et bien c’est une société (donc une personne privée) et le cocontractant
est une entreprise privée de travaux (une personne privée également). Il n’y a
pas de mandat exprès donné à l’une de ces personnes privées. Pourtant dans
l’arrêt, le Tribunal des Conflits admet que le contrat litigieux est un contrat
administratif. Le tribunal des conflits se réfère à deux arguments :
D’abord, il souligne que le contrat est relatif à la construction d’une
nouvelle autoroute, et la réalisation de tels travaux incombe par nature
à l’Etat. Le tribunal des conflits fait également valoir que l’une des parties
au contrat agit pour le compte de collectivités publiques, sans qu’il y ait
mandat. Ces deux arguments font douter quant à la porter véritable d’un tel
acte. Ou bien on considère que c’est le premier argument qui est décisif, et
l’on fait alors de l’arrêt Peyrot un arrêt dont la portée est très circonscrite
à
les contrats passés entre personnes privées sont administratifs si et dès lors
qu’ils sont relatif à la construction d’autoroute.
2e argument : La
société agit pour le compte de collectivités publiques même en l’absence de
mandat.
Est-ce un arrêt d’opportunité,
relatif uniquement aux travaux autoroutiers ? Ou est-ce un arrêt qui
annonce des développements futur sur la base de la théorie de la
représentation.
Il a fallu attendre une 12aine
d’année avant que la jurisprudence ne donne des clés de lecture.
Arrêt du Conseil d’Etat 30
Mai 1975, Société d’équipement de la région montpelliéraine, et un
second arrêt du tribunal des conflits rendu le 7 Juillet 1975, Commune
d’Agde. Dans ces deux arrêts les juridictions vont renouer avec
l’audace qui avait marqué l’arrêt de 1963. A nouveau, les juridictions
admettent le caractère administratif de contrats passés entre personnes privées
en l’absence même de tout mandat exprès unissant personne privée et personne
publique. Dans ces deux arrêts le raisonnement des juridictions s’éclaircit. Il
n’y a qu’un seul argument produit : l’une des personnes privées agit pour
le compte de collectivité publique. Ces deux arrêts sont relatifs à des
opérations un peu particulières. Il s’agit de la réalisation de grands
équipements collectifs : travaux d’adduction d’eau dans un cas, travaux
d’assainissement dans l’autre. Cela amène à dire ceci : un contrat est
administratif, même s’il est passé par des personnes privées, dès lors qu’il
est relatif à des travaux autoroutiers ou à la réalisation de gros équipements
collectifs, si l’une des personnes privées représente un ou plusieurs
collectivités publiques. Cela signifie que s’agissant du champ d’application
matériel d’une telle jurisprudence, il y a des limites très sensibles. La
banalisation viendra en 1976, avec un arrêt du Conseil d’Etat en date du 18
Juin 1976, Dame Culard. Ici, il s’agit d’un contrat de prêt conclu
entre le crédit foncier (qui a le statut de société) et madame Culard (un
particulier). Ce contrat de prêt obéit à des règles particulières. Le Conseil
d’Etat note que les règles d’obtention de ces prêts sont déterminées par
l’Etat ; il souligne ensuite que les fonds, utilisés par le crédit foncier
pour allouer les prêts, proviennent directement du budget de l’Etat ;
enfin, il fait remarquer que le ministre de l’économie et des finances exerce
au nom de l’Etat un contrôle sur l’octroi de tels prêts. Le contrat est donc
considéré comme étant administratif.
1er observation :
La jurisprudence entant privilégié le réalisme. C’est ce dernier qui explique
la démarche frondeuse, déviante, de la jurisprudence. Lorsqu’une personne
privée n’est qu’un paravent derrière lequel s’abrite une personne publique.
Lorsque derrière une personne privée, la présence d’une personne publique peut
être nettement distinguée, il est bon de faire prévaloir cette donnée de
fait ; même s’il n’y a pas de mandat exprès liant personne privée et
publique, c’est la situation de fait qu’il y a lieu de faire ressortir ici.
2e observation :
Avec ces arrêts frondeurs, il ne s’agit pas véritablement d’exception à la
règle traditionnelle. En effet, le principe demeure, en dépit des déviances la
jurisprudence, puisque pour être administratif le contrat doit être conclut par
au moins une personne publique. Seulement cette présence exigée d’une personne
publique peut être directe, et ce sera le cas le plus fréquent, mais cette
présence peut n’être que indirecte. Ces arrêts témoignent donc d’un
assouplissement du principe de base, qui est entendu de manière plus
compréhensive que jadis.
La présence d’une personne
publique n’est de toute manière pas suffisante pour que le contrat soit
administratif. Effectivement, des exigences relatives au contenu du contrat
s’imposent également.
Section 2 : Les
critères matériels du contrat administratif
Il y a trois stades dans
l’analyse et pourtant nous n’allons retenir que deux.
1er stade : A
supposé satisfait le critère organique, quelques textes détermine la nature de
certaines catégories de contrat.
2e stade : En
l’absence de texte, c’est aux parties qu’il appartient de qualifier le contrat
qu’elles concluent. Généralement, dans la rédaction d’un contrat, il n’existe
pas de clause précisant expressément la nature du contrat. Mais c’est une clause qui précise la
juridiction compétente en cas de litige. Les parties disposent-elles d’une
totale liberté d’appréciation ?
Exemple : un boulanger passe
un contrat avec une entreprise et précise que le contrat relève de la
compétence du tribunal administratif en cas de litige. Le tribunal en cas de
litige se déclarerait incompétent en faisant valoir qu’en dépit des clauses ce
contrat relève du droit privé.
3e stade : Les
parties doivent se conformer aux critères matériels qui ont été forgés par la
jurisprudence. Une qualification fantaisiste pourrait être corrigée par les
juridictions.
A] Le critère législatif du
contrat
Il existe de texte qui précise
par avance la nature de telles ou telles catégories de contrat. Ces textes sont
le plus souvent des textes législatifs, ou des textes qui en ont la valeur (loi
ou ordonnance).
Les contrats relatifs à des
opérations de travaux publics sont des contrats administratifs, à conditions
que l’une des parties soit une personne publique. De même, les marchés passés
en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats
administratifs.
En l’absence de textes ce sont
les critères jurisprudentiels qui prévalent.
B] Les critères
jurisprudentiels
Il y a deux critères
matériels : un critère relatif à l’objet du contrat, et un critère relatif
aux clauses du contrat. Sont-ce des critères cumulatifs ou alternatifs ?
C’est une liaison alternative et non pas cumulative. Arrêt de référence rendu
par le Conseil d’Etat le 20 Avril 1956, Epoux Bertin.
a)
Le critère relatif à l’objet du
contrat
Les contrats relatifs à
l’exécution même du service public sont administratifs. Cette formule a été conçue pour opposer de tels contrats à
des contrats relatifs au besoin de l’administration.
Une ville conclut un contrat de
délégation de service public avec un opérateur privé. C’est un contrat
administratif puisqu’il est relatif à l’exécution même du service public. En
revanche, si le président de l’université va acheter deux rames de papiers
parce qu’il n’y a plus de papier pour imprimer ; ce sera un contrat conclu
pour les besoins du service public, il relèvera donc du droit privé.
Cette notion de l’exécution même
du service public peut être entendue de manière stricte ou de façon souple.
Pour nous convaincre de ces marges de manœuvre on peut prendre l’exemple de
contrat liant l’administration à ses agents : Les agents de
l’administration ont un statut de fonctionnaire. Mais au sein de
l’administration il y a aussi un certain nombre de contractants. Ces contrats
sont-ils relatifs à l’exécution même du service public. La jurisprudence
ancienne faisait preuve d’une très grande sélectivité. Arrêt du tribunal des
conflits rendu du 25 Novembre 1963, Dame Veuve Mazerand. Il
s’agit d’un litige opposant un agent de service d’une école communale à son
employeur, la mairie. Il s’agit de savoir si cet agent de service est lié à la
commune par un contrat administratif ou un contrat de droit privé. Le contrat
est-il relatif à l’exécution même du service public ? Le tribunal des
conflits retient que dans un premier stade de sa carrière la requérante était
chargée de l’entretien des locaux scolaire. Ce faisant, elle ne participait pas
à l’exécution même du service public de l’enseignement. Dans un second stade de
sa carrière, le Tribunal des Conflits remarque que la requérante a en plus de
ses tâches initiale à été chargé de la surveillance des enfants en dehors des
heures de classes. A partir de là tout à changer, la requérante a été amenée à
participé à l’exécution même du service public. Dans un premier temps elle
était liée à son employeur par un contrat administratif, dans une seconde phase
de sa carrière elle était liée à son employeur par un contrat administratif. La
requérante doit donc mener deux actions contentieuses parallèles : une
devant le juge judiciaire et une devant le juge administratif.
Des manifestations
jurisprudentielles se sont montrées plus souple. C’est ainsi que des arrêts ont
considéré qu’une secrétaire médicale d’un hôpital public est liée à son
employeur par un contrat administratif. Pourtant si on applique la grille de
lecture « Mazerand » une secrétaire médicale ne soigne pas, elle ne
participe donc pas a l’exécution même du service public. En dépit de cela, le
Conseil d’Etat jugera qu’il y a bien participation à l’exécution même du
service public se traduira désormais par tâches dont l’accomplissement est une
condition d’une bonne exécution du service public.
Arrêt du tribunal des
conflits du 25 Mars 1996, Berkani. Dans cet arrêt, le tribunal des
conflits pose que de façon générale, les agents exécutants ou participant à
l’exécution d’une mission de service public administratif sont des contractuels
de droit public, à condition que l’employeur soit une personne publique.
b)
Le critère relatif aux clauses
du contrat
Il existe une perspective
traditionnelle et une perspective plus renouvelée.
Perspective traditionnelle :
Ce critère des clauses du contrat amène le juge à examiner les diverses clauses
d’un contrat pour identifier celles qui ont un caractère exorbitant du droit
commun. Traditionnellement, par clause exorbitante du droit commun on entend
des clauses qui ne sont pas nécessairement illicite dans des contrats de droit
privé, mais des clauses qui n’en sont pas moins inusuelles dans de tels
contrats. Cela signifie que dans cette perspective traditionnelle, la clause
est exorbitante au regard de sa nature.
Mais compte tenu des phénomènes
de rapprochement. La clause est exorbitante à l’égard de son objet. Une clause
exorbitante est alors une clause permettant la réalisation prioritaire de
l’intérêt général. La clause exorbitante sera par exemple la clause qui
permettra à une personne publique de modifier unilatéralement le contrat. Ce
sera aussi une clause qui permet à une
personne publique de résilier avant terme le contrat en l’absence de toute faute
du cocontractant.
Avec cette vision de la clause
exorbitante, il y a l’œuvre une méthode d’analyse un peu raide. Si une clause
sur 50 est exorbitante alors le contrat sera regardé comme étant administratif.
Alors au fil du temps, la
jurisprudence a pris quelque liberté avec l’approche traditionnelle de la
clause exorbitante. Certains arrêts ont privilégié une démarche
impressionniste, synthétique. Ce qui a été recherché, par delà de la lecture
clause par clause, est la teneur général d’un contrat.
Exemple : arrêt du Conseil
d’Etat du 9 Janvier 1973, Société d’exploitation électrique de la rivière du
Sant. Dans cette espèce, on lit des termes tout à fait significatifs
dans les conclusions du commissaire du gouvernement. Ce dernier a recherché
« une ambiance de droit public » dans le contrat. Il ne s’agit plus
de lire ponctuellement les contrats mais on recherche à se faire ne impression
d’ensemble à la lecture du contrat. Il y a beaucoup de subjectivité et
d’incertitudes pour les requérants.
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