mercredi 5 octobre 2016

L’identification du contrat administratif

Deux exigences doivent être satisfaites pour qu’un contrat puisse être administratif. D’abord une exigence d’ordre organique, c'est-à-dire une exigence relative à l’identité des parties. Ensuite, des exigences matérielles, c'est-à-dire des exigences relatives à la substance même du contrat. Il y a donc à examiner le critère organique d’un coté, et d’un autre coté les critères matériels du contrat administratif.


Section 1 : le critère organique du contrat administratif

En l’espèce, la jurisprudence fait preuve de détermination. Pour qu’un contrat puisse être administratif une personne publique au moins doit figurer parmi les parties. Il y a ici une distinction nette à établir entre les actes unilatéraux et les contrats administratifs. Les personnes privées sont amenées à user de l’acte administratif unilatéral sans que cela soit véritablement exceptionnel. Mais cette souplesse là n’est pas de mise pour ce qui est du contrat administratif.
Traditionnellement, la seule tolérance admise était qu’une personne publique donne expressément mandat à une personne privée pour la représenter lors de la passation du contrat. C’était donc traditionnellement la seule exception à la règle de base.

Arrêt rendu par le Tribunal des conflits datant du 8 Juillet 1963, Société entreprise Peyrot. Le tribunal des conflits doit se prononcer sur un contrat passé par deux personnes privée, l’une est une société d’économie mixte (à société qui réuni dans son capital social des capitaux publics et des capitaux privés, et dont la direction est entre les mains d’investisseurs privés et publics). Pour ce qui est du statut juridique de cette société d’économie mixte, et bien c’est une société (donc une personne privée) et le cocontractant est une entreprise privée de travaux (une personne privée également). Il n’y a pas de mandat exprès donné à l’une de ces personnes privées. Pourtant dans l’arrêt, le Tribunal des Conflits admet que le contrat litigieux est un contrat administratif. Le tribunal des conflits se réfère à deux arguments : D’abord, il souligne que le contrat est relatif à la construction d’une nouvelle autoroute, et la réalisation de tels travaux incombe par nature à l’Etat. Le tribunal des conflits fait également valoir que l’une des parties au contrat agit pour le compte de collectivités publiques, sans qu’il y ait mandat. Ces deux arguments font douter quant à la porter véritable d’un tel acte. Ou bien on considère que c’est le premier argument qui est décisif, et l’on fait alors de l’arrêt Peyrot un arrêt dont la portée est très circonscrite à les contrats passés entre personnes privées sont administratifs si et dès lors qu’ils sont relatif à la construction d’autoroute.
2e argument : La société agit pour le compte de collectivités publiques même en l’absence de mandat.
Est-ce un arrêt d’opportunité, relatif uniquement aux travaux autoroutiers ? Ou est-ce un arrêt qui annonce des développements futur sur la base de la théorie de la représentation.
Il a fallu attendre une 12aine d’année avant que la jurisprudence ne donne des clés de lecture.
Arrêt du Conseil d’Etat 30 Mai 1975, Société d’équipement de la région montpelliéraine, et un second arrêt du tribunal des conflits rendu le 7 Juillet 1975, Commune d’Agde. Dans ces deux arrêts les juridictions vont renouer avec l’audace qui avait marqué l’arrêt de 1963. A nouveau, les juridictions admettent le caractère administratif de contrats passés entre personnes privées en l’absence même de tout mandat exprès unissant personne privée et personne publique. Dans ces deux arrêts le raisonnement des juridictions s’éclaircit. Il n’y a qu’un seul argument produit : l’une des personnes privées agit pour le compte de collectivité publique. Ces deux arrêts sont relatifs à des opérations un peu particulières. Il s’agit de la réalisation de grands équipements collectifs : travaux d’adduction d’eau dans un cas, travaux d’assainissement dans l’autre. Cela amène à dire ceci : un contrat est administratif, même s’il est passé par des personnes privées, dès lors qu’il est relatif à des travaux autoroutiers ou à la réalisation de gros équipements collectifs, si l’une des personnes privées représente un ou plusieurs collectivités publiques. Cela signifie que s’agissant du champ d’application matériel d’une telle jurisprudence, il y a des limites très sensibles. La banalisation viendra en 1976, avec un arrêt du Conseil d’Etat en date du 18 Juin 1976, Dame Culard. Ici, il s’agit d’un contrat de prêt conclu entre le crédit foncier (qui a le statut de société) et madame Culard (un particulier). Ce contrat de prêt obéit à des règles particulières. Le Conseil d’Etat note que les règles d’obtention de ces prêts sont déterminées par l’Etat ; il souligne ensuite que les fonds, utilisés par le crédit foncier pour allouer les prêts, proviennent directement du budget de l’Etat ; enfin, il fait remarquer que le ministre de l’économie et des finances exerce au nom de l’Etat un contrôle sur l’octroi de tels prêts. Le contrat est donc considéré comme étant administratif.

1er observation : La jurisprudence entant privilégié le réalisme. C’est ce dernier qui explique la démarche frondeuse, déviante, de la jurisprudence. Lorsqu’une personne privée n’est qu’un paravent derrière lequel s’abrite une personne publique. Lorsque derrière une personne privée, la présence d’une personne publique peut être nettement distinguée, il est bon de faire prévaloir cette donnée de fait ; même s’il n’y a pas de mandat exprès liant personne privée et publique, c’est la situation de fait qu’il y a lieu de faire ressortir ici.

2e observation : Avec ces arrêts frondeurs, il ne s’agit pas véritablement d’exception à la règle traditionnelle. En effet, le principe demeure, en dépit des déviances la jurisprudence, puisque pour être administratif le contrat doit être conclut par au moins une personne publique. Seulement cette présence exigée d’une personne publique peut être directe, et ce sera le cas le plus fréquent, mais cette présence peut n’être que indirecte. Ces arrêts témoignent donc d’un assouplissement du principe de base, qui est entendu de manière plus compréhensive que jadis.

La présence d’une personne publique n’est de toute manière pas suffisante pour que le contrat soit administratif. Effectivement, des exigences relatives au contenu du contrat s’imposent également.


Section 2 : Les critères matériels du contrat administratif

Il y a trois stades dans l’analyse et pourtant nous n’allons retenir que deux.
1er stade : A supposé satisfait le critère organique, quelques textes détermine la nature de certaines catégories de contrat.
2e stade : En l’absence de texte, c’est aux parties qu’il appartient de qualifier le contrat qu’elles concluent. Généralement, dans la rédaction d’un contrat, il n’existe pas de clause précisant expressément la nature du contrat.  Mais c’est une clause qui précise la juridiction compétente en cas de litige. Les parties disposent-elles d’une totale liberté d’appréciation ?
Exemple : un boulanger passe un contrat avec une entreprise et précise que le contrat relève de la compétence du tribunal administratif en cas de litige. Le tribunal en cas de litige se déclarerait incompétent en faisant valoir qu’en dépit des clauses ce contrat relève du droit privé.
3e stade : Les parties doivent se conformer aux critères matériels qui ont été forgés par la jurisprudence. Une qualification fantaisiste pourrait être corrigée par les juridictions.


A] Le critère législatif du contrat

Il existe de texte qui précise par avance la nature de telles ou telles catégories de contrat. Ces textes sont le plus souvent des textes législatifs, ou des textes qui en ont la valeur (loi ou ordonnance).
Les contrats relatifs à des opérations de travaux publics sont des contrats administratifs, à conditions que l’une des parties soit une personne publique. De même, les marchés passés en application du code des marchés publics ont le caractère de contrats administratifs.

En l’absence de textes ce sont les critères jurisprudentiels qui prévalent.


B] Les critères jurisprudentiels

Il y a deux critères matériels : un critère relatif à l’objet du contrat, et un critère relatif aux clauses du contrat. Sont-ce des critères cumulatifs ou alternatifs ? C’est une liaison alternative et non pas cumulative. Arrêt de référence rendu par le Conseil d’Etat le 20 Avril 1956, Epoux Bertin.




a)      Le critère relatif à l’objet du contrat

Les contrats relatifs à l’exécution même du service public sont administratifs. Cette formule  a été conçue pour opposer de tels contrats à des contrats relatifs au besoin de l’administration.
Une ville conclut un contrat de délégation de service public avec un opérateur privé. C’est un contrat administratif puisqu’il est relatif à l’exécution même du service public. En revanche, si le président de l’université va acheter deux rames de papiers parce qu’il n’y a plus de papier pour imprimer ; ce sera un contrat conclu pour les besoins du service public, il relèvera donc du droit privé.
Cette notion de l’exécution même du service public peut être entendue de manière stricte ou de façon souple. Pour nous convaincre de ces marges de manœuvre on peut prendre l’exemple de contrat liant l’administration à ses agents : Les agents de l’administration ont un statut de fonctionnaire. Mais au sein de l’administration il y a aussi un certain nombre de contractants. Ces contrats sont-ils relatifs à l’exécution même du service public. La jurisprudence ancienne faisait preuve d’une très grande sélectivité. Arrêt du tribunal des conflits rendu du 25 Novembre 1963, Dame Veuve Mazerand. Il s’agit d’un litige opposant un agent de service d’une école communale à son employeur, la mairie. Il s’agit de savoir si cet agent de service est lié à la commune par un contrat administratif ou un contrat de droit privé. Le contrat est-il relatif à l’exécution même du service public ? Le tribunal des conflits retient que dans un premier stade de sa carrière la requérante était chargée de l’entretien des locaux scolaire. Ce faisant, elle ne participait pas à l’exécution même du service public de l’enseignement. Dans un second stade de sa carrière, le Tribunal des Conflits remarque que la requérante a en plus de ses tâches initiale à été chargé de la surveillance des enfants en dehors des heures de classes. A partir de là tout à changer, la requérante a été amenée à participé à l’exécution même du service public. Dans un premier temps elle était liée à son employeur par un contrat administratif, dans une seconde phase de sa carrière elle était liée à son employeur par un contrat administratif. La requérante doit donc mener deux actions contentieuses parallèles : une devant le juge judiciaire et une devant le juge administratif.

Des manifestations jurisprudentielles se sont montrées plus souple. C’est ainsi que des arrêts ont considéré qu’une secrétaire médicale d’un hôpital public est liée à son employeur par un contrat administratif. Pourtant si on applique la grille de lecture « Mazerand » une secrétaire médicale ne soigne pas, elle ne participe donc pas a l’exécution même du service public. En dépit de cela, le Conseil d’Etat jugera qu’il y a bien participation à l’exécution même du service public se traduira désormais par tâches dont l’accomplissement est une condition d’une bonne exécution du service public.
Arrêt du tribunal des conflits du 25 Mars 1996, Berkani. Dans cet arrêt, le tribunal des conflits pose que de façon générale, les agents exécutants ou participant à l’exécution d’une mission de service public administratif sont des contractuels de droit public, à condition que l’employeur soit une personne publique. 


b)      Le critère relatif aux clauses du contrat

Il existe une perspective traditionnelle et une perspective plus renouvelée.

Perspective traditionnelle : Ce critère des clauses du contrat amène le juge à examiner les diverses clauses d’un contrat pour identifier celles qui ont un caractère exorbitant du droit commun. Traditionnellement, par clause exorbitante du droit commun on entend des clauses qui ne sont pas nécessairement illicite dans des contrats de droit privé, mais des clauses qui n’en sont pas moins inusuelles dans de tels contrats. Cela signifie que dans cette perspective traditionnelle, la clause est exorbitante au regard de sa nature.
Mais compte tenu des phénomènes de rapprochement. La clause est exorbitante à l’égard de son objet. Une clause exorbitante est alors une clause permettant la réalisation prioritaire de l’intérêt général. La clause exorbitante sera par exemple la clause qui permettra à une personne publique de modifier unilatéralement le contrat. Ce sera aussi une clause qui permet  à une personne publique de résilier avant terme le contrat en l’absence de toute faute du cocontractant.
Avec cette vision de la clause exorbitante, il y a l’œuvre une méthode d’analyse un peu raide. Si une clause sur 50 est exorbitante alors le contrat sera regardé comme étant administratif.

Alors au fil du temps, la jurisprudence a pris quelque liberté avec l’approche traditionnelle de la clause exorbitante. Certains arrêts ont privilégié une démarche impressionniste, synthétique. Ce qui a été recherché, par delà de la lecture clause par clause, est la teneur général d’un contrat.

Exemple : arrêt du Conseil d’Etat du 9 Janvier 1973, Société d’exploitation électrique de la rivière du Sant. Dans cette espèce, on lit des termes tout à fait significatifs dans les conclusions du commissaire du gouvernement. Ce dernier a recherché « une ambiance de droit public » dans le contrat. Il ne s’agit plus de lire ponctuellement les contrats mais on recherche à se faire ne impression d’ensemble à la lecture du contrat. Il y a beaucoup de subjectivité et d’incertitudes pour les requérants. 

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire