·
Ce partage obéit à des
règles de rare complexité en dépit des textes qui fondent la juridiction
administrative. Exemple du décret du 16 fructidor an III :
défense
itérative est faite aux tribunaux de connaître des actes d’administration de
quelque manière que ce soit. Ce texte n’a jamais été compris de cette
manière là.
o
Dès la Révolution, on
va admettre que les tribunaux judiciaires peuvent être compétents dans
certaines matières administratives et que des actes
d’administration peuvent relever du JJ (Par
exemple, les actes d’état civil ; les impôts indirects ; sous
l’empire, on va admettre que les actes d’expropriation pour cause d’utilité
publique soient soumis au JJ). L’idée que les actes pris par
l’administration échappent aux tribunaux judiciaires n’a jamais été organisée
dans notre système juridique.
o
Le
problème est qu’il n’existe ni dans le Code civil, ni dans une loi, une
disposition qui fixerait une clause générale de distribution des compétences
entre les deux ordres juridictionnels. Les règles de répartition
des compétences entre les deux ordres de juridiction résultent de 2 types de
disposition :
- D’abord
des lois spéciales qui peuvent attribuer une compétence au JJ en
matière administrative
- Et
sinon à défaut de lois spéciales, elles vont résulter de règles jurisprudentielles qui découlent du conseil d’Etat et de la cour de cassation avec l’institution
d’un organisme régulateur qui est le tribunal
des conflits.
Le problème c’est que la jurisprudence du TC, CE, et Ccass
est extrêmement complexe ; elle repose sur de multiples variables étant
entendu que depuis toujours, on a refusé d’appliquer strictement un critère organique de répartition des
compétences.
On est
obligé donc de jongler avec d’autres critères comme des critères matériels (notion de SP, d’IG). Mais en vérité ce critère
matériel n’est pas non plus pertinent car il existe des SPA mais aussi des
SPIC.
section 1 : la necessite d’un organe
régulateur : le tribunal des conflits
Le TC
est appelé à trancher des conflits de compétence entre deux ordres
juridictionnels, donc la mission du TC n’est
pas de régler la question juridique au fond mais simplement de nous dire l’ordre juridictionnel compétent pour
régler cette question.
paragraphe 1 : la composition du tribunal
des conflits
- Le
tribunal des conflits est un organe
ad hoc : il n’est pas une
institution permanente, il se réunit chaque fois qu’on a besoin de le
réunir pour trancher un conflit de compétence, il n’a pas de service
administratif ;
- mixte : il
est composé de membres de la Ccass et du
CE et
- paritaire : il
est composé à parts égales de membres du
CE et de la Ccass (4 de chaque côté).
- La présidence du TC est assurée par le ministre de la
justice mais la tradition veut que le ministre de la justice ne
siège jamais ou que de manière exceptionnelle, notamment pour permettre un départage des membres du TC. Ces cas
de départage sont rares : depuis environ 40 ans, on en compte une
dizaine mais ce sont sur des affaires à enjeux, importantes. Par exemple, l’arrêt Blanco a été rendu à la
suite d’un partage de voix et donc rendu suite au départage du ministre de la
justice.
Ø Le rôle du ministre de la justice est régulièrement
contesté. Dans
une affaire relative au contentieux des étrangers, les membres du TC n’avaient
pas pu se mettre d’accord sur le juge compétent. Le problème était de savoir si
le JA avait les pouvoirs pour régler ce genre de question et à l’évidence la
réponse était non. En dépit de cela, le TC après intervention du ministre de la
justice avait conclu à la compétence du JA. Un membre du TC avait fait une
chronique assassine dans un grand journal du soir.
Le
problème est qu’il faudrait alors imaginer un autre mécanisme pour le départage
mais cela n’a jamais été fait.
paragraphe 2 : les cas d’intervention du
tribunal des conflits
Ces
cas sont au nombre de 4 :
- Le
conflit positif
La
situation consiste dans l’hypothèse où un
tribunal judiciaire saisi par un justiciable d’une affaire intéressant
l’administration, se dit compétent de cette affaire. Dans ce cas, il
appartient au préfet de saisir le tribunal judiciaire, de lui
adresser un déclinatoire
de compétence et dans l’hypothèse où le tribunal de grande
instance écarte ce déclinatoire de compétence et rend un jugement, il
appartient au préfet de prendre un arrêté de conflit, on dit qu’il élève le conflit,
qui consiste à porter l’affaire devant le TC.
- Le
conflit négatif
Sur
une affaire donnée, les deux ordres
juridictionnels ont été saisis et dans les deux cas, ils s’estiment incompétents
pour régler l’affaire au fond. Dans ce cas, le TC est saisi par le
tribunal qui se déclare incompétent en dernier, ou par le justiciable qui a
essuyé un double refus.
Le
problème est qu’en pratique, cela ralentit les délais de procédure.
- Le
mécanisme préventif
Il
faut attendre qu’un tribunal rejette
le recours d’où le législateur est intervenu pour prévoir un 3ème
cas d’intervention du TC et qui est un mécanisme préventif qui permet à un tribunal
de signaler à sa cour suprême, une difficulté particulière et qui permet à la
Cour de cassation ou au Conseil d’Etat de saisir le TC pour régler cette
difficulté.
- 4ème
cas
Loi de 1932 qui fait suite à l’affaire Rosay.
Hypothèse où le TC va être amené à
juger au fond l’affaire. On est dans une situation où les juridictions administratives et
judiciaires se sont toutes les deux affirmées compétentes mais la manière dont
les deux ordres juridictionnels ont tranché l’affaire aboutit à des résultats
contradictoires et un déni de justice.
Monsieur Rosay avait été victime d’un
accident de la route alors qu’il était passager d’un véhicule privé qui était
rentré en collision avec un véhicule de l’administration. Monsieur Rosay avait
d’abord engagé une action devant le juge civil sur le fondement de l’article
1382 et le juge civil l’avait débouté au fond en expliquant que dans les
circonstances de l’affaire, le véhicule responsable était le véhicule de
l’administration. M. Rosay saisit alors le CE qui se dit compétent mais écarte
sa demande au motif que dans les circonstances de l’espèce, il apparait que le
véhicule entrainant l’accident est le véhicule privé. Il se voit alors refuser
toute indemnisation.
Cette
affaire a fait un scandale et le législateur a alors décidé de voter un
dispositif nouveau permettant dans ce type de situations au justiciable de saisir
directement le Tribunal des Conflits afin que celui-ci tranche directement
l’affaire au fond. Pour faire bonne mesure, le parlement a décidé
que la loi était rétroactive.
Le TC a jugé que les torts étaient
partagés.
section 2 : la competence de principe du
juge administratif a l’egard des affaires mettant en cause la gestion publique
·
Il s’agit de faire la liste
des solutions admises par la jurisprudence qui président la répartition des
compétences entre les deux ordres de juridictions.
§ Depuis
l’arrêt Blanco, on sait que le contentieux des activités de
l’administration relève des autorités administratives chaque fois qu’il faut
leur appliquer un régime de droit public. Cette affirmation est expliquée
par l’adage « la compétence suit le fond ».
v Mais
cela n’est que d’un secours limité : il ne permet pas de régler lui-même
la question du partage des compétences, il ne fait que repousser la question
plus loin. Il revient à se demander quelles
sont les règles de droit dont il va falloir faire application ?
v En
outre, l’application de cet adage
aboutit à une conception extensive de la compétence de la juridiction
administrative, conception qui déborde la réserve des compétences
administratives telle qu’elle découle de la jurisprudence du conseil constitutionnel.
paragraphe 1 : l’absence d’un critere
unique de competence
L’adage
(la compétence suit le fond) est d’une utilisation limitée. On ne fait que
repousser le problème.
La
détermination du droit applicable repose sur un jeu très complexe de critères qui vont montrer qu’en l’espèce on applique le droit administratif à
l’administration parce que son activité relève d’un contexte lié à la gestion
publique.
On
arrive à cette conclusion par le jeu de plusieurs critères.
A)
L’échec historique d’un critère unique
·
Au 19ème, la
doctrine et la jurisprudence avaient donné une explication, une interprétation
de la notion d’acte de l’administration telle qu’elle découle du décret du 16
fructidor an III, au travers de l’opposition
entre les actes d’autorité et les actes de gestion.
o
Les actes d’autorité relevait du DA, donc au JA
et donc à l’inverse, tout ce qui ne touchait pas aux activités régaliennes de
l’administration, relevait de la notion d’acte
de gestion et donc dépendant de l’application du droit privé et de la
compétence du JJ.
Ø On
avait une conception très large de la compétence du JJ à l’égard des actes
de l’administration à commencer par les contrats. Le problème c’est que dès
le 19ème, on perçoit que cette clef de distribution est trop favorable
aux juridictions judiciaires et qu’il y a des affaires qui sans soulever des
questions de souveraineté méritent d’être traitées par un JA.
v Entre
acte de gestion et acte d’autorité, va se développer soit des textes spéciaux
qui dérogent, soit des théories jurisprudentielles qui en limitent la portée.
-
Les actes spéciaux qui
dérogent
Tout
ce qui relève des travaux publics, relève de la JA. Mais d’autres lois
sont venues dire que le contentieux des contrats de l’Etat était un
contentieux administratif.
-
Les théories
jurisprudentielles
o
Elles ont diminué la
portée de la distinction en développant la théorie de l’Etat débiteur. C’est l’idée que chaque
fois qu’une action en justice peut se traduire par la condamnation de l’Etat à
payer une somme d’argent, c’est le juge administratif qui doit être compétent.
·
C’est la situation
du 19ème siècle qui va être bouleversée par l’arrêt Blanco
de 1873. C’est un événement considérable puisque le tribunal des
conflits nous dit que ce qui compte n’est pas la distinction acte de gestion/
acte d’autorité mais si l’activité a été rendue dans le cadre de l’exécution
d’une mission de SP ou pas. On voit émerger un nouveau critère du
SP qui se substitut à l’ancienne distinction.
A la
suite de l’arrêt Blanco, il y a un effort de la jurisprudence pour nous dire
que tout ce qui touche à
l’organisation et au fonctionnement des SP constitue une opération
administrative et relève de la compétence du juge administratif.
La
décision a un double intérêt :
- Elle
place le contentieux des
collectivités locales et le contentieux des établissements sous
l’emprise du juge administratif car dans le cadre de l’ancienne
distinction, ils étaient sous l’emprise du droit privé et du juge judiciaire.
- Elle
propose un critère unifiant.
·
Le problème est que cette
présentation doctrinale n’a pas vraiment correspondu à la réalité de la
jurisprudence administrative et qu’elle va être très rapidement démentie par le
juge au travers de deux affaires : arrêt de 1912
Société des granits porphyroïdes des Vosges » et 2ème
affaire : Bac d’Eloka, Société Commerciale
de l’Ouest Africain.
- Puis
il y eut l’arrêt Epoux Bertin en 1956.
- L’année
d’avant dans un arrêt Effinief,
le TC nous dit que quand des travaux
sont réalisés pour le compte d’une association mais dans le cadre d’une mission
de service public, ces travaux sont des travaux publics, donc c’est la
compétence du JA.
- Enfin
dans l’arrêt Berkani, le TC nous dit que quand un agent est recruté quelque soit sa
mission, c’est nécessairement un agent de droit public et donc le contentieux
est nécessairement administratif.
·
Mais en parallèle, la
jurisprudence du CE nous dit que cette
notion de SP doit être complétée avec la notion de prérogative de puissance
publique, avec l’arrêt Monpeurt de 1942.
- Puis
l’affaire des Epoux Barbier qui concerne un règlement de la compagnie
air France qui interdit aux hôtesses de se marier. La compagnie air France
est une société privée ; c’est un service public industriel et commercial
et pourtant le juge compétent est le
JA car le règlement concerne l’organisation du SP donc PPP.
- A
l’inverse, l’arrêt de 2007, CE, Liepiedz, à propos d’un litige opposant à la SNCF les
familles de déportés. Le CE nous dit que le service du transport
ferroviaire ne met pas en œuvre de prérogative de puissance publique dès lors
le juge compétent ne peut être que le juge
judiciaire. On voit à travers ce rappel qu’il y a aujourd’hui plusieurs
variables pour déterminer la compétence du juge administratif.
B) Le
partage des compétences repose sur un jeu complexe de critères
·
Le problème est que la
démarche du juge est essentiellement casuistique, empirique. Tout dépend de l’affaire elle-même et
des éléments qui vont composer l’affaire.
o
La répartition des
compétences va dépendre à l’évidence de la nature
du service. Est-ce que c’est un SPA,
un SPIC ?
o
Puis
on se demandera si le SPA ou le SPIC met en œuvre ou non des PPP. La question se posera de savoir si le
service est géré par une personne morale de droit privé ou une personne morale
de droit public.
o
Ensuite, la question que se posera le juge est de
savoir avec qui le service est en conflit (agent, usager du service public, tiers ?).
v L’une
des difficultés aujourd’hui est que cette répartition des compétences ne
correspond pas à la réserve constitutionnelle de compétence reconnue à la
juridiction administrative. Cette répartition des
compétences est susceptible à tout moment d’être remise en cause par le
législateur car le Conseil constitutionnel n’a constitutionnalisé qu’une partie
beaucoup plus réduite des compétences.
paragraphe 2 : la reserve
constitutionnelle de competence
·
Le Conseil
constitutionnel a été amené à se prononcer sur la possibilité offerte au
législateur d’intervenir en matière de répartition des compétences entre les
ordres juridictionnels et administratifs.
- Cette
possibilité existe depuis toujours, il y a de très nombreuses lois qui ont
décidé de transférer du contentieux de l’administration vers la juridiction
judiciaire : Par exemple, la loi du 31 décembre 1957
transfère aux JJ la totalité du
contentieux de la responsabilité liée aux
accidents de la circulation, y compris quand le véhicule est un
véhicule administratif et quand l’accident a eu lieu à l’occasion du
service ; la loi de 1937 qui
prévoit que tout le contentieux de la
responsabilité délictuelle entre les enseignants
et les élèves est un contentieux intégralement judiciaire.
v La question qui s’est posée au Conseil constitutionnel est
jusqu’où le législateur peut aller ? Jusqu’où peut-il porter dérogation de
la séparation des ordres juridictionnels ?
Ø Le
Conseil constitutionnel répond dans une décision du 23 janvier 1987.
Le législateur avait adopté un texte qui
transférait aux juridictions judiciaires le contentieux des décisions rendues
par le conseil de la concurrence et notamment la possibilité à la cour d’appel
de paris d’annuler ou de réformer les sanctions prises par le conseil de la
concurrence aux entreprises. A priori, il y avait une solution pleinement
dérogatoire au principe de séparation des deux ordres juridictionnels. D’où la
saisine du conseil constitutionnel. Devant celui-ci, il était expliqué que ce
transfert au juge judiciaire n’était pas possible parce qu’il portait atteinte
au principe à valeur constitutionnelle de séparation des autorités
administratives et judiciaires. Le Conseil doit se prononcer sur cette
question.
èLe
conseil explique que le principe de séparation tel qu’il découle de la loi de 1790
ne peut pas avoir valeur constitutionnelle car on y déroge sans
arrêt. Mais on ne peut pas ignorer
que dans la conception Française de séparation des pouvoirs, certains actes et
types de recours ne peuvent pas être portés devant le JJ parce qu’ils touchent
au plus près le pouvoir exécutif.
Le Conseil
constitutionnel nous dit « Il existe
en vertu de la conception française de séparation des pouvoirs un PFRLR selon lequel relève en dernier
ressort de la compétence de la juridiction administrative l’annulation ou la
réformation des décisions prises dans l’exercice des prérogatives de puissance
publique par les autorités exerçant le pouvoir exécutif ». Ce PFLRL
consacre l’idée qu’il y a même dans ce cadre là, des matières réservées par nature à l’autorité judiciaire.
èLa
première idée à retenir est qu’il y a bien une réserve constitutionnelle de
compétence au profit de la juridiction administrative.
- Cette
réserve constitutionnelle de compétence ne correspond pas à la globalité des
affaires qui aujourd’hui relève du contentieux administratif. Le législateur peut alors venir transférer
du contentieux administratif au JJ : la C° ne s’y opposerait pas.
- Le
Conseil constitutionnel nous dit que pour ce qui concerne le noyau dur de la
compétence de la juridiction administrative, il reste possible au
législateur d’y apporter des ajustements ou des aménagements particuliers
c'est-à-dire que le législateur peut
décider qu’une partie du contentieux pourra être transférer au JJ et c’est
ce que le Conseil constitutionnel admet dans la décision de 1987.
v Le Conseil constitutionnel soumet l’aménagement du noyau
dur à trois conditions :
- L’objectif
poursuivi par le législateur doit être d’unifier
les compétences : de créer
un bloc de compétence
- Ce
bloc de compétence doit être justifié
par les nécessités d’une bonne administration de la justice
- Il
faut que l’aménagement soit précis et
limité.
·
En
1987, le conseil constitutionnel a jugé que ces conditions étaient remplies au
motif que le conseil de la concurrence avait surtout à connaître des affaires
intéressant le comportement des entreprises privées, que le juge naturel de ces
entreprises privées est le juge
judiciaire et qu’on pouvait créer un bloc de compétence au profit du
JJ.
·
Mais ce type de
dérogation n’est pas toujours admis par le conseil constitutionnel. Mais en 1989, le législateur a souhaité transférer au
JJ le contentieux des décisions concernant la police des étrangers. Le Conseil
constitutionnel a invalidé cette loi considérant qu’elle portait directement
atteinte aux PFRLR.
·
Le Conseil
constitutionnel a progressivement normalisé sa jurisprudence au sens où il y a
eu peu de transferts de compétence après
87 au profit du juge judiciaire et quand le législateur a décidé de
transférer certains contentieux, notamment en matière économique, le Conseil
constitutionnel a rappelé que dans le silence de la loi, le contentieux d’une autorité
administrative relève de manière générale du juge administratif. Si
le législateur prévoit un transfert, par définition précis et limité, les
dispositions de la loi s’interprètent de manière stricte.
A l’intérieur même de ce
PFRLR, il y a des matières qui relèvent par nature de l’autorité judiciaire et
ces matières on va les retrouver à deux niveaux : au niveau
constitutionnel (article 66), au niveau jurisprudentiel.
section 3 : les derogations au principe de
separation
Il y a
un certain nombre de dérogations qui résultent de textes qui ont décidé de
transférer au juge judiciaire, le contentieux de l’administration. Cependant,
il existe des constructions jurisprudentielles et qui en l’absence de tout
texte, prévoient que dans certains cas le principe de séparation doit
s’effacer.
Cela
correspond essentiellement à deux cas de figure :
la compétence reconnue au JJ en tant que
gardien des droits fondamentaux de la personne. Le 2ème cas de
figure est différent puisque ce sont les questions qui touchent au fonctionnement du service public de la
justice judiciaire. Si on applique les règles de compétence traditionnelle,
pas de raison que le JA ne connaisse pas de son organisation et de son
fonctionnement.
paragraphe 1 : la competence du juge
judiciaire en tant que gardien des droits fondamentaux de la personne
·
Il s’agit ici d’une
compétence traditionnelle qui peut trouver son origine historique dans la loi de 1810 sur l’expropriation pour
cause d’utilité publique qui fait du juge judiciaire le juge de l’expropriation.
o
Cette dérogation au
principe de séparation remonte dans le temps et tient à la suspicion qui
pouvait exister au début du 19ème siècle à l’égard de la justice
administrative qu’on pouvait considérer comme trop proche du pouvoir
politique et trop favorable aux intérêts de l’Etat.
De ce
climat du 19ème siècle, il est resté cette idée que le juge judiciaire est le gardien des
droits fondamentaux de la personne. Idée qui est illustrée par des
constructions jurisprudentielles et qui est consacrée depuis en partie par la
constitution de 1958 et en particulier par l’article 66 de la constitution
de 1958.
v Ces constructions jurisprudentielles sont de deux ordres :
d’abord d’une manière générale, on considère que les atteintes à la liberté individuelle et à la propriété privée qui
résulteraient de l’activité administrative relèvent dans une certaine mesure du
juge judiciaire et il y a une construction jurisprudentielle plus
spécifique qui est la théorie de la voie de fait et qui dans certaines
conditions donnent des pouvoirs particuliers au JJ à l’égard de
l’administration.
A) Le
contentieux des atteintes à la liberté et à la propriété privée
·
Ce titre de compétence
judiciaire à l’égard des actes de l’administration est consacré par une
jurisprudence traditionnelle notamment du TC et en particulier d’un arrêt Hilaire de 1947 qui explicite le
principe de la manière suivante : la
sauvegarde de la liberté individuelle et la protection de la propriété privée
rentrent essentiellement dans les attributions de l’autorité judiciaire.
Le TC
en 1947 ne pouvait s’appuyer sur aucun texte précis mais plutôt sur un principe
coutumier que l’on rattachait au fondement libéral et individualiste français.
·
Cette jurisprudence
trouve aujourd’hui une base constitutionnelle dans l’article 66 de
la constitution qui nous dit « nul ne peut être arbitrairement
détenu, l’autorité judiciaire gardienne des libertés individuelles assure le
respect de ce principe ».
o
Et le Conseil
constitutionnel a eu l’occasion dans une affaire concernant la fouille des véhicules et la possibilité pour
les autorités de police de fouiller les véhicules de dire que ce type
de mesure ne pouvait pas être des mesures de police administrative mais des
mesures de police judiciaire
c'est-à-dire ordonnées et contrôlées par le procureur de la république dans la
mesure où les atteintes à la liberté individuelle ne peuvent relever que de
l’autorité judiciaire.
v On pourrait considérer qu’il n’y a pas de difficultés
particulières : le problème est que les choses sont plus
compliquées.
-
D’abord, on a du mal à s’entendre sur ce qu’on entend par
liberté individuelle et il a été admis par le Conseil constitutionnel
lui-même que pour tout ce qui touche à
la police des étrangers, il a été admis par le Conseil constitutionnel, le juge
compétent est le juge administratif.
-
Même quand la compétence du juge judiciaire est affirmée,
elle fait le plus souvent l’objet d’une interprétation
restrictive qui n’exclut pas que sur certains aspects, le JA puisse
également être saisi. D’où on a des jurisprudences qui font
difficulté : Deux types de jurisprudence :
o
Jurisprudence fondée
sur l’article 136 du code de procédure pénale,
et qui concerne toutes les atteintes à la liberté individuelle et à
l’inviolabilité du domicile tel que le définit le code pénal.
o
Contentieux lié à la théorie
de l’emprise irrégulière.
Dans ces deux hypothèses, la compétence judiciaire et
administrative se superpose.
1) Les
atteintes à la liberté individuelle et à l’inviolabilité du domicile fondées
sur l’article 136 du code de procédure pénale
Selon
ce texte, en cas d’arrestation et de
détention arbitraire, et d’atteinte illégale à la liberté individuelle, les
tribunaux de l’ordre judiciaire sont toujours exclusivement compétents
et le conflit ne peut jamais être levé.
Pourtant,
ce texte donne lieu à une interprétation restrictive. Elle relève de
deux volets :
- Le
titre de compétence matérielle de la juridiction judiciaire est interprété
strictement, c'est-à-dire que le juge
judiciaire n’est compétent qu’en cas d’arrestation et de détention arbitraire,
c’est quand on porte atteinte à la sûreté.
- Le
TC et le CE, dans un arrêt Dame Clément 1964
fait une distinction selon la question posée au juge. Pour le TC, si le
requérant demande à être indemnisé des conséquences
dommageables de la détention arbitraire, le juge qui devra statuer sur ce
recours est naturellement le juge
judiciaire. Par contre, quand il s’agit d’apprécier la légalité de
l’arrestation ou de la mesure attentatoire à la liberté, pour apprécier la légalité de la mesure portant atteinte à la
mesure de la liberté, la question doit relever du juge administratif.
v C’est
une curieuse solution car elle contrarie
l’article 136 du code de procédure pénale et c’est une solution d’autant
plus paradoxale qu’elle va faire du JA
le régulateur de la compétence judiciaire.
Cette jurisprudence ne fait pas l’adhésion des juridictions
judiciaires et en particulier de la chambre criminelle de la Cour de cassation.
En effet elle a développé une jurisprudence
dissidente notamment en matière de contrôle d’identité. La chambre criminelle de la Cour de
cassation a jugé en 1985 dans une affaire
« Bogdan » que la compétence du JJ est non seulement
fondé sur l’article 136 du CPP mais aussi sur l’article 66 de la constitution
et que cela donnait droit au JJ de statuer sur la demande en réparation mais
sur les conditions dans lesquelles se sont déroulées le contrôle d’identité.
Le conflit entre les deux ordres de juridictions n’est pas neuf.
L’article
136 du CPP a été modifié dans les années 50 pour faire échec à une
jurisprudence du TC de 1952 arrêt Dame de la Murette.
Le TC avait fait la même interprétation que dans l’arrêt Dame Clément mais se
fonde sur l’article 112 du code
d’instruction criminelle.
Ce
type de difficultés revient régulièrement dans l’actualité et notamment en 1997, le TC a été amené à se prononcer
dans une affaire qui est celle du Cargo le Phénix. Il
s’agit de deux passagers clandestins qui
avaient pris place dans un cargo et ces deux passagers sont consignés à bord
par les services de l’immigration. La mesure de police est contestée
devant le TGI et l’armateur demandent d’enjoindre à l’autorité de police
de mettre fin à la consignation à bord de ces deux passagers clandestins. Le
préfet de police élève le conflit en disant que cette question ne regarde pas
le juge judiciaire. C’est juste une application d’une mesure de police
administrative. Le TC est donc saisi et fait une réponse dénuée d’ambigüité
qui confirme l’arrêt Dame Clément. Il nous dit que les dispositions de l’article 136 du code de procédure pénale ne
sauraient être interprétées comme autorisant les tribunaux judiciaires à faire
obstacle à l’exécution des décisions prises par l’administration.
La jurisprudence Dame Clément
est donc toujours d’actualité et suscite l’opposition de
la chambre criminelle de la cour de cassation mais elle survit avec cette
dualité : d’un côté le JJ répare
les atteintes et le JA vérifie si la mesure de police est légale ou pas.
2) La
théorie jurisprudentielle de l’emprise irrégulière
·
Cette théorie
jurisprudentielle concerne les cas
d’atteinte à la propriété privée des autorités judiciaires. Là encore,
cette compétence judiciaire s’appuie sur une coutume qui trouve son origine dans la loi de 1810 sur l’expropriation et
qui est l’objet d’une jurisprudence constante depuis l’arrêt Société
Hotel du Vieux Beffroi et Société Rivoli Sebasto-Paul.
·
Cette théorie témoigne
aujourd’hui un écho dans la jurisprudence du Conseil constitutionnel : décision du 13 décembre 1985 :
le Conseil constitutionnel a rappelé qu’il existe un principe à valeur constitutionnelle qui donne compétence au JJ pour
assurer l’indemnisation des particuliers en cas de dépossession.
v Mais la compétence judiciaire est partielle : c’est
la théorie de l’emprise irrégulière,
il ne suffit pas qu’il y ait une dépossession de la propriété privée par décision
administrative, il faut encore que cette dépossession
soit irrégulière et si elle ne l’est pas, il
n’y a pas de possibilité d’attribuer des indemnisations. Du coup, on se
retrouve dans le même cas de figure que dans la jurisprudence
Clément c'est-à-dire qu’en cas d’un recours devant un
particulier de l’autorité judiciaire, celui-ci ne pourra pas statuer sur le
caractère régulier ou non de l’emprise, il devra renvoyer au JA. Ce que
peut faire le JJ c’est seulement attribuer des dommages-intérêts.
La
compétence du JJ est d’abord limitée,
et ensuite elle dépend de l’appréciation
du JA : Arrêt Wergun 1961
à propos de la réquisition d’un logement
décidé par un maire et le CE reconnaissant le caractère régulier du pouvoir de
réquisition précis et mis en œuvre correctement par l’administration en
conséquence de quoi l’indemnisation auquel à droit le propriétaire ne peut lui
être allouée que par le juge administratif.
B) La
théorie de la voie de fait
·
Il s’agit d’une construction
jurisprudentielle illustrée par un arrêt du TC de 1935, Action
française, à propos de
journaux interdits de diffusion. Cette théorie jurisprudentielle reconnait
au JJ compétence mais surtout des pouvoirs
exceptionnels pour assurer la protection des administrés contre les
agissements, les comportements les plus inadmissibles perpétrés par des
autorités administratives.
o
Cette théorie
indispensable dans un Etat de droit fait l’objet depuis toujours
d’affrontement, de divergences entre les deux ordres de juridiction dans la
mesure où pendant un temps, le juge judiciaire a eu tendance à élargir sa
compétence, a avoir une interprétation large qui violait intentionnellement le
principe de séparation des autorités administratives et judiciaires pour la
bonne cause dans la mesure où le JJ considérait que le JA n’avait pas les
moyens de protéger les administrés. Le seul moyen était de dire qu’il y avait voie de fait pour que
le JJ soit compétent (même si ce n’était pas le cas).
·
Cela a donné lieu à l’affaire de 1997 « Sargos » et
à un examen de conscience de la JA.
·
Le CE a préparé un
texte de loi qui a été adopté en Juin 2000 et qui
a revu les procédures d’urgence devant
les juridictions administratives et qui a institué le référé liberté en cas d’atteinte aux libertés par
l’administration. Pour autant, la loi de 2000 précise bien qu’elle ne
remet pas en cause la théorie de la voie de fait qui continue d’exister
dans les cas où le comportement de l’administration est totalement inadmissible
et dans ce cas là le requérant peut choisir d’aller devant le juge judiciaire.
1) La
définition de la voie de fait
·
Dans voie de fait, il y
a fait, c'est-à-dire qu’il doit toujours y avoir un fait matériel. Il ne suffit pas qu’il y ait une décision
administrative il faut qu’elle procède à son exécution matérielle (ex : occupation d’une propriété privée
par l’administration, la mise sous scellé d’un logement privé, la confiscation
d’un passeport, la destruction d’effets personnels, arrestation/mise en
détention, saisie de journaux, exhumation d’un corps…).
·
Il faut que cette
exécution matérielle porte directement atteinte
ou au droit de propriété ou à une liberté fondamentale. Arrêt Carlier 1949 : l’administration avait saisi un appareil
photo et les clichés dedans et le juge a estimé qu’il y avait voie de fait. Une liberté fondamentale est une liberté spécialement prévue
et organisée par la loi.
L’Arrêt fondation Cousteau a conclu à l’absence de voie de fait
dans une affaire où malgré une décision de justice qui interdisait de
poursuivre les travaux de construction du point de l’île de ré,
l’administration avait poursuivi ces travaux. La construction du point nuisait
gravement à l’environnement. Le TC a
écarté l’idée qu’il puisse y avoir voie de fait, l’atteinte à l’environnement
n’est pas une liberté fondamentale.
·
La mesure doit être
affectée d’une illégalité d’une
gravité exceptionnelle, l’administration est sortie de ses
attributions, elle s’est comportée en dehors des cas qui n’est pas celle que
doit être l’action d’une administration publique. Cette hypothèse correspond à
deux situations différentes, on distingue la voie de fait pour manque de
procédure et pour manque de droit :
- Pour manque de
procédure :
C’est
le cas le plus fréquent. C’est la situation où l’administration a procédé à l’exécution d’office d’une décision qui
peut être légale mais en dehors des cas où l’exécution d’office est admise par
le droit. CE, 1902, Société immobilière de Saint-juste
qui précise les cas où en
l’absence de textes, l’administration peut exécuter d’office des
décisions.
- Pour manque de droit
L’illégalité
réside dans la décision prise par l’administration. L’autorité administrative
doit être sortie de ses attributions mais également de l’administration toute
entière. Selon la formule de la jurisprudence, il y a voie de fait pour manque
de droit lorsque la mesure prise est manifestement insusceptible de se rattacher
à l’exercice d’un pouvoir appartenant à l’administration. Il faut faire la différence entre
un acte simplement illégal (JA) et un acte manifestement insusceptible de se
rattacher à l’exercice d’un pouvoir appartenant à l’administration (JJ).
Arrêt Carlier, CE, 1949 : Carlier rédigeait des chroniques de presse
et il avait critiqué l’administration des beaux arts. Or, un jour, Carlier fait
des photographies de la cathédrale de Chartre et est arrêté. On lui confisque
son appareil photo et ses clichés qui sont détruits. Le lendemain, Carlier veut
aller dans la cathédrale mais est reconnu par le guide, qui lui interdit
d’accéder à l’intérieur. L’affaire vient devant le CE qui va distinguer les
deux situations. S’agissant d’aller à l’intérieur de la cathédrale,
l’affaire peut aller devant le JA. Par
contre, s’agissant de la confiscation de l’appareil photo et la destruction
de ses clichés, le JJ est compétent
car manifestement il n’y a aucun texte qui autorise l’administration à agir de
la sorte et l’administration est sortie de ses attributions.
2) Les
pouvoirs du juge judiciaire
L’intérêt
de la voie de fait est qu’elle permet d’aller devant une juridiction investie
de pouvoirs particulièrement importants. Le juge judiciaire a une plénitude de
juridiction à l’égard de l’administration en cas de voie de fait. Il
va pouvoir utiliser ses pouvoirs
d’injonction.
v Cette
idée de plénitude d’attribution repose sur l’idée que l’administration
lorsqu’elle commet une voie de fait est déchue de sa qualité de puissance
publique. L’acte qu’elle a pris est dénaturé.
èCe
juge judiciaire peut faire vite : il peut être saisi dans le
cadre du référé
civil en urgence qui va permettre d’obtenir une décision dans les
48H.
èEt ce
juge judiciaire peut faire beaucoup : il va pouvoir accorder
des réparations
indemnitaires et il va avoir le pouvoir d’adresser des injonctions
à l’administration c'est-à-dire des ordres. Le juge peut même être saisi à titre préventif,
avant même qu’il y ait voie de fait. Dans tous les cas cette injonction peut
être assortie d’une astreinte c'est-à-dire d’une condamnation
pécuniaire. (D’ailleurs pendant longtemps
seul le JJ avait un pouvoir d’injonction).
Le
juge de la voie de fait peut toujours et a tous pouvoirs pour apprécier la
légalité des décisions administratives constitutives de voie de fait. De
telles pouvoirs ont amené les avocats à multiplier les demandes au titre de la
voie de fait.
3) La
concurrence entre l’intervention du juge administratif et du juge judiciaire en
matière de voie de fait
·
Le problème c’est que
généralement, le JJ est saisi d’affaires touchant à la voie de fait et de
manière extensive parce que les parties considèrent qu’elles ne seront pas
protégées devant le JA.
Dans les années 90, les JJ vont accepter cette
dérive c'est-à-dire qu’ils vont identifier des cas de voie de fait alors que
l’administration n’était pas manifestement sortie de ses obligations. D’où la
multiplication d’affaires qui vont donner lieu à l’intervention du TC, pour
redresser la situation et dire que la voie de fait n’était pas établie.
o
D’abord dans un arrêt Gaudino : un fonctionnaire de police avait été
suspendu de ses fonctions car il avait écrit un livre qui disait que les
autorités de police n’avaient pas pris toutes les décisions qu’il fallait prendre
à Marseille en raison des liens entre la classe politique et le milieu des
affaires. Il avait été cherché le TGI et avait trouvé le JJ. Le conflit est
élevé et le TC constate que la
suspension d’un fonctionnaire relève du JA (la mesure n’est pas manifestement insusceptible de se rattacher à
l’exercice d’un pouvoir appartenant à l’administration)
o
Affaire Bordelaise de la
rétrogradation d’un club de football : ce club conteste la décision de la fédération de football. Le JA
doit être compétent et non le JJ. Le TC a estimé qu’il n’y avait pas voie de fait.
o
Affaire
d’une suspension d’un abonnement téléphonique : un abonné avait vu son
abonnement suspendu et avait demandé à un juge de dire qu’il y avait voie de
fait.
TC refuse. TC, 1991,
Préfet de la région Loraine.
·
Mais
cette tendance du JJ a pu être encouragée par le TC.
o
En effet, dans un arrêt de 1986 « Eucat » : un gros contribuable avait du mal à payer
ses impôts, avait décidé de quitter le territoire national. A l’aéroport, la
police lui avait confisqué son passeport. Voie de fait ou pas ? Le TC
nous dit qu’il y a voie de fait mais
c’est étrange car en l’espèce, on n’a pas à confisquer le passeport mais pour
autant était-elle constitutive de voie de fait ? Non car il y a des textes pour des raisons de sécurité de
l’Etat qui autorisent l’administration à confisquer un passeport. La frontière entre ce qui est illégal et
ce qui est constitutif de voie de fait vole en éclat.
Cette
décision va susciter des débordements et les JJ vont multiplier les voies de
fait.
o
Affaire du cargo le Phoenix : on revient sur la décision Eucat et on prône
une solution rigoureuse. Deux clandestins qui se trouvaient à bord d’un cargo
sont consignés à bord par l’administration Fr. Cette mesure n’est prévue par
aucun texte. Il faut les placer en zone de rétention administrative
normalement. Le TC va considérer qu’il n’y a pas voie de fait car la mesure n’est pas manifestement
insusceptible de pouvoir se rattacher à un pouvoir de l’administration. Cela reste une mesure d’exécution du refus
d’entrer sur le territoire national et ce refus lui paraît légal.
La
décision du TC tient à deux considérations.
- La
jurisprudence Eucat répondait à un besoin social : de permettre aux
justiciables de trouver un juge avec des pouvoirs suffisants. Or, ce
juge ne pouvait pas être un juge administratif puisque les procédures d'urgence
ne fonctionnaient pas bien.
v A l’issue de cette affaire, le JA a plaidé pour la
rénovation des procédures d’urgence devant les tribunaux administratifs et
l’institution notamment d’un référé liberté équivalent à celui qui existe
devant le juge judiciaire. Cette réforme va avoir lieu avec la loi du 30 juin 2000 sur les référés
administratifs et qui prévoit que le
juge administratif peut en cas d’urgence ordonner toute mesure nécessaire à la
sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle l’administration aurait porté
dans l’exercice d’un de ses pouvoirs une atteinte grave et manifestement
illégale. C’est l’article
L121-2 du code de justice administrative.
La
définition donnée au législateur suppose le maintien de la théorie de la voie
de fait car quand l’administration agit en dehors de ses attributions, le JJ
peut être saisi. Cette lecture de la loi est confirmée par un arrêt du 23 octobre 2000, TC, Boussadar qui
identifie une hypothèse de voie de fait en reprenant explicitement la
définition donnée en 1949 par le CE dans l’arrêt Carlier : manifestement
insusceptible de se rattacher à l’exercice d’un pouvoir appartenant à
l’administration.
De
cette définition, il résulte que le justiciable a une possibilité d’option. Cela
veut dire que lorsque l’administration sort de ses attributions, il peut tout
aussi bien saisir le JA au titre de l’article L121-2 du code de justice administrative
ou choisir de saisir le tribunal de
grande instance. Dans les deux cas, il aura un juge qui pourra prononcer toutes les mesures utiles pour faire
cesser les agissements illégaux de l’administration.
Mais lorsque l’administration n’est pas
sortie de ses attributions, le seul juge compétent est le JA.
L’intérêt
de la voie de fait persiste mais est moindre que dans les années 80-90. Et
les référés libertés se multiplient aujourd’hui devant les tribunaux
administratifs. Cela dit, il est des cas où les conditions du référé
liberté sont restrictives et que donc l’administré a tout intérêt d’aller
voir du côté du juge judiciaire pour bénéficier d’une protection qui lui sera
donné de manière plus souple.
La
théorie de la voie de fait a moins d’utilité qu’auparavant mais la loi a
organisé son maintien.
paragraphe 2 : la comptence du juge
judiciaire a l’egard du service public de la justice judiciaire
·
Le contentieux de la
justice judiciaire est en principe réservé aux juridictions judiciaires.
Cependant la compétence des juridictions judiciaire à l’égard de leur propre
contentieux n’est pas générale.
o
En effet, selon notre
tradition constitutionnelle, il n’existe pas de pouvoir judiciaire,
l’organisation judiciaire est rattachée au pouvoir exécutif et du point de vue
du droit administratif la justice judiciaire est d’abord un service public et
l’organisation de cette justice judiciaire. De ce fait, le contentieux de la justice judiciaire est un contentieux partagé et
la répartition a été fixée par un arrêt du CE de 1952, préfet de
la Guyane. La réparation repose autour de la distinction entre l’organisation du SP et le fonctionnement
du SP ou de ses conditions d’exécution. C’est donc un critère
matériel.
- Ce
qui relève de l’organisation
du SP est une affaire administrative qui vient au contentieux devant
les juridictions administratives alors que ce qui touche au fonctionnement de
la justice judiciaire relève des mécanismes propres de la JJ.
La décision de créer ou supprimer un
tribunal est une décision qui touche à l’organisation du SP. Une contestation
se fera devant le JA.
De la même manière, les mesures qui
intéressent la carrière des magistrats relèvent du CSM mais le juge compétent
pour connaitre des décisions par le CSM est le CE. Les mesures d’organisation
du CSM sont susceptibles d’être contestées devant le CE.
Les actes juridictionnels, s’ils sont contestés, c’est devant le juge
judiciaire. Les actes préparatoires aux décisions de justice
(décision du parquet de poursuite, actes d’instruction, actes de police
judiciaire) ne peuvent être contestés que devant le JJ car ils se
rapportent à l’exécution du SP. Idem pour les décisions d’exécution des
jugements. L’action doit se porter devant le JJ.
Il y a quand même une difficulté pour le contentieux
des actes d’exécution des jugements rendus par les tribunaux judiciaires. La compétence est partagée :
On considère qu’il y a des actes qui sont
détachables de l’exécution du jugement et donc on doit pouvoir les contester
devant le juge administratif : ex : le refus de l’autorité
administrative d’apporter le concours de la force publique à l’exécution d’un
jugement, acte détachable, cela relève du JA ; arrêt 1923
Quitéas. De la même manière, sont détachables les actes
d’amnistie, de grâce.
section 4 : la competence du juge
judiciaire a l’egard des questions incidentes interessant les actes administratifs
Le juge judiciaire est saisi d’une affaire
qui relève normalement de sa compétence mais qui ne peut régler le litige qui
est porté devant lui sans au préalable à avoir apprécier la légalité ou avoir à
interpréter un AA.
·
Si l’on s’en tient à
une appréciation stricte du principe de séparation, on doit considérer que de
telles questions accessoires relèvent du JA.
Dans ce cas là, le JJ doit en cas de difficulté sérieuse surseoir à statuer
et renvoyer les parties devant la JA.
o
La jurisprudence retient des solutions plus nuancées. Elle admet que dans certaines hypothèses, le JJ peut
valablement statuer sur les questions incidentes qui sont portées devant lui.
Une des raisons de cette nuance tient à l’exigence
de bonne administration de la justice. Faire en sorte que le procès pénal
ne soit pas ralenti par des questions pouvant se poser souvent.
Ø Il
faut arbitrer entre le principe politique de séparation des autorités
administratives et judiciaires et le principe de plénitude de juridiction du
tribunal saisi. La
question est de savoir si la question incidente est pour le juge judiciaire une
simple question préalable qu’il va pouvoir traiter ou est ce que la question
incidente est une question préjudicielle qu’il doit renvoyer à une autre
juridiction ?
Le TC et la cour de cassation n’ont en
plus pas la même lecture du problème. La répartition des
compétences va varier en fonction de plusieurs éléments :
- Nature de la question
posée au juge. On admettra plus facilement du JJ qu’il puisse
interpréter un AA qu’il n’apprécie la légalité de cet AA.
- Nature juridique de
l’acte administratif contesté. Les pouvoirs du juge
judiciaire seront plus facilement admis à l’égard des actes réglementaires qu’à
l’égard des actes individuels
- Nature du tribunal
saisi selon qu’il s’agit d’un tribunal répressif ou d’un juge
civil.
On
peut alors dresser le tableau suivant :
- S’agissant de l’interprétation des actes administratifs, le
tribunal des conflits dans un arrêt de 1923, Septfonds,
a reconnu que l’interprétation
des tribunaux judiciaires qu’ils soient civils ou pénaux, ont pleine compétence
pour interpréter les actes réglementaires.
A
l’inverse, l’interprétation des actes
individuels constitue en cas de difficulté sérieuse une question préjudicielle
pour les JJ.
- Pour l’appréciation de la légalité des AA, il faut
distinguer selon que l’on a à faire à un tribunal répressif ou un tribunal
statuant au civil :
o
Pour
les tribunaux répressifs, le TC a admis en 1951 dans un arrêt Avranches et Desmarets que le juge
pénal peut apprécier la légalité des actes réglementaires s’ils servent de
fondement à la poursuite ou qu’il soit invoqué comme un moyen de défense par la
personne poursuivie. Le tribunal admet
donc l’appréciation de la légalité des actes réglementaires.
Par contre, le juge pénal est incompétent
pour apprécier la légalité d’un acte administratif individuel.
o
La
chambre criminelle de la cour de cassation a une
interprétation plus large, dans un arrêt Dame Leroux en 1987,
la Cour de cassation juge que le juge
pénal est compétent pour tous les actes administratifs qui sont assortis d’une
sanction pénale y compris les actes individuels.
v La
divergence paraît aujourd’hui réglée par l’article 111-5 du code pénal
qui dispose aujourd’hui que les
tribunaux répressifs sont compétents pour interpréter les actes administratifs
et pour en apprécier la légalité lorsque de cet examen dépend la solution du
procès.
S’agissant
des tribunaux civils, la règle est beaucoup plus stricte, les tribunaux sont en
principe incompétents pour apprécier la légalité des AA même réglementaires.
v Se pose une difficulté : le contrôle de la
conventionalité de ces actes réglementaires. Pourquoi y a-t-il une
difficulté ? Car la
jurisprudence admet que le juge judiciaire apprécie la légalité de la loi aux
conventions internationales et si on applique la jurisprudence Avranches et
Desmarets, on considère que le JJ ne peut apprécier de la conventionalité d’un
règlement.
Cela a
abouti à une divergence profonde de jurisprudence entre la cour de cassation
et la juridiction administrative dans l’affaire du CNE. Un des problèmes était de savoir si ce
contrat (institué par une ordonnance) était conforme à des conventions
internationales sur le droit du W (notamment de l’OIT) ?
Immédiatement, le préfet a élevé le conflit en expliquant que c’était une
question qui relevait de la légalité d’un AA. Le conseil des prud’hommes
a décliné le déclinatoire et la cour d’appel a souhaité à son tour s’estimer
compétente. L’affaire est venue devant le TC dans un arrêt de 2007,
Préfet de l’Essonne. Le TC refuse de donner la réponse puisqu’il
dit que l’ordonnance a été implicitement
ratifiée par la loi et que c’est donc un texte de valeur législative et que le
tribunal civil peut apprécier sa conformité au traité.
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