mercredi 5 octobre 2016

La portée du principe de légalité administrative (les conséquences pratiques de ce principe)

La soumission de principe de légalité est absolue dans son principe mais relative dans son application. C'est-à-dire qu’il y a une certaine flexibilité dans l’obligation qui pèse sur l’administration pour respecter et appliquer la légalité administrative.
Il y a toujours une certaine marge de manœuvre d’appréciation pour agir ou ne pas agir. Ensuite choisir les moyens d’actions propres à la situation.

Section 1 : L’impératif de légalité

                        1) Conséquences pratiques du respect de légalité

a)      Le respect de la hiérarchie des normes

Il faut aussi et toujours regarder l’autorité pratique qui met en place la norme juridique, mais aussi le respect de l’autorité qui met en place la norme.
Cela veut dire que l’autorité de la norme juridique, dépend aussi de la place de son auteur dans la hiérarchie des autorités publiques. S’il s’agit d’une autorité inférieure, elle doit respecter nécessairement l’autorité supérieure. (Le maire ne peut pas mettre en œuvre une vitesse de 60 km/h en ville, en revanche il peut aggraver la situation, 30km/h).
La hiérarchie des normes se couplent avec la hiérarchie des autorités.

Le pouvoir hiérarchique s’exerce au sein d’une même personne morale de droit public. Le supérieur hiérarchique peut modifier et remplacer la décision de son subordonné, sauf si un texte interdit à une autorité supérieure cela.

La hiérarchie des normes doit ainsi être complétée par la hiérarchie des autorités administratives. Par conséquent, les textes attributifs de compétence sont donc déterminants, pour appliquer la norme, mais aussi pour savoir si un pouvoir hiérarchique est ou non écarté.

Le pouvoir de tutelle concerne deux personnes morales distinctes. Il est toujours prévu par un texte. Le texte prévoit que la tutelle peut modifier la décision de l’autorité inférieure et par conséquent revenir sur la décision antérieure.
Il n’y a plus de tutelle administrative sur les actes administratifs locaux, seulement contrôle a postériori.


Ce respect de la hiérarchie des normes permet de souligner qu’en pratique, un rapport de compatibilité entre les normes et surtout au niveau national. Si l’avancement est prévu par échelon, il faut respecter cela. Rapport de compatibilité dans les règles de droit, mais aussi communautaire et international.

Ce rapport de conformité est aussi très important en pratique pour le respect de la hiérarchie des normes.


b)      La distinction fondamentale entre le pouvoir discrétionnaire et la compétence liée de l’administration

Cela montre la flexibilité dans le respect du principe de légalité, c'est-à-dire une liberté d’appréciation offerte à l’administration quand elle veut intervenir.
Même en compétence liée, il y a une flexibilité, comme le délai pour agir.

Walie a indiqué que si il fallait donner une définition du Droit Administratif : Il est essentiellement l’étude du pouvoir discrétionnaire des autorités administratives et de sa limitation en vue de la sauvegarde du droit des tiers.  (Quelle marge de manœuvre faut-il laisser aux autorités administratives ?)

1)      Définition du pouvoir discrétionnaire

Une autorité administrative dispose d’un pouvoir discrétionnaire lorsque la loi en lui donnant une compétence, la laisse libre d’apprécier en fonction des circonstances, si elle doit utiliser cette compétence et comment elle doit l’utiliser. (agir ou ne pas agir, et un choix entre plusieurs solutions légales).

Le jury d’examen ou de concours est libre d’apprécier la valeur du candidat, notation qui ne peut aller que de 0 à 20.

Le pouvoir discrétionnaire n’est pas arbitraire dans la mesure où la marge d’appréciation doit entrer dans le droit applicable. Par conséquent, l’opportunité d’agir, de choix, doit être aussi justifiée.

On trouve aussi ce pouvoir en matière d’urbanisme, le choix d’un tracé d’autoroute, le choix de construire un nouveau complexe, adaptée aux réalités concrètes.


Il faut noter cependant que le pouvoir discrétionnaire se décompose toujours en plusieurs éléments :
            - Une base légale : il donne une compétence
            - Un encadrement textuel quant au choix de l’autorité administrative.
            - Une nécessaire adaptation à la réalité concrète du moment.

2)      Définition de la compétence liée

Il y a compétence liée lorsque l’autorité administrative est obligée d’agir et dans un sens précis. Il n’y a donc pas de marge de manœuvre.

Par exemple, le fait d’être titulaire d’un BAC, donne le droit de s’inscrire à la FAC : c’est une compétence liée.

Même chose en matière d’urbanisme, lorsque le plan local d’urbanisme prévoit une zone inondable, non constructible, le Maire doit refuser le permis (compétence liée).

La compétence liée peut se combiner avec un pouvoir discrétionnaire :
            - En matière de police administrative, c’est une règlementation pour éviter des troubles. Il y a une compétence liée car il faut garantir aux administrés le bon ordre. Mais pour l’assurer, il a le choix des moyens, il peut choisir la mesure la plus adaptée à la situation concrète.

3)      Le contrôle du pouvoir discrétionnaire par le juge administratif (limites).

Ces techniques ont été mises en place par le juge administratif, après les PGD, par deux techniques :
            - Erreur manifeste d’appréciation : Arrêt Lagrange de 1961.

Le juge a voulu contrôlé les motifs de faits, retenue par l’autorité administrative dans le cadre de son pouvoir discrétionnaire. Contrôlé de la qualification juridique des faits. Ne peut concerner qu’une erreur manifeste d’appréciation.

Ces techniques font craindre à l’administration, que si elle n’a pas étudié suffisamment les conséquences juridiques données au fait, sa décision sera annulée.


Pour la jurisprudence Lagrange, il s’agissait d’un reclassement de Mr Lagrange, le maire estimait qu’il y avait une équivalence entre Garde Champêtre et Cantonnier :
            - le Conseil d’Etat, qu’il n’y a pas erreur manifeste d’appréciation, lorsque l’administration reconnait cette équivalence.

Par conséquent, à partir de cet arrêt on a vu qu’il suffit qu’il n’y ait pas de disproportion manifeste, entre la décision prise, et les faits provoqués.

Deux arrêts rendus le 26 juillet 1978 :
            - Mr Vinolay : DGS à la champ d’agriculture du Gers, révoqué de ses fonctions pour défaut de diligence et de rigueur dans l’envoi de son rapport annuel. Le Conseil d’Etat estime qu’il y a une disproportion manifeste entre la faute reprochée à Mr Vinolay et la sanction retenue. Les manquements du Directeur, appelant certes à une sanction mais moins grave que la révocation.
            - Mr Cheval : Officier de Police Judiciaire, qui passait son temps au café, sanction proportionnée à la faute. Il n’y a pas d’erreur d’appréciation.

Le juge retient cette technique aussi en matière d’urbanisme : atteinte au site par une construction.

- Pour la deuxième technique, il va contrôler seulement un bilan coût avantage : et Arrêt d’assemblée du Conseil d’Etat le 28 mai 1971 : Ville Nouvelle Est

Construction d’un nouveau campus universitaire et d’une ville nouvelle. Ce projet entrainait l’expropriation et la démolition de plus de 250 maisons d’habitation.
Considérant qu’une opération ne peut être légalement déclaré qu’une utilité publique, que si les atteintes à la propriété, le cout financier, et éventuellement les inconvénients d’ordre social qu’elle comporte, ne sont pas excessif, mais gare à l’intérêt qu’elle présente. (coût-avantage).
            - Bilan positif, utilité incontestable, l’ont emporté sur les inconvénients, (ramené à 88 logements).

Bribant : Ce qui importe, est que le contrôle permette de censurer les décisions arbitraires, déraisonnables ou mal étudiées, et qu’il oblige les collectivités à présenter aux administrés d’abord, et ensuite le cas échéant, au juge des justifications sérieuses et plausibles de leurs projets

Cette technique du bilan cout avantage a été étendue à d’autres domaines (autre que urbanisme), et en particulier, en matière de police des étrangers, vis-à-vis des mesures d’expulsions.

Arrêt du 19 avril 1991 : Belgacem. Le Conseil d’Etat relève un bilan négatif en estimait que si l’intéressé s’était rendu coupable de plusieurs vols en 1980-1982, compte tenu de son comportement correct, ultérieurement, la mesure d’expulsion a, eu égard à la gravité de l’atteinte portée à l’avis familial, dépassé ce qui était nécessaire à l’ordre public.

Arrêt du 19 avril 1991 : Babas : Bilan positif, en soulignant qu’il n’y a pas d’atteinte disproportionnée, au droit de l’intéressé au respect de sa vie familiale, par rapport au but en vue desquels a été la reconduite à la frontière.

On ne parle plus d’un contrôle cout avantage, mais d’un contrôle de proportionnalité :
            Moustakuim : Contrôle de proportionnalité des mesures d’éloignement.

C’est un contrôle in concreto : car le juge regarde la situation de fait et  les conséquences juridiques de la situation de fait.

L’erreur manifeste d’appréciation est un contrôle minimum car le juge ne va sanctionner qu’une erreur grossière, qu’une disproportion manifestement différente.

Contrôle de proportionnalité : Contrôle normal : Le juge regarde la disproportion entre la situation de fait retenue et la décision prise.

Section 2 : Les atteintes exceptionnelles à la légalité

Dans certains cas (crise, guerre), il est très difficile pour les autorités administrative de concilier la légalité administrative, la continuité des services publics, et assurer l’ordre public.

La jurisprudence et le législateur ont reconnu en période de crise, qu’il y avait une nécessité à assurer d’abord la continuité des services publics, et l’ordre public, ces deux éléments devant l’emporter sur la légalité.

On remplace une légalité normale par une légalité d’exception : Cela veut dire que le principe de légalité est absolue, il demeure, mais son application est assouplie, c'est-à-dire son contenue va être assoupli, parce qu’il faut faire prévaloir la continuité des services publics et le bon ordre.
Il y a donc deux régimes d’exceptions :
            - Un régime jurisprudentiel, c’est le juge qui a reconnu l’assouplissement du contenu de la légalité.
            - Un régime textuel, pour garantie la continuité ou l’ordre public.

1)      Régime jurisprudentiel dégagé par le juge lui-même.


Lié à la première guerre mondiale, suite à une crise, un cataclysme, pour assouplir le contenu du principe de légalité administration

a)      Les conditions d’application révélées par la jurisprudence.

Deux arrêts à retenir :
            - Arrêt du Conseil d’Etat du 28 juin 1918, Heyriès. Il s’agissait de la révocation d’un fonctionnaire justifié par le fonctionnement du service public, révocation immédiate, atteinte à la légalité.
            - Arrêt du 28 février 1919, Conseil d’Etat, Dol et Laurent.

Ces deux arrêts ont révélé les 4 conditions d’applications de la circonstance exceptionnelle :
            - Il faut identifier une situation grave, anormale, et imprévisible (Guerre, Emeutes.
            - Ces circonstances doivent mettre l’autorité administrative dans l’impossibilité de respecter la légalité normale.
            - Les décisions prises par les autorités administratives, doivent être prises en violation de la légalité normale.
            - La durée dans le temps, des mesures exceptionnelles, c'est-à-dire que les mesures prises doivent être strictement limitées à la durée des circonstances exceptionnelles. Cette condition est importante.

b)      Les effets juridiques exceptionnels.

Il s’agit d’un bouleversement qui autorise la législation à s’affranchir de certaines obligations. Possibilité d’enfreindre des obligations. Par conséquent la révocation immédiate est justifiée en temps exceptionnel. L’arrestation et l’internement d’office est justifiée en temps de guerre.

Cela concerne surtout la police, restriction des mineurs de 13 ans de sortir après 23h.


2)      Le régime textuel des circonstances exceptionnelles

a)      L’article 16

Le recours à l’article 16 est in justiciable, ne peut pas être contesté devant le juge. En ce qui concerne les mesures prises utilisant l’article 16 :
            - Arrêt du 2 mars 1962 : Rubin De Servens, Le Conseil d’Etat a montré que lorsque si le Président prend une décision qui en temps normal aurait relevé de la compétence du législateur (34), il ne peut pas examiner la légalité de cet acte. En revanche, si le Président prend un acte, qui en temps normal, relève du pouvoir règlementaire (37), le Conseil d’Etat peut l’annuler.

b)      La loi sur l’Etat de siège du 9 aout 1849

Toujours déclaré en décret du conseil des ministres, pour une période limité à 12 jours, nécessite la réunion des deux assemblées parlementaires pour prolonger. La conséquence de cette proclamation :
            - Restreindre les libertés individuelles
            - Etendre la compétence des tribunaux militaires.

c)      La loi du 3 avril 1955, sur l’Etat d’urgence.

Mise en place pour faire face aux évènements de la guerre d’Algérie. L’art 1 souligne qu’il s’agir de faire face à un péril imminent résultant d’atteintes grave à l’ordre public.

Décret du 8 novembre 2005, applicable dès le lendemain, mise en œuvre de l’Etat d’urgence sur le territoire métropolitain, en donnant aux autorités administratives (Préfet), le droit de procéder à des perquisitions de jour comme de nuit. Décret complété par celui du 1er ministre, autorisant les préfets à interdire par arrêté préfectoral sur l’ensemble du territoire métropolitain, la circulation des personnes et des véhicules dans des lieux et à des heures déterminées, pour mettre en place des zones de protection.


Ces décrets ont été contestés qui ont été rejetés par le Conseil d’Etat.

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