L’étude du droit administratif renvoie à la distinction du droit public et du droit
privé. Le droit administratif est une branche du droit public. Du point de vue académique, le droit
administratif correspond à l’étude des règles applicables à l’action
publique.
1)
Pourquoi existe-t-il un droit administratif ?
·
Il existe un certain nombre d’activités prises en charge par les
institutions publiques qui répondent à des besoins particuliers, qui visent à
satisfaire les besoins collectifs
(ce sont des activités d’intérêt
général). Il existe donc des activités qui ne peuvent être soumises
qu’à des règles spécifiques, qui ne
sont pas celles que l’on applique dans les relations entre particuliers.
·
Le problème est que cette idée n’a
été consacrée dans aucun texte solennel, aucune disposition de la Constitution
française n’y fait aujourd’hui référence. Aucune
des constitutions n’a jamais mis en avant cette idée. De la même manière,
aucune loi n’a jamais posé formellement ce principe. Il n’y a pas en droit administratif
d’équivalent du Code civil, il n’y a pas de « Code administratif ».
Cette idée est le résultat d’un long processus de
maturation de la pensée juridique. Lorsque les auteurs veulent étayer
juridiquement l’existence du droit administratif, ils font référence à deux
étapes fondamentales :
·
Arrêt du tribunal des conflits du 8 février 1873 :
Blanco. Agnès Blanco
traverse imprudemment la voie et se fait renverser par un wagonnet d’une
manufacture de tabac (administration publique à cette époque), elle y perd une
jambe. La question qui se pose au juge
est de savoir quel est le juge compétent ? Quel est le droit que l’on va appliquer ? L’affaire vient donc
devant le Tribunal des conflits. (Le rôle du tribunal des Conflits est de
départager les conflits de compétence entre les deux ordres juridictionnels.)
Le Tribunal des conflits annonce solennellement que la responsabilité qui peut
incomber à l’Etat pour les dommages causés aux particuliers du fait de ses
activités d’intérêt général ne peut pas être régis par les principes du Code
civil (car le Code civil est fait pour les rapports de particuliers à
particuliers). Les règles applicables à
l’Etat doivent obéir à un régime spécial pour tenir compte de la nature
particulière de la relation qui lie l’Etat aux particuliers. Le Tribunal
des conflits dit en conséquence que c’est au
juge administratif de connaître de l’affaire.
·
La loi des 16 et 24 août 1790 (Pourquoi deux dates ? Cela correspond à un système
constitutionnel de monarchie, le Roi conserve un droit de véto : le 16 est
la date où le parlement a voté ; et le 24 est le jour où le roi l’a signée).
Cette loi interdit
aux tribunaux judiciaires de contrôler les activités de l’administration
publique et en particulier du pouvoir exécutif, ce qui revient à dire que
l’administration doit échapper à l’application du droit privé.
Avant la Révolution
française, on trouve déjà l’existence
d’un droit administratif sous l’impulsion notamment des légistes royaux. Sous
l’Ancien régime, il est traditionnel de citer l’Edit de Saint Germain de 1641 qui prévoit que les questions
qui touchent aux affaires royales doivent être traitées non pas par les cours judiciaires mais auprès du Conseil du roi.
2)
Le droit administratif est-il une invention française ?
·
On pourrait répondre oui car c’est
en France que l’on a poussé le plus loin cette idée d’un droit administratif.
C’est en France que le champ des activités administratives est le plus large.
De plus, le droit
administratif s’accompagne en France de l’existence d’une juridiction
administrative, qui est indépendante du juge judiciaire : elle a une
cour suprême qui est le Conseil d’Etat.
·
Il y a tout de même du droit administratif à d’autres
endroits, mais soit le droit administratif ne s’occupe que de certaines questions
réduites, soit il ne s’appuie
pas sur une juridiction indépendante.
L’existence d’un droit administratif est admise partout,
les activités prises en charge au nom de l’intérêt collectif doivent faire
l’objet d‘un traitement juridique à part.
·
La question de la mise en œuvre de ce principe soulève un certain nombre de
difficultés, de questions, et force est de constater que l’on n’a pas répondu
partout de la même manière à ces questions :
§ Quelle est le périmètre de ce droit administratif ? Doit-il régir tous
les aspects des activités publiques ?
Il s’agit de savoir ce que peut faire l’Etat dans un
système qui est d’inspiration libérale. Le passage de l’Etat gendarme à l’Etat
providence puis le passage aujourd’hui de l’Etat providence à l’Etat post moderne montre que le périmètre du droit administratif dépend de
notre définition de l’Etat (cf. cours Antoine Som).
§ Quel doit être le degré de densité du droit administratif ? Faut-il
que ce droit soit totalement spécifique, ou doit-on admettre que le droit
civil est un système juridique qui s’est développé très tôt et qu’il est donc
transposable aux questions administratives ?
§ Est-ce que ce droit original doit être mis en œuvre par les juridictions de
droit commun ? En France on a
fait le choix d’une mise en place particulière (Le Conseil d’Etat).
§ Quel rapport cette juridiction particulière doit entretenir avec l’exécutif
et l’appareil juridictionnel ?
En Allemagne,
il existe une Cour administrative mais au total ces cours administratives sont indépendantes du pouvoir exécutif
et par le biais du tribunal constitutionnel allemand, la Cour administrative
participe au système juridique global.
En France,
le Conseil d’Etat n’est pas qu’une cour administrative, c’est une institution qui rend la justice
et qui en outre est l’organe
d’expertise juridique de l’Etat.
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